Intervention de Dominique Raimbourg

Réunion du 4 décembre 2012 à 16h15
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Raimbourg, rapporteur :

Mes chers collègues, je souhaite vous faire part, par ces quelques mots, de ma position. La proposition de résolution que nous examinons, si elle est juridiquement recevable, ne semble pas tout à fait opportune au plan politique. Le sujet est difficile, si l'on considère que le renseignement ne peut être utile qu'à la condition qu'il soit discret. Il est évidemment douloureux puisque l'interrogation qui sous-tend cette proposition de résolution fait suite aux sept assassinats commis à Toulouse puis à Montauban par Mohamed Merah.

La proposition de résolution qui nous est soumise est, d'un point de vue juridique, recevable. En effet, outre la précision de son objet, qui répond à l'exigence posée par l'article 137 du Règlement de l'Assemblée nationale, cette proposition respecte la condition posée par l'article 138 du Règlement, puisque aucune commission d'enquête n'a été créée, sur ce sujet, au cours des douze derniers mois. Enfin, si l'article 6 de l'ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prohibe la création de commission d'enquête lorsque des poursuites judiciaires sont en cours, le dispositif de la proposition de résolution ne vise pas, en tant que tel, de faits donnant actuellement lieu à des poursuites judiciaires. Nous sommes donc sur une ligne de crête qui rend la proposition de résolution recevable du strict point de vue du droit.

En revanche, cette proposition de résolution est sans doute inopportune. D'une part, à la lecture de son exposé des motifs, il est clair qu'elle est intimement liée aux drames de Toulouse et de Montauban, ce qui soulève plusieurs obstacles. En effet, cette commission d'enquête, si elle est créée, ne pourra pas examiner de faits faisant l'objet de poursuites judiciaires ; si tel était le cas, elle devrait cesser ses travaux. Son action, dont le champ sera de fait limité, devra donc être guidée par la plus grande prudence. D'autre part, le secret de la défense nationale limitera fortement les pouvoirs susceptibles d'être mis en oeuvre dans le cadre de la commission d'enquête.

Enfin, la commission d'enquête dont la création est aujourd'hui envisagée entre en concurrence avec plusieurs autres structures. D'une part, la commission d'enquête a un champ proche de celui de la délégation parlementaire au renseignement, créée par la loi n° 2007-1443 du 9 octobre 2007, comme de celui du groupe de travail n° 4 du Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale, qui porte sur les adaptations de l'action de l'État dans le domaine du renseignement. D'autre part, elle entre en concurrence directe avec la mission d'évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement créée au sein de la commission de Lois. En outre, le Gouvernement, par la voix de M. Manuel Valls, ministre de l'Intérieur, a indiqué être favorable à une évolution législative destinée à encadrer les services de renseignement.

Ainsi, en tant que rapporteur, je suis plutôt défavorable à la création de cette commission d'enquête. Toutefois, afin que l'auteur de cette proposition de résolution puisse porter son initiative devant l'ensemble des membres du Parlement, je vous invite à vous abstenir de voter contre cette proposition de résolution. Si cette commission d'enquête voit le jour, il conviendra, en tout état de cause, de veiller à ce que ses travaux s'articulent intelligemment avec ceux de la mission d'évaluation du cadre juridique applicable aux services de renseignement comme avec ceux des instances précédemment évoquées.

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