Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 18 mars 2015 à 16h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Axelle Lemaire, secrétaire d'état chargée du numérique, auprès du ministre de l'économie, de l'industrie et du numérique :

J'espère que M. Plenel me pardonnera le caractère technique, voire technocratique de ma réponse, puisque je vais évoquer l'investissement et les infrastructures, dont je rappelle qu'ils permettent à l'ensemble de nos concitoyens d'avoir accès à l'information, que nous chérissons, et de ne pas être exclus de la modernité et qu'ils favorisent la création d'emplois et la croissance dans notre pays.

M. Martin-Lalande me demande si le fait d'aggraver le poids de la régulation sur les opérateurs en matière de neutralité technologique de l'internet ne risque pas de freiner les investissements dans les infrastructures et d'accroître les déséquilibres économiques entre les opérateurs européens et les autres. La question est légitime, car ceux qui, actuellement, contribuent à l'investissement, par exemple en déployant la fibre optique sur l'ensemble du territoire ou en installant des antennes dans les villages, sont les opérateurs de téléphonie. Ce n'est pas céder aux pressions des lobbies que de le rappeler, au moment où nous leur demandons de consentir un effort sans précédent et unique en Europe, à hauteur de 12 milliards d'euros, dans le cadre de la mise en oeuvre du plan « France très haut débit » et de la couverture en 2G, et pour partie en 3G, de l'ensemble des communes françaises. Néanmoins, je ne crois pas qu'inscrire dans la loi le principe de la neutralité technologique de l'internet aggravera le poids de la régulation. Je plaide, à l'échelle européenne, en faveur d'un cadre de régulation qui s'applique de manière égale aux opérateurs et aux grandes plateformes. Certains services, qui actuellement ne sont pas considérés comme des opérateurs, pourraient ainsi être soumis au même régime de réglementation que ces derniers. Nous devons également faire en sorte que les plateformes paient l'impôt là où se trouvent les utilisateurs de leurs services. Par ailleurs, nous réfléchissons à une éventuelle taxation par le biais de la publicité ou à une taxation de la bande passante. Il s'agit là de pistes de réflexion ; le Gouvernement n'a pas encore pris position sur ces différents points. En tout état de cause, notre préoccupation est de rééquilibrer l'investissement par rapport à l'impôt réellement payé.

Monsieur Plenel, vous me faites des procès d'intention et, en tant qu'ancienne élue, citoyenne et abonnée de Médiapart, je le regrette. Il est délicat de reprocher à un membre du Gouvernement le caractère technique de son propos lorsqu'il répond à des parlementaires qui lui demandent de détailler publiquement, de manière totalement transparente, plus de six mois à l'avance, le contenu d'un projet de loi en cours d'élaboration sur lequel les arbitrages n'ont pas encore été rendus. Oui, une loi est technique. Dois-je rappeler qu'il s'agit d'actualiser les statuts de la CNIL, de l'ARCEP, voire du CSA, de revoir la loi « Informatiques et libertés » et peut-être celle sur la liberté de la presse ? On peut défendre, comme je le fais au sein du Gouvernement, des idéaux, des principes, une vision politique et une stratégie, mais lorsque des parlementaires me demandent de décrire précisément le contenu d'un projet de loi, je leur réponds.

Vous me reprochez également de ne pas vous écouter. Ma porte vous est pourtant ouverte, comme à l'ensemble des acteurs de la société civile, que je rencontre très régulièrement. Du reste, il manque, au sein de l'appareil institutionnel, une écoute organisée de la mobilisation citoyenne. Est-ce en effet à moi, dont le secrétariat d'État est rattaché au ministère de l'économie, de recevoir les associations citoyennes qui se mobilisent autour de la COP21, par exemple ? Je ne le pense pas, et pourtant je les écoute, car je crois profondément à l'influence de la communauté citoyenne sur l'orientation des politiques publiques et à la nécessité, pour notre démocratie, de se moderniser en s'appuyant sur cette force. Les outils législatifs actuels sont en complet décalage avec les attentes de nos concitoyens. Mais ni le lieu ni le moment ne se prêtent à ce type de discussions. C'est pourquoi, je vous le répète, ma porte vous est ouverte. Je vous écouterai avec d'autant plus d'intérêt que j'aurai lu le rapport, attendu de longue date, de la commission de réflexion.

S'agissant de la TVA, je vous trouve, là encore, très injuste vis-à-vis du Gouvernement. Faut-il rappeler que le ministre des finances, le ministre de l'économie, le secrétaire d'État au budget, la ministre de la culture et moi-même avons cosigné un communiqué de presse dans lequel nous condamnons la décision prise par la Cour de justice de l'Union européenne qui, selon nous, porte atteinte au principe de neutralité en refusant que le taux de TVA réduit soit appliqué au livre numérique ? Le raisonnement que nous tenons à l'égard du livre numérique vaut également pour la presse en ligne. En faisant le choix délibéré et publiquement assumé de critiquer une décision de justice européenne, le gouvernement français prend le risque d'être soumis à une amende qui sera financièrement pénalisante pour l'État. Cela dit, si vous avez des revendications fiscales particulières à présenter, je vous invite à prendre rendez-vous avec les services fiscaux.

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