Intervention de Brigitte Grésy

Réunion du 24 mars 2015 à 16h30
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Brigitte Grésy, secrétaire générale du Conseil supérieur de l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, CSEP :

Le Conseil supérieur de l'égalité professionnelle (CSEP) couvrant seulement le marché du travail privé, il revient au Conseil supérieur de la fonction publique d'État et au Conseil supérieur de la fonction publique territoriale de se saisir de ces questions, madame Gueugneau.

Madame Romagnan, dans notre enquête, nous avons demandé aux femmes si elles avaient été les victimes ou les témoins d'agissements sexistes ; aux hommes, seulement s'ils en avaient été les témoins. Et la psychologie sociale montre qu'être témoin ou être victime crée quasiment le même type de dégâts. On peut souffrir du sexisme passif, à l'instar du tabagisme passif.

Misogynie, machisme, sexisme sont des termes qui recouvrent un même phénomène, mais ce qui est important, c'est de disposer d'un terme juridique. Sexisme en est un, comme le racisme. Nous visons la reconnaissance d'un concept juridique, ce qui nous fait éliminer tous les termes qui ne font que désigner des relations difficiles entre femmes et hommes.

Les stratégies des femmes face au sexisme sont très différentes. Elles dépendent des milieux, or le monde politique est le pire en la matière car il ne connaît pas de mécanismes de régulation interne, le sexisme s'y exprime de manière sauvage. Dans une organisation de travail, que ce soit une entreprise ou la haute fonction publique – où, je peux vous le dire d'expérience, le sexisme sévit –, des autorégulations se mettent en place à travers la chaîne hiérarchique. Le sexisme se manifeste de manière beaucoup plus insidieuse et détournée que dans le monde politique, où il n'y a de comptes à rendre qu'à ses électeurs. Et ce caractère dissimulé du sexisme ordinaire au travail est source d'une grande souffrance qui affecte non seulement les victimes mais aussi les témoins, et donc la performance globale de l'entreprise.

Le seuil de tolérance au sexisme est très différent suivant les femmes : certaines semblent être invincibles quand d'autres sont mises à terre par une simple remarque. Le rôle des pouvoirs publics est de donner la plus grande visibilité possible au phénomène du sexisme pour venir en aide aux plus faibles, aux plus fragiles.

Vous avez raison, madame Lacuey, les deux milieux où les femmes souffrent le plus du sexisme sont les métiers majoritairement masculins, comme les métiers du bâtiment, et les postes de gouvernance. C'est quand les femmes sont les moins nombreuses, et quand, historiquement, elles n'ont pas encore fait la preuve de leur légitimité, qu'elles sont contestées et agressées. Nous voyons bien quelle sauvagerie se déchaîne contre celles qui se portent candidates à des postes à pourvoir dans des enceintes que nous connaissons toutes. Même si les aides européennes permettent de créer des sanitaires distincts, si les femmes ne sont pas accompagnées et ne sont pas en effectifs suffisants, elles partiront de l'entreprise au bout d'un an ou de deux ans, les ailes souvent brisées. Il faut nommer ce sexisme-là dans ces milieux majoritairement masculins. Seules quelques-unes pourront déclarer que ces manifestations sexistes tenaient davantage du bizutage, la majorité renoncera. Je vous renvoie à l'un des derniers numéros de la publication Bref du Centre d'études et de recherches sur les qualifications (CEREQ) consacré aux femmes dans les métiers d'hommes.

Renforcer la parité, dites-vous encore, madame Lacuey. Je suis « Madame objectifs chiffrés » car je considère qu'on ne peut parvenir à créer de l'égalité qu'en mettant en tension les organisations : l'égalité, ça se mesure et ça se contraint. La parité est à développer. Il faut le faire avec doigté et cela passera par des objectifs chiffrés de progression.

Quant au burn-out et aux situations de détresse, nous ne disposons pas de données permettant d'établir un lien avec le sexisme, précisément parce que rien n'est sexué dans les plans de prévention et les documents uniques de sécurité. Faire émerger la notion d'agissement sexiste, parvenir à ce que le sexisme soit mentionné dans les règlements intérieurs, les plans de prévention, les chartes d'éthique, voilà qui permettra de mener des enquêtes susceptibles de montrer qu'il existe une telle causalité. Nous avons tous l'intuition que l'usure professionnelle, la difficulté à se projeter dans le lendemain, le burn-out, sont liées à des phénomènes de non-reconnaissance de ce que l'on est et d'atteinte à son identité au travail.

Enfin, la proximité des médecins du travail avec les employeurs est une critique répandue, mais je crois qu'ils sont de plus en plus sensibilisés au sexisme même si leurs missions ne comprennent pas sa prise en compte.

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