Intervention de Edwy Plenel

Réunion du 18 mars 2015 à 16h00
Commission de réflexion sur le droit et les libertés à l’âge du numérique

Edwy Plenel :

Comprenez bien, madame la secrétaire d'État, la réaction qui a été la mienne. Au cours de nos travaux, qui ont débuté il y a maintenant huit mois, nous avons soulevé la question d'une loi fondamentale sur le droit à l'information et la loi de 1881 a fait l'objet d'une réflexion politique. Étant moi-même un chef d'entreprise, je n'ai aucun mépris pour les questions techniques et entrepreneuriales. Mais, à l'heure du numérique, nous avons besoin d'une démocratie délibérative. En intervenant devant cette commission, vous vous adressez non seulement à des parlementaires, mais aussi à des acteurs de la société, qui ont des choses à dire. Nous nous attendions à avoir avec vous un dialogue et nous avons écouté votre monologue. C'est pourquoi j'ai réagi de manière un peu virulente, je le reconnais.

La loi sur la liberté de la presse ne porte pas sur le statut des journalistes, qui date de 1935 ; c'est une grande loi libérale, au sens anglo-saxon du terme, qui pose le principe selon lequel seul le juge peut apprécier ce qui excède l'exercice de la liberté. Or, on exclut de cette loi certains délits, ce qui ne s'était jamais fait, sauf en temps de guerre – et la garde des Sceaux s'en fait la complice. Dans le même temps, on crée des pouvoirs de police administrative qui échappe au contrôle du juge. Nos alertes sont donc légitimes !

Vous savez bien qu'en Syrie, par exemple, le pouvoir en place fait plus de morts que l'État islamique et que, si le numérique est utilisé par ce dernier pour diffuser sa propagande, il permet également aux défenseurs des droits de l'homme de s'exprimer et de nous transmettre des informations. Le numérique est une révolution industrielle qui appelle un projet politique, des réponses aux entreprises. Si j'ai évoqué le problème du taux de TVA applicable à la presse en ligne, c'est parce que nous nous battons seuls, y compris au plan juridique. L'administration dit blanc et fait noir. Certes, le Gouvernement a publié un communiqué. Toujours est-il que l'administration nous attaque sur le fondement des positions de la Commission européenne. Où est la cohérence ? Pourquoi les choses n'ont-elles pas évolué alors que la grande coalition allemande avait adopté la même approche de ce sujet ? Voilà le sens de mon interpellation ! Il en va de même des batailles pour le droit d'accès : la société les mène seule. Bien entendu, le Gouvernement fait de grandes déclarations, et je les lis. Mais il fait voter dans l'urgence des mesures de régression des libertés tandis que les mesures qui contribueraient à la libération, y compris entrepreneuriale, de l'écosystème de la presse numérique ne sont pas au rendez-vous. Je pourrais citer beaucoup d'autres exemples. Entendez l'impatience de ceux qui se veulent des réformateurs ! C'est le message que je voulais vous transmettre.

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