Dans le domaine de l'innovation, il faut élargir l'approche. Car la politique de l'innovation ne repose pas toujours sur des outils de financement, comme l'a mis en lumière le plan « Une nouvelle donne pour l'innovation ». Le financement ne saurait donc focaliser toute l'attention. L'innovation est aussi affaire d'état d'esprit, de culture, de mesures d'attractivité, de développement d'écosystèmes favorables à la naissance d'initiatives. Par exemple, l'État a créé la labellisation French Tech, rendant visible à l'étranger des écosystèmes favorables à l'innovation, tandis que Bpifrance s'engage dans le financement des start-up.
La sensibilisation à l'entreprenariat et à l'innovation dans l'enseignement scolaire et supérieur dépend de l'État. Dans le domaine réglementaire, l'indicateur 040 de la Banque de France, qui marquait au fer rouge tout dirigeant d'entreprise ayant connu une liquidation et l'empêchait de facto d'obtenir de nouveaux financements, a été supprimé l'an dernier. Une nouvelle approche et une nouvelle gestion de l'échec se développent ainsi. Dans le domaine fiscal, le dispositif jeunes entreprises innovantes ou le crédit d'impôt recherche constituent aussi des incitations.
Quant à la commande publique, les achats innovants de l'administration peuvent être doublement bénéfiques, car ils apportent non seulement une référence client au fournisseur, mais induisent aussi un changement de culture au sein des services.
Quand on parle de financement de l'innovation on retrouve quasiment tout le temps Bpifrance. C'est l'opérateur du financement de la politique d'innovation, et elle me paraît intervenir au bon niveau dans le domaine de l'innovation. Une cohérence se dégage donc de la plupart des actions engagées. Mais cette politique publique dépend globalement de l'État.
En matière de crédits, nous sommes en face d'un paradoxe apparent. Certes, depuis 2013, la dotation du programme 192 est en baisse tendancielle, dans le cadre de l'effort de maîtrise des dépenses publiques mais du point de vue des entreprises, le montant total des financements de Bpifrance en faveur de l'innovation a cependant largement augmenté, bondissant de 40 % en 2014 à un milliard d'euros.
D'autres sources de financement complètent en effet le programme 192. Les actions du PIA, qui montent en puissance, constituent une ressource budgétaire même si cela apparaît moins nettement et même s'ils poursuivent des objectifs propres et que les règles de gestion en sont différentes. Ils portent surtout des projets collaboratifs de recherche et développement, tels les projets structurants pour la compétitivité, le Concours mondial d'innovation, ou la part subvention et avances remboursables du Fonds national pour la société numérique (FSN), apportant des financements à hauteur de 265 millions d'euros en 2014.
Les partenariats entre Bpifrance et les régions ont quant à eux représenté 70 millions d'euros d'aides publiques en 2014.
Les prêts sur fonds propres de Bpifrance ou les prêts adossés à des fonds de garantie financés par des dotations de l'État constituent la troisième source de financement.
Les prêts développent un double effet de levier. En interne, ils accroissent d'un à cinq, parfois six, la capacité de financement qui résulterait de la seule dotation budgétaire ; et ils jouent également un rôle d'entraînement vis-à-vis du secteur bancaire car, en général, ce sont des instruments qui interviennent en co-financement. Pour 50 millions d'euros en 2014, les prêts d'amorçage, sans garantie à long terme, ont accompagné les premières levées de fonds des start-up. Ces prêts existaient déjà, mais sont développés de façon importante par Bpifrance. Pour les prêts pour l'innovation, Bpifrance n'intervient pas en co-financement, mais finance l'aval des projets d'innovation. Ces prêts ont été de 125 millions d'euros en 2014. À l'avenir, la Banque européenne d'investissement (BEI) prendra le relais de l'État qui en finançait la garantie. Le préfinancement du crédit d'impôt recherche a mobilisé de son côté 37 millions d'euros. En 2014, un total de 250 millions d'euros a ainsi servi au financement de l'innovation.
Le programme 192 finance quant à lui à hauteur de 370 millions d'euros des aides à des projets individuels, par le biais de subventions, d'avances remboursables ou de prêts à taux zéro et là aussi avec l'effet de levier. Compartiment nouveau, la Bourse French Tech aide à la création d'entreprises. Il faut donc relativiser la baisse des crédits du programme 192, notamment au vu des efforts consentis sur les PIA.
La nouvelle organisation nous oblige à essayer de rationaliser la gamme. Au temps d'Oséo, l'innovation pâtissait encore d'une vision trop restreinte. Avec Bpifrance, une branche innovation agglomère désormais les aides classiques à de nouveaux types de financement, donnant naissant à un continuum des outils de financement. La synergie entre ces divers instruments maximise l'effet des aides. Les évolutions budgétaires ont donc conduit à une remise en ordre de la gamme des instruments disponibles.
Il est ainsi apparu que certains grands projets collaboratifs du programme Innovation stratégique et industrielle étaient redondants avec des projets soutenus par les PIA. Les crédits correspondants ont ainsi été redéployés au bénéfice de l'innovation individuelle. Dans le domaine de l'aide à l'innovation, Bpifrance réfléchit en ce moment à la manière de structurer sa gamme de produits, qui va de l'amorçage, à l'aide au projet d'innovation, en passant par l'aide à l'industrialisation et le soutien à la levée de fonds.
Les PIA se focalisent davantage sur des projets collaboratifs de recherche et développement, tels les projets structurants des pôles de compétitivité (PSPC) ou les projets industriels d'avenir (PIAVE). Mais ils financent également le Concours mondial de l'innovation. D'autres projets reçoivent d'abord de petites subventions, puis bénéficient d'avances remboursables.
Quant aux relations entre Bpifrance et les autres acteurs dans le domaine du soutien à l'innovation, elles ne concernent pas seulement l'Ademe, mais aussi l'Agence nationale de la recherche (ANR), qui finance aussi des projets industriels. Jusqu'où faut-il uniformiser leurs approches ? Pour l'heure, l'Ademe détient une expertise dans le secteur de l'environnement qui justifie qu'elle conserve son domaine d'action. À l'avenir, une coopération plus approfondie serait peut-être souhaitable cependant.
De même, faut-il rassembler toutes les formes de soutien aux ETI au sein de Bpifrance ou faut-il maintenir une forme de diversité ? En tout état de cause, il me semble important de conserver les expertises sectorielles et de ne pas casser les outils existants.