Écouter M. Alain Lamassoure permet de comprendre pourquoi il est si satisfaisant de présider le groupe de haut niveau sur les ressources propres. L'exhaustivité de son propos me permettra d'abréger mes réponses.
Notre groupe n'ayant pas encore pris position à ce sujet, je puis vous dire qu'à titre personnel je suis favorable à l'idée que le produit de l'impôt sur les sociétés joue un rôle dans un système futur de ressources propres. La définition d'une assiette commune pour l'impôt sur les sociétés me semble possible ; des avancées considérables ont déjà été réalisées à ce sujet.
Il y a, en Europe, deux opinions sur le degré général d'harmonisation fiscale : certains sont favorables à une concurrence fiscale assez âpre et non contrôlée, d'autres souhaitent une harmonisation plus forte. Selon moi, tous auraient intérêt à l'harmonisation de l'assiette de la fiscalité des entreprises. Pour ceux qui appellent de leurs voeux une harmonisation parfaite, un taux unique d'impôt sur les sociétés n'aurait aucun sens si une base commune n'avait été préalablement définie. Ceux qui privilégient l'approche irlandaise jugent bon pour l'Union européenne que ne se constituent pas des cartels en son sein, et voient dans la concurrence fiscale le moyen d'encourager les États membres à pratiquer la modération fiscale ; ils trouveraient dans une assiette commune le moyen de faciliter cette concurrence, qui serait alors mise en oeuvre de manière transparente.
J'ajoute qu'une partie, difficilement quantifiable, du bénéfice réalisé par les entreprises actives dans le grand marché européen est due à l'existence même de ce marché où l'on maintient les conditions d'une concurrence loyale. Cela justifie aussi une participation de l'impôt sur les sociétés au budget communautaire.
Ces raisons conduisent à juger intéressante l'harmonisation de l'assiette de l'impôt sur les sociétés et à voir dans cet impôt un « candidat » sérieux au statut de ressource propre du budget européen. Mais, je le redis, cette prise de position personnelle ne préjuge en rien celle du groupe de haut niveau.
Le montant des amendes infligées par les autorités européennes de la concurrence dépend de la propension des entreprises à l'entente ; il varie de 1 milliard à 3 milliards d'euros par an. Quant aux droits de douane, ils représentent quelque 10 % du total des ressources.
M. Alain Lamassoure a dit tout ce qu'il y a à dire au sujet de la taxation des transactions financières.
Je me promets de suivre, en ligne, les auditions que vous consacrerez au plan Juncker.
M. Piron m'a interrogé sur les convergences encore inachevées. Lorsque j'étais, il y a quelques siècles, responsable de la fiscalité au sein de la Commission européenne, j'avais introduit la notion de « coordination » fiscale plutôt que celle d'harmonisation, pour donner l'idée d'une ambition limitée mais à notre portée. Des progrès en ce sens ont déjà été accomplis et je pense que la commission spéciale sur les rescrits fiscaux, sous la présidence de M. Lamassoure, permettra qu'il y en ait d'autres.
J'ai évoqué les conséquences périlleuses de l'application discrétionnaire des règles du pacte de stabilité et de croissance pour la crédibilité de la Commission européenne, gardienne des traités. Mais il va sans dire que si une politique est définie au niveau européen, on n'en sera plus réduit à l'application automatique des règles.
L'un des prix à payer pour l'absence d'union politique en Europe est précisément l'obligation faite aux Européens de dépendre, dans une large mesure, de règles. Ainsi, les entrepreneurs se plaignent de ce qu'aux États-Unis existe une politique de la concurrence mais pas de contrôle des aides d'État, contrairement à ce qui prévaut en Europe. Ils ont raison, mais cela s'explique : les États-Unis étant une entité politique, la délocalisation des investissements dans un autre État de la fédération ne pose pas de problème majeur. Si, dans une Union européenne toujours en voie d'intégration politique, on acceptait l'idée d'aides d'État sans encadrement juridique, les États membres privilégieraient leurs entreprises nationales et le marché unique s'effondrerait instantanément. Voilà un exemple concret du prix que le manque d'union politique fait payer à l'économie européenne.
Je remercie les orateurs qui ont pris part au débat. Toutes les contributions, dont les contributions critiques, ont leur intérêt, et j'en ai pris note. Nous vous avons mis au courant de l'état d'avancement de notre réflexion, sur laquelle vous devrez un jour vous prononcer, et nous avons bénéficié de ce dialogue tonique.