Intervention de Jean-Louis Bianco

Réunion du 11 mars 2015 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Jean-Louis Bianco, représentant spécial du ministre des affaires étrangères et du développement international, pour les relations avec l'Algérie :

Madame la présidente, le Premier ministre n'a pas fait état devant moi de ses intentions relatives à la règle des « 5149 ».

Peut-être l'Algérie en viendra-t-elle à abolir le contrôle des changes, mais l'on n'en prend pas le chemin pour l'instant. Aussi la seule manière de procéder, peu satisfaisante, est de trouver des exceptions et des dérogations au cas par cas.

Le Gouvernement algérien, conscient du retard considérable du développement ferroviaire du pays, a affiché de grandes intentions à ce sujet. Mais alors que la baisse du cours du pétrole contraint fortement le budget, certains responsables disent que l'on ne touchera pas aux prestations sociales, d'autres que les dépenses d'investissement resteront inchangées. Il faudra pourtant trancher puisque les recettes seront moindres, et le débat sur l'équilibre à trouver n'est pas des plus faciles. Je sais que certains investissements seront différés, ceux qui concernent le tramway en particulier ; j'espère, sans en être certain, que ce qui a trait au ferroviaire ne le sera pas. C'est pour tenter de concrétiser le plus de projets possible que nous avons mis à l'ordre du jour le cluster ferroviaire-transports.

J'ai le sentiment, monsieur Destot, que les Algériens préfèrent de beaucoup les joint-ventures, ce qui n'exclut pas d'autres initiatives. L'entreprise montée par Pomagalski dans ce cadre est un succès.

À mon sens, nos entreprises doivent contourner la présence chinoise en choisissant les domaines où elles ont un avantage comparatif, quel qu'il soit. Je ne connais pas d'alliances ou de projets d'alliance entre des entreprises françaises et des Chinois en Algérie ; je sais, en revanche, qu'Air Liquide porte un projet d'usine de production d'oxygène en partenariat avec Qatari Steel. Des partenariats se nouent donc naturellement.

Le manque d'autorités municipales entrave effectivement la réalisation des infrastructures urbaines de tous types. Les choses évoluent, un peu, à Alger. Les wali sont souvent les bons interlocuteurs car ils qui ont une certaine capacité de décision… dans le cadre bureaucratique général.

L'AFD peut sans aucun doute être un levier d'accompagnement, mais je n'ai rien vu de concret à ce sujet dans les dossiers dont je me suis occupé.

Monsieur Guibal, ce sont nos interlocuteurs algériens que le souvenir de l'enseignement généralisé du français dans leur pays rend nostalgiques. Ils affirment la volonté d'introduire l'enseignement de la langue française dans le secondaire, et évoquent le sujet spontanément quand ils nous demandent d'ouvrir de nouveaux lycées français à Annaba, Oran ou Alger.

La situation en Libye et au Sahel n'est pas au coeur des dossiers dont je traite mais je sais les autorités algériennes très préoccupées par l'évolution libyenne, et très vigilantes ; cela étant, elles déconseillent toute intervention militaire en Libye. Notre ambassade et le ministère des affaires étrangères jugent que l'Algérie a joué un rôle extrêmement positif au Mali, en étroite liaison avec la France. Notre ambassadeur a rendu un vif hommage à la médiation algérienne.

La même vigilance vaut, monsieur Dupré, pour contrer les risques de déstabilisation. La coordination entre les services de renseignement m'est décrite et du côté français et du côté algérien comme étant très bonne. Pour les frontières, les Algériens affichent à la fois préoccupations et confiance. À l'intérieur, le sujet n'est pas abordé avec moi, mais le traumatisme de la « décennie noire » est réel ; les Algériens considèrent qu'ils ont dû se battre seuls contre le terrorisme, qu'ils ont été abandonnés par tous les pays dont la France, et ils nous le reprochent.

Pour des raisons d'affichage, l'Algérie ne veut pas être membre de l'Organisation internationale de la francophonie, monsieur Premat, mais elle a manifestement envie d'en faire beaucoup plus au sein des forums régionaux parce qu'elle vise, comme l'a souligné M. Kader Arif, à devenir l'équivalent de l'Afrique du Sud au nord du continent.

