Intervention de Jean-Emmanuel Ray

Réunion du 27 mars 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Jean-Emmanuel Ray :

À l'étranger, notre pays ne semble pas en avance. En 1982, on a créé le droit d'expression direct et collectif parce que les syndicats français campaient sur une ligne idéologique qui ne correspondait plus aux souhaits des salariés, ces derniers étant intéressés par leurs conditions de travail ici et maintenant. Depuis la loi du 20 août 2008, un délégué syndical qui resterait dans les grands débats idéologiques et ne s'intéresserait pas aux problèmes concrets des salariés de l'entreprise verra sa liste obtenir moins de 10 %. La CGT s'est ainsi retrouvée exclue de la table des négociations dans une entreprise de Douai, les deux listes concurrentes entre lesquelles elle s'est divisée n'ayant pas atteint la barre des 10 %.

La France possède le deuxième plus faible taux de syndicalisation parmi les vingt-huit pays de l'Union européenne (UE). Pourquoi ? Un professeur américain nous a dit, à un colloque, qu'il ne comprenait pas que des gens puissent se syndiquer en France : aux États-Unis, en effet, on adhère à un syndicat pour être couvert par les conventions collectives, et la cotisation syndicale représente donc un investissement pour le salarié, qui n'a en revanche aucun intérêt personnel, en France, à s'en acquitter. En Suède et en Norvège, on crie à la catastrophe si le taux de syndicalisation descend à 60 %, mais le nôtre ne dépasse pas 5 % dans le secteur privé. Cela dit, dans tous les pays du monde, comme l'a montré un rapport récent de la CGT, le syndicalisme se recentre sur un noyau dur constitué de personnes qualifiées, de sexe masculin et travaillant dans des services publics.

Ce qui est souhaitable, c'est que les syndicats rendent des comptes à leurs mandants. Et c'est désormais le cas ; si un syndicaliste gère mal un conflit, il risque de ne plus pouvoir s'asseoir à la table de négociation, faute de soutien suffisant au sein du personnel.

Il serait profitable, par ailleurs, que des jeunes fassent partie des forces vives représentées au CESE. Mais, tel qu'il fonctionne aujourd'hui, je suis réservé sur l'apport de cette institution… Il est certes bon que les partenaires sociaux puissent se retrouver pour discuter à l'écart des caméras, mais le CESE devrait être plus ouvert aux jeunes afin de comprendre ce qu'est la vie professionnelle de cette génération vouée à effectuer, dans leur carrière, quarante contrats à durée déterminée (CDD) successifs.

Intégrer de nouveaux acteurs ? On compte déjà huit organisations syndicales représentatives, et il convient d'être prudent. Ainsi, il ne faut surtout pas créer de syndicat de chômeurs ! Un syndicat de chômeurs puissant, dont les membres descendraient dans la rue, pourrait même constituer une menace pour l'ordre public.

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