Intervention de Christine Lazerges

Réunion du 27 mars 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Christine Lazerges :

Nous sommes certainement nombreux à approuver ce que vient de dire Denis Baranger – ce qui n'est pas rien, même si des opinions divergentes peuvent se faire jour sur des points plus précis.

Je remercie Michel Winock pour sa synthèse en quatre chapitres de l'avancement de nos travaux. Sur le troisième – le fonctionnement des institutions –, nous avons un peu trop « saucissonné » notre approche des pouvoirs législatif et exécutif ; quant à l'autorité judiciaire, dont nous n'avons pas encore dit un mot, nous devrions peut-être prévoir d'y venir plus tôt qu'à la date prévue, c'est-à-dire avant les toutes dernières séances. Surtout, nous n'avons consacré aucune réunion à la séparation des pouvoirs, au traitement conjoint du législatif, de l'exécutif et du judiciaire dans leurs nécessaires articulations. C'est une question préalable : il faut que nous ayons une vision, commune ou non, de leurs imbrications.

Sommes-nous toujours aussi attachés à la séparation des pouvoirs ? À cet égard, j'observe quelques signes négatifs, dont la possibilité pour le Gouvernement de frapper de la procédure accélérée tel ou tel projet de loi, dépouillant ainsi le Parlement d'une part de sa force. Sous la législature Jospin, que j'ai bien connue de l'intérieur, la procédure d'urgence n'a été appliquée à aucun texte ; alors même que la situation politique n'est pas démesurément différente, le contraste est saisissant avec la législature actuelle, que j'ai l'occasion d'observer, étant très souvent auditionnée comme présidente de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Il est désormais rarissime que des textes échappent à la procédure accélérée. Et c'est plutôt lorsqu'ils sont porteurs d'avancées sociales qu'ils bénéficient du temps nécessaire pour légiférer, à la différence des sujets plus démagogiques ou plus consensuels.

Ainsi, le projet de loi relatif au renseignement a été adopté en conseil des ministres le jeudi 19 mars ; avant même que l'étude d'impact ne soit disponible, les auditions avaient commencé à l'Assemblée nationale – j'ai personnellement été auditionnée huit jours après l'adoption du texte en conseil des ministres – et l'examen en séance doit débuter le 13 avril. Ce n'est même plus une procédure accélérée, c'est un train à grande vitesse ! Cette rapidité est due, me dit-on, au consensus absolu dont le texte fait l'objet. Mais il me paraît extrêmement dangereux qu'un texte qui touche à ce point aux libertés fondamentales suscite un tel accord, qui s'explique évidemment par le fait que nous sommes tous sous le coup des événements de janvier. En réalité, le consensus devrait être une raison supplémentaire de se donner le temps, pour s'interroger sur ses raisons et s'assurer qu'il ne vient pas d'une erreur. Cet exemple nous renvoie aux propos de Mireille Imbert-Quaretta sur la qualité de la loi, une question à laquelle nous devrons revenir.

Du point de vue de la méthode, nous devrions d'autant moins hésiter à traiter ensemble plusieurs sujets qu'il nous faudra de toute façon les aborder de manière synthétique dans l'exposé des motifs de notre rapport. Il s'agira alors de rendre compte de la multiplicité des idées nouvelles qui s'expriment ici et grâce auxquelles, comme Denis Baranger, j'ai le sentiment qu'à chaque séance nous apprenons beaucoup les uns des autres.

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