Pour ce qui concerne la finalité de nos travaux, je partage l'idée que nous en tenir à des propositions relevant de l'ingénierie constitutionnelle et ne visant qu'à améliorer techniquement la Constitution actuelle serait en deçà de l'exigence qui nous rassemble. Nos échanges ont en effet ceci d'intéressant qu'ils mêlent des interrogations de fond sur la nature de nos institutions et leurs éventuels dysfonctionnements à une réflexion plus globale sur le pouvoir, mais inscrite dans un moment historique particulier qui leur confère une forme d'urgence. Or cette urgence, qui préside trop souvent à la fabrique de la loi – y compris la loi constitutionnelle –, doit, me semble-t-il, faire place au débat.
J'entends moins me prononcer ici au fond sur d'éventuelles pistes de réforme que sur la forme que doivent revêtir nos travaux. Il me paraîtrait inopportun, si, comme je le suppose, ils doivent déboucher sur un rapport, que celui-ci ne s'attache qu'aux aspects purement techniques et institutionnels de la réforme. Si l'on veut donner à ce document toute la publicité qu'il mérite, il est essentiel en effet qu'il rende compte de nos débats – d'autant plus riches que nous sommes une commission mixte composée non seulement de parlementaires mais également de citoyens éclairés – sur la situation politique et la crise de la démocratie en France et en Europe. Dans cette perspective, je serais assez favorable à ce que nous ayons, à intervalle régulier, plus fréquemment que ne le prévoit l'organisation actuelle de nos travaux, des moments d'échange – voire de conflit – comme celui d'aujourd'hui, moins pour confronter nos opinions personnelles sur les remèdes au déficit démocratique de nos institutions que pour arrêter la manière dont nous voulons intervenir dans le débat public et définir les orientations formelles du document final que nous sommes amenés à produire.