Je vais prendre deux exemples. Dans le domaine de la défense, la société SOFIRED a été intégrée à Bpifrance. Dans le domaine du soutien aux activités culturelles et au cinéma, Bpifrance n'a noué qu'un simple partenariat avec l'Institut pour le financement du cinéma et des institutions culturelles (IFCIC), car ses fonds propres sont en partie détenus par des actionnaires privés. En matière d'intégration, il faut donc adopter une approche au cas par cas.
L'origine du financement ne rend pas compte à elle seule de la complexité des relations entre les acteurs. Bpifrance peut ainsi gérer des fonds de l'Ademe. En étant plus visible par les entreprises et en menant une démarche proactive, elle apporte une valeur ajoutée.
Quand Bpifrance a été créé, on observait une certaine concurrence entre Oséo et la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur (Coface), qui développaient des gammes parallèles de produits de financement du développement à l'export. Dès 2013, conformément à la logique de guichet unique, une rationalisation de l'offre a pu avoir lieu sous le label « Bpifrance Export ». Bpifrance assure désormais des prêts à l'export, tandis que la Coface agit de manière complémentaire en apportant des cautions, une offre de préfinancement et assure la phase de développement du projet. Une réflexion est en cours sur un transfert éventuel vers Bpifrance de l'activité de garanties publiques effectuée aujourd'hui par la Coface. La décision sera prise d'ici la fin de l'année.
La SFIL, société de financement local, a un objet très différent. Alors que Bpifrance assure de petits tickets de crédit acheteur, cette société opère le refinancement de montants qui varie entre 250 millions d'euros et deux milliards d'euros et n'a pas vocation à avoir une activité de relation avec les entreprises. Le bilan de Bpifrance s'élevant à 50 milliards d'euros, elle sortirait du cadre tracé par les ratios prudentiels, et contrôlé par la BCE, en finançant des prêts de ces montants. Chaque structure agit selon ses capacités.
Ce qui compte c'est que les entreprises s'y retrouvent bien. L'activité de Bpifrance de crédit acheteur direct sera un élément nouveau mais le financement classique continuera à passer par les banques que les entreprises connaissent et qui fonctionne. Simplement cela devrait permettre aux banques de répondre favorablement plus souvent et plus facilement aux demandes de financements relatifs à l'exportation.
Quant au marché du capital développement, il a été créé en France par CDC Entreprises, en particulier sur les segments les plus risqués, c'est-à-dire en amont, en capital risque et en amorçage, sur lesquels les acteurs privés n'étaient pas présents. Sur le marché américain, des fonds de pension n'ont pas hésité à retirer leur mandat de gestion sur ces segments d'amont qui sont moins rentables, voire pas rentables. Bpifrance intervient, dès lors, pour combler une réelle faille de marché et son rôle est fondamental. La rentabilité financière est toujours un critère mais on peut admettre que la rentabilité globale de ces opérations très risquées soit nulle, tant que les pertes sont évitées, que de belles réussites se détachent et que – et c'est tout le débat – sont aussi recherchés des co-investissements là où la probabilité d'une plus value est plus importante.
Dès lors se pose la question de l'articulation de Bpifrance et des acteurs privés : il faut pouvoir pallier la défaillance de marché sans pour autant se substituer aux acteurs. La situation idéale est celle où Bpifrance complète un tour de table avec les opérateurs privés ; Bpifrance fait alors du reste porter une moindre responsabilité à ses équipes puisque l'instruction a déjà été conduite par les acteurs privés. Mais, trop souvent, Bpifrance ouvre encore ce tour de table et c'est son intervention qui le rend possible. Or les choix opérés sont lourds de conséquences. Il faut permettre la multiplication des équipes de personnes très compétentes sur des domaines très pointus et auxquelles les investisseurs font confiance. Aux États-Unis, il n'est pas rare de voir des dizaines de millions de dollars confiés à des dirigeants dont le profil a retenu l'attention d'un investisseur institutionnel, qui peut apporter jusqu'à 80 % du capital de leur entreprise sans vouloir plus de 10 % des droits de vote, pour ne pas s'embarrasser avec sa gestion. Pour repérer ces profils créatifs, il faut de solides équipes d'investissement capables de parier sur des personnalités et des idées. Bpifrance a de très bonnes équipes mais pour que le marché du capital développement soit pérenne, elle doit être présente, sans que ce soit systématique, afin de laisser libre cours à l'expansion naturelle du marché. Or, au travers des investissements directs et des fonds de fonds elle participe, en réalité, à un très grand nombre d'opérations.
À volumétrie constante pour Bpifrance, on souhaiterait donc que le développement du marché du capital risque permette de réduire sa part de marché relative. Le gouvernement a pris des mesures pour renforcer l'attractivité de ce marché, notamment pour attirer les capitaux privés étrangers ou domestiques. Cette croissance, en renforçant les équipes d'investisseurs privés, devrait permettre de prévenir toute atrophie des équipes de gestion dont certaines se limitent à des domaines où le rendement est purement fiscal. C'est pourquoi dans le plan stratégique de Bpifrance, il lui a été demandé de faire des choix pour miser sur des équipes de gestion qu'ils auront sélectionnées, pour des montants qui pourront être importants. Mais, encore une fois, Bpifrance ne doit pas être la seule à opérer ces choix. Elle doit être accompagnée par les acteurs privés.