Vous avez raison, monsieur Rochebloine, la présence des collectivités est très importante et des régions françaises collaborent efficacement et depuis longtemps avec l'Algérie. C'est le cas, en particulier, de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, de communes et de départements. Le groupe d'amitié France-Algérie que préside Patrick Menucci a lié des liens très étroits avec des élus algériens. Les autorités sont tout-à-fait conscientes de la nécessité de développer le secteur des PME algériennes et aussi de faciliter l'arrivée de PME étrangères, notamment françaises. Le processus de co-localisation est voulu des deux côtés de la Méditerranée, singulièrement pour la filière automobile, et l'on discute déjà, dans le cadre de la mission de M. Jean-Louis Levet, de savoir quels sous-traitants français pourraient s'implanter en Algérie, quels sous-traitants algériens pourraient être mobilisés, quelles co-productions seraient envisageables, quelle formation professionnelle est à prévoir pour les filières d'avenir.

Pour ce qui est du bâtiment et des travaux publics, le ministre du logement a demandé la coopération des entreprises françaises en novembre dernier ; je n'ai pas constaté d'évolution depuis lors car notre positionnement en termes de coût ne nous permet de couvrir qu'une partie du marché. Nos interlocuteurs algériens se plaignent des grands groupes français mais cherchent une collaboration avec des entreprises plus petites, capables d'industrialiser des bâtiments de taille moyenne. La volonté de coopération existe mais, de l'avis même des groupes français, les difficultés sont réelles.

Les chaînes de télévision France 24 et TV5 sont reçues, écoutées et regardées. Le Premier ministre, s'adressant à notre ambassadeur, a vigoureusement critiqué France 24, l'accusant de partialité. M. Bernard Emié a répondu à ces allégations comme il se devait.

Que l'on demande à Air France et à Aigle Azur d'apporter les souches papier des billets d'avion émis et non utilisés pour justifier le rapatriement en France des recettes correspondantes apparaît effectivement surréaliste, monsieur Janquin, mais l'on progresse nettement, pour Air France en particulier. J'ai proposé que les ministères des transports préviennent à l'avenir ce type de contentieux en établissant ensemble des règles communes relatives aux transferts douaniers qui trouveront leur application au sein de l'Association internationale du transport aérien (IATA). Nos interlocuteurs en sont d'accord, et nous créons des groupes de travail pilotés par l'ambassade et le service économique.

Sur les relations entre le Maroc et l'Algérie la France s'exprime comme elle le doit mais elle est accusée d'être de parti pris en faveur du Maroc .

La question de M. Myard sur le rôle exact des représentants spéciaux du ministre pour l'économie est justifiée. Notre mission est de donner un coup de pouce – un peu plus qu'un ambassadeur, un peu moins qu'un ministre – en accélérant les dossiers par l'événement politique ; mais la cheville ouvrière est exclusivement l'ambassade. Je ne fais rien sans avoir l'accord de l'ambassade, je prépare les entretiens avec elle et c'est elle qui est chargée du suivi quotidien. L'articulation des travaux se fait à la satisfaction mutuelle.

La croissance démographique est en effet explosive en Algérie ; la question n'est pas abordée par la maîtrise des naissances mais par le biais de l'emploi : la préoccupation première est de donner un travail aux jeunes.

Madame Imbert, j'ai lu dans la presse algérienne les propositions du président Bouteflika tendant à améliorer les droits des femmes ; je n'en sais pas davantage.

Un changement réel est à l'oeuvre, madame Guittet, en matière de francophonie.

J'ai perçu comme vous, monsieur Arif, que ce qui a trait à notre mémoire commune évolue depuis deux ans, et cela a une grande importance. Comme vous l'avez souligné, l'Algérie ne veut pas être seulement le « déversoir » de nos produits, et je me félicite que les chefs d'entreprises français approchent le marché algérien avec humilité et persévérance, en disant leur volonté de coproduire.

Au Sud du pays, la demande de développement est considérable et, selon les observateurs, le conflit qui a éclaté après qu'a été avancée l'hypothèse d'exploiter les réserves de gaz de schiste est un prétexte à l'expression d'un profond mécontentement préexistant.

Monsieur Quentin, la coopération en matière de sécurité entre nos deux pays se traduit aussi par la fourniture de dispositifs techniques par nos entreprises .

Lors du forum des chefs d'entreprises, Madame Dagoma, on m'a dit une certaine déception suscitée par le Medef international. Dans ce contexte, l'ambassadeur Bernard Emié et moi-même avons souligné l'efficacité des collectivités et de certaines chambres de commerce régionales – celle de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur par exemple –, pour amener les entreprises locales sur les marchés étrangers.

Les Algériens ont évoqué l'extension du programme Erasmus à l'autre rive de la Méditerranée ; ce serait un projet magnifique. Il reste à le monter et il faut pour cela commencer par régler la question des visas à accorder aux jeunes actifs algériens en France.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion