Intervention de Luc Carvounas

Réunion du 27 mars 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Luc Carvounas :

Je remercie le président Winock d'avoir aussi bien retracé les sept séances précédentes.

Peut-on vraiment parler de bicamérisme quand les réunions des commissions mixtes paritaires ne durent pas plus de quelques minutes, quand les députés de la majorité considèrent que, quoi qu'il se passe au Sénat, ils auront le dernier mot ? Si nous invoquons le bicamérisme, assumons le fait que le Sénat doit avoir son utilité, prendre la place qui lui revient.

En ce qui concerne le processus d'élaboration de la loi, voici une illustration concrète de sa lenteur. Entre le moment où le plan d'investissement pour le logement a été présenté à Alfortville par le Président de la République, accompagné de la ministre Cécile Duflot, et le début de sa mise en oeuvre, il s'est écoulé près d'un an et demi. Il y avait pourtant urgence. Peut-être ce processus mérite-t-il d'être amélioré ?

Tout le monde parle aujourd'hui de tripartisme, y compris au plus haut niveau. À tort, je n'ai de cesse de le dire : il n'y a pas de place pour le tripartisme sous la Ve République, à moins de revoir le mode de scrutin pour instaurer la proportionnelle intégrale – auquel cas ce sont plus de trois partis qui se partageront le spectre électoral. Il faudrait alors revoir le rôle démocratique et la place de chacun, car ce phénomène n'est, à mon sens, conforme ni à l'esprit de la Ve République ni à sa pratique.

Les rapports entre les institutions françaises et européennes appellent un travail approfondi.

Un autre sujet de réflexion est le rôle du citoyen, ses droits et ses devoirs, en lien avec la question du vote obligatoire.

Enfin, les rapports entre les élus locaux et nationaux sont à inventer. Ce qui suppose un véritable statut de l'élu, et non le simple renforcement des moyens alloués à l'élu local qu'apporte la loi Gourault-Sueur. En commission, la Direction générale des collectivités locales nous avait objecté que le statut de l'élu coûtait beaucoup trop cher : avant même que nous y pensions, la haute administration avait remisé la mesure, comme au temps de Marcel Debarge. Mais nous devrons y revenir si nous voulons des élus locaux qui font les territoires et des élus nationaux qui travaillent avec eux dans les meilleures conditions possibles.

Cela pose également le problème du spoil system. Pourquoi n'en va-t-il pas au niveau national comme au niveau local, où le politique dirige sans équivoque l'administration ? Lorsqu'un maire est élu, il change de directeur général des services. Lors d'un remaniement ministériel, les badges des collaborateurs sont désactivés dans l'heure ; une collègue sénatrice, ancienne ministre, m'a même raconté que l'on est venu chercher son bureau avant que deux heures se soient écoulées ! Dans ces situations, la haute administration vous montre que vous n'êtes que de passage... Cet aspect devrait être clarifié. Car c'est le politique qui fait la société et, pour cela, il a besoin d'une administration conforme à la volonté du peuple qui l'a désigné.

Nous devons donc créer les conditions d'un véritable dialogue avec les élus locaux. Je ne prends pas pour référence le prétendu dialogue au terme duquel une poignée de députés se sont assis sur les décisions de la mission de préfiguration du Grand Paris, qui rassemble 84 % des élus franciliens. C'était faire peu de cas des pratiques auxquelles nous devrons bien nous habituer en vue du Parlement du non-cumul.

Dans cette perspective, nous devrons d'ailleurs nous interroger sérieusement sur les moyens dont bénéficieront les parlementaires. Le président du Sénat, Gérard Larcher, nous a annoncé des mesures qu'il estime modernes : nous aurons davantage de devoirs, c'est très bien, mais aussi moins de temps de parole dans la discussion générale. Toujours plus de devoirs, de moins en moins de droits, pas plus de moyens de travail : voilà qui n'est pas de bon augure, à moins que nous ne soyons capables de trancher sereinement ces questions.

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