Cette impatience fait partie de nos motivations, parce que la destination des fonds est évidemment un sujet d'intérêt général.
Vous le savez, je sors à l'instant d'un conseil d'administration d'Orange qui a approuvé à une très large majorité l'offre de Vivendi visant à faire de ce groupe l'actionnaire majoritaire de Dailymotion – nous resterons à ses côtés.
Je tiens à rappeler qu'Orange est entré au capital de Dailymotion en 2011 en y prenant 49 % du capital, à un moment où cette plateforme ne suscitait l'intérêt de personne – cela a changé ! Nous y sommes entrés de nous-mêmes, en prenant la place notamment du Fonds stratégique d'investissement, devenu depuis la Banque publique d'investissement. Notre objectif – nous l'avons toujours proclamé – était d'accompagner le développement de Dailymotion et de créer des synergies entre Dailymotion et Orange : nous voulions rester un simple partenaire, sans avoir jamais eu l'ambition de devenir l'actionnaire unique de la plateforme. Il se trouve qu'en 2013 tous nos partenaires, qui étaient des fonds, ont décidé de se retirer. C'est la seule raison pour laquelle nous avons pris alors le contrôle à 100 % de Dailymotion : il fallait assurer la pérennité de la plateforme.
Nous avons toujours affirmé vouloir à la fois rester un actionnaire influent de la société et l'adosser à un partenaire susceptible de lui apporter de meilleures conditions de développement qu'Orange, qu'il s'agisse du modèle économique ou de l'implantation géographique.
En effet, le modèle économique de Dailymotion est fondé à 100 % sur la gratuité et la monétisation de l'audience, par le biais de la publicité – Dailymotion a 300 millions de visiteurs uniques chaque mois –, contrairement à celui d'Orange, dont les revenus proviennent des abonnements. De plus, Dailymotion n'est pas un producteur de contenus, mais une plateforme qui permet d'accéder à une profusion de vidéos en ligne : sa technologie lui permet de les rendre disponibles à une très grande échelle – 1 milliard de vidéos vues par mois – sur tous les types d'écrans, notamment mobiles.
Durant toute la période où nous avons été son actionnaire unique, nous lui avons donné les moyens de se développer : son chiffre d'affaires – 64 millions d'euros contre près de 40 milliards pour Orange – a été multiplié par trois en trois ans
À plusieurs reprises, nous avons cherché le bon partenaire. Cela n'a pas été facile. Nous devions en effet trouver un acteur de dimension mondiale – Dailymotion fait en France moins de 20 % de son chiffre d'affaires –, capable de garantir à la plateforme son ancrage international : son principal concurrent, YouTube, est soixante fois plus gros. L'objectif de Dailymotion est, partout où c'est possible, de se présenter comme une alternative à YouTube. Ce partenaire devait également être présent dans le monde des contenus : à l'avenir, une part des revenus de Dailymotion devra provenir d'abonnements, la plateforme se mettant à diffuser des contenus payants.
Après des discussions avec Yahoo – dont je ne regrette pas l'échec, car il faut avoir l'honnêteté de reconnaître que ce n'aurait sans doute pas été la meilleure solution pour Dailymotion –, nous avons été contactés par le groupe hongkongais PCCW, un opérateur très présent dans le secteur de la télévision payante et des télécoms, qui nous a proposé de devenir actionnaire à hauteur de 49 % – nous serions donc restés majoritaires. Ce partenariat offrait toutes les garanties en termes d'emplois et de localisation des centres de décision et de la recherche et développement (R&D). Informé de cette proposition il y a trois semaines, le conseil d'administration d'Orange – notamment par la voix des représentants de l'État, ce qui est normal –, m'a demandé de consulter d'autres partenaires éventuels : deux nouvelles offres se sont alors présentées, celle de Vivendi, que nous avons acceptée, et celle du groupe allemand ProSieben, moins intéressante.
Vivendi, qui est très fort dans le domaine des contenus, est un groupe mondial, leader dans le domaine de la musique. Il faut savoir que 30 % des vidéos regardées sur Dailymotion sont musicales. Or Universal Music Group, qui appartient à Vivendi, est le premier groupe mondial de musique avec 40 % des parts de marché. Quant à Canal Plus, qui appartient également au groupe Vivendi, il souhaite utiliser la plateforme Dailymotion pour diffuser ses propres contenus. Vivendi est par ailleurs très présent aux États-Unis et, surtout, en Asie, où le groupe emploie près de 1 500 salariés. Enfin, Vivendi n'entretient plus aucun lien avec SFR. Pour toutes ces raisons, ce groupe est devenu pour nous le partenaire idéal, d'autant que son offre financière est très intéressante puisqu'elle repose sur le doublement de la valeur de Dailymotion par rapport à 2011, date à laquelle, je le rappelle, nous sommes entrés au capital de la plateforme. L'État actionnaire a donc fait une bonne opération avec Dailymotion : triplement de son chiffre d'affaires et doublement de sa valeur ! C'est une belle reconnaissance du travail que nous avons réalisé.
Orange conserve 20 % du capital et a obtenu un droit de veto dans des domaines importants, tels que l'emploi et la localisation en France de la R&D. Ce très beau projet industriel est également une belle opération pour Orange, qui lui permet de revenir à son objectif initial : être un partenaire accompagnant le développement de Dailymotion sans être son actionnaire unique.
Enfin, le produit de cette opération sera intégralement réinvesti dans le programme de soutien à la création de 500 jeunes pousses.
Vous avez également évoqué, monsieur le président, la question de l'itinérance. À mes yeux, la situation est très claire : notre contrat d'itinérance, qui prend fin en décembre 2017, n'a pas vocation à être reconduit. Ce dispositif avait pour objectif d'assurer une transition : à la date d'expiration de celui-ci, Free devra compter sur ses propres ressources et son propre réseau pour acheminer le trafic de ses abonnés. La question de l'itinérance doit être analysée dans le cadre de celle, plus générale, du partage des infrastructures de télécoms : l'accord de mutualisation de réseaux entre Bouygues et SFR n'est rien d'autre qu'une forme d'itinérance. Ce sujet concerne donc tous les opérateurs.