Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 31 mars 2015 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Le groupe SRC partage vos derniers propos, monsieur Monti : on a créé l'Union européenne pour instaurer la solidarité entre les États, non pour en venir à un grand marchandage au cours duquel chacun tente de sortir au mieux son épingle du jeu, au risque que, finalement, tout le monde se trouve perdant.

J'ai été l'un des rapporteurs d'une proposition franco-allemande relative à la taxation des transactions financières adoptée par notre assemblée. Il est vrai que l'idéal eût été qu'elle fût adoptée à l'échelle européenne, de manière que le produit de cette taxe devienne, au moins pour partie, une ressource propre de l'Union européenne. Les choses deviennent plus compliquées dans le cadre d'une coopération renforcée ; quel est votre sentiment à ce sujet ?

Revoir les règles qui sous-tendent le pacte de stabilité et de croissance pour prendre en compte l'investissement serait tout à fait pertinent, car si les investissements sont bien définis, on peut y inclure des projets coopératifs servant l'ensemble des États, et la logique européenne devrait être de privilégier ce qui est coopératif et qui bénéficie à tous.

Les règles doivent être respectées surtout en période de croissance. Le reproche que l'on peut adresser à certains grands pays, dont la France, est de ne pas l'avoir fait et de se trouver en difficulté depuis la récession qui frappe tous les pays européens et dont les effets se cumulent avec ceux de la crise de 2008.

M. Monti met en garde contre tout traitement discrétionnaire ; il est vrai qu'il n'y a pas lieu de privilégier un État plutôt qu'un autre, mais il est tout aussi vrai que l'on peut s'interroger sur le fonctionnement de la zone euro, uniquement fondé sur des règles. Que cette zone monétaire soit au bord de la déflation montre que les règles ne suffisent pas ; manque le diagnostic macro-économique qui permettrait de conduire les politiques adéquates. La politique monétaire est adéquate parce que M. Mario Draghi a pris les mesures qui s'imposaient, mais il a pu le faire parce qu'il est à la tête d'une institution fédérale. Rien d'équivalent n'existe sur le plan budgétaire. Il en résulte que l'on applique partout en Europe des politiques de consolidation budgétaire ou de baisse du coût du travail qui réduisent le déficit ou augmentent la compétitivité d'un État quand il est seul à les mener mais qui, lorsqu'elles sont conduites par tous les pays sans que l'on se soit interrogé sur leur effet global, entraînent la récession. Il est crucial de penser la politique de la zone euro à la bonne échelle et de coordonner les politiques budgétaires nationales autrement que par des règles.

Pour ce qui est des ressources propres, il est bien de disposer de recettes issues de la TVA mais il ne faut pas abandonner la ressource principale, assise sur le revenu national ; elle est plus juste pour les pays les moins développés, et c'est pourquoi ce dispositif avait été adopté en 1988.

Les ressources propres doivent provenir d'une imposition claire et compréhensible par les États et par les citoyens. Il est vrai que le marchandage sur les rabais, qui s'est presque généralisé, n'est pas de bonne méthode. J'espère que le groupe de haut niveau réussira à avancer des propositions simples et applicables sans négociations de ce type.

En créant les fonds structurels, l'Union européenne avait défini un mécanisme de solidarité : un petit prélèvement sur les États riches a permis de favoriser la croissance de pays moins développés, ce qui a tiré tout le continent vers le haut. On ne met plus assez l'accent sur ce volet de la construction européenne ; l'Union semble avoir oublié ce qu'elle a fait, précédemment, pour aider les pays les moins développés en son sein.

Enfin, je ne suis pas sûr que les esprits soient mûrs pour que l'on fasse d'une fraction de l'impôt sur les sociétés une ressource propre de l'Union européenne mais, quoi qu'il en soit, la question de l'harmonisation de l'assiette de cet impôt doit être traitée ; ce serait le moyen de lutter contre l'optimisation fiscale « agressive ». Sur le fond, les ressources de tout système fédéral incluent en général une petite part du produit de l'impôt sur les sociétés. Ce serait d'autant plus justifié que les grandes entreprises sont déjà largement européanisées, sinon multinationales.

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