Intervention de Jean-Louis Grevet

Réunion du 26 mars 2015 à 11h00
Mission d'information commune sur la banque publique d'investissement, bpifrance

Jean-Louis Grevet, président de Perceva :

Perceva est un fonds de retournement français capitalisé à hauteur de 350 millions d'euros, dont le métier est d'apporter des capitaux propres de long terme à des entreprises françaises fragilisées. Nous n'investissons qu'au bénéfice de PME et ETI françaises. Nous recevons 150 dossiers par an, de la part de sociétés réalisant entre 20 et 500 millions de chiffre d'affaires. Il s'agit souvent d'entreprises qui n'ont pas déposé de bilan. Nous réalisons deux à trois investissements par an. Notre métier est très exigeant et consomme beaucoup de notre temps. L'équipe de Perceva est animée par dix personnes. Avec mon associé Franck Kelif, nous avons près de vingt ans d'expérience dans ce métier.

Nous sommes intervenus au profit d'une vingtaine de sociétés, parmi lesquelles je peux citer, récemment, Dalloyau, Monceau Fleurs, ou encore la PME alsacienne de fabrication de poêles à bois et d'inserts de cheminée Supra, que nous avons rachetée à EDF il y a quatre ans, ainsi que d'autres entreprises telles que Rémy Cointreau ou le groupe Flo dans la restauration.

Le métier du retournement est un métier exigeant car les dirigeants à qui nous avons affaire vivent des situations très complexes. Notre action repose sur trois niveaux de confiance.

Nous devons tout d'abord établir une relation de confiance avec l'entreprise. Nous ne sommes pas dans une approche de coûts financiers. On associe souvent le retournement à des investisseurs prédateurs qui viennent réaliser une opération à court terme et dépecer une entreprise. Cette image vient de démarches qui ont existé, et qui existent encore, notamment de la part de grands fonds anglo-saxons. Notre conception correspond plutôt aux pratiques d'un actionnaire industriel. Nous investissons sur le long terme : quand nous prenons un dossier, c'est à l'horizon de dix ans au minimum.

De même, nos capitaux profitent à l'entreprise, dont ils reconstituent les capitaux propres ; nous n'apportons pas un chèque à l'actionnaire qui souhaite vendre ses titres ou rembourser des créanciers.

Enfin, il faut qu'existe une proximité culturelle et physique. Ces sociétés ont besoin d'avoir un actionnaire majoritaire – car nous prenons le contrôle de nos sociétés – qui soit extrêmement présent pour toutes les décisions qu'ils doivent prendre.

Nous mettons pour cela un réseau d'experts à leur disposition. En vingt ans d'expérience, nous avons construit un réseau d'experts opérationnels de bureaux d'études, de marketing, de gestion de force commerciale, de développement de plans médias, de réorganisation industrielle… Notre travail est un travail de chef de projet : il s'agit de manager ces ressources au profit de l'émergence d'une solution pour l'entreprise. La confiance naît d'un professionnalisme et d'une éthique forte.

Nous devons ensuite établir une relation de confiance avec les investisseurs. Nos capitaux nous sont confiés par les investisseurs institutionnels finançant le capital-investissement dans le monde. Il y en a environ 3 000. Cela représente quelque 3 000 milliards d'euros au plan mondial, mais pour le retournement pur, on tombe très vite à un chiffre bien plus faible, de l'ordre de 100 à 150 milliards d'euros, et, en France, ce chiffre est évidemment encore plus réduit.

Il nous faut donc créer une dynamique de confiance avec ces investisseurs, qui nous confient de l'argent sur des horizons très longs. Nous ne sommes pas sur un métier de hedge fund, où un investisseur doit pouvoir récupérer son argent quasiment toutes les semaines. Dans les fonds que nous gérons, l'argent est mobilisé et bloqué au profit des entreprises sur des horizons de dix à quinze ans. Nous n'avons aucune obligation de verser un dividende ou de rembourser ces sommes ; ce n'est qu'au moment de la sortie du capital, que les investisseurs peuvent espérer un retour sur investissement.

Nos investisseurs – une vingtaine au total – sont pour les deux tiers des étrangers, américains et européens