Intervention de Jean-Louis Beffa

Réunion du 19 mars 2015 à 11h00
Mission d'information commune sur la banque publique d'investissement, bpifrance

Jean-Louis Beffa, président d'honneur de Saint-Gobain, membre de la commission de surveillance de la CDC :

La manière dont nous travaillons – sur des sujets très importants pour les décisions gouvernementales – ne nous laisse pas le temps d'entrer dans certains détails d'organisation.

Je vais prendre dans l'ordre les questions que vous m'avez adressées.

Les règles européennes, en matière d'aides d'État, semblent ridicules, quand on les compare à celles qui s'appliquent au Japon ou en Chine. Alors que le Japon consent des efforts considérables pour soutenir ses entreprises, la Commission adopte une vision ultra-libérale, qui revient, pour l'Union européenne, à se tirer une balle dans le pied. L'affaiblissement industriel français et européen tient pour beaucoup aux règles extrêmement néfastes que j'ai dénoncées avec Gerhard Cromme, dans un rapport que nous avons remis à M. Hollande et à Mme Merkel.

Depuis longtemps, la Commission a choisi de protéger les consommateurs au détriment des producteurs. Bientôt, les premiers resteront seuls face aux Chinois ou aux Américains, car, dans bien des secteurs, les producteurs français, voire européens auront disparu. Une telle politique est irréaliste. Désormais, la mondialisation est non une concurrence entre des entreprises qui adopteraient une règle du jeu commune, mais une bataille entre des États qui soutiennent leurs champions. La Direction générale de la concurrence l'a-t-elle bien compris ?

Je ne sais pas précisément quelles sont les règles européennes concernant le comportement « avisé » de l'investisseur et du financeur, ni celles qui consistent à rechercher avant tout la rentabilité et à se méfier le plus possible de la prise de risque qu'implique par nature toute politique industrielle. On ne veut pas comprendre que les entreprises d'Europe – même d'Allemagne – perdent peu à peu la lutte contre les Américains, les Japonais, les Coréens ou les Chinois. Les règles européennes qui s'appliquent face au conglomérat Samsung témoignent d'une méconnaissance absolue de la dureté de la concurrence internationale. Les pays émergents ont renoncé à ces règles, qui avaient cours dans un monde occidental fermé.

Bpifrance a suffisamment de priorités pour ne pas créer de nouvelles structures afin de soutenir les entreprises à l'international. Nombre d'organismes jouent déjà ce rôle. Celui sur lequel Bpifrance doit se concentrer consiste à assurer des financements.

La BPI se distingue des banques privées et comble des failles de marché, mais non de manière significative. Certes, elle se montre ouverte en matière de crédit, car elle conserve l'orientation d'OSÉO, qui était la banque des PME, mais elle est très réticente en matière de fonds propres. Elle contraint les PME qui la sollicitent à effectuer des audits très onéreux. De tels réflexes seraient plus pertinents à l'égard des grands groupes. Dans le dialogue avec les PME, la BPI ne témoigne pas de souci de simplification. Bien qu'elle se comporte mieux que les autres banques, elle pourrait donc encore progresser.

Dans certains cas, elle pourrait s'engager dans l'activité de capital-retournement, qui consiste à prêter de l'argent à risque à une entreprise qui va mal, afin que sa situation se rétablisse. La Banque n'a cependant pas à assumer la responsabilité de tous les canards boiteux que certains responsables politiques voudraient lui confier. Elle doit faire preuve de prudence et de rigueur, sans quoi, faute d'experts, elle s'intéresserait à des entreprises qui, même aidées, ne se relèveront pas.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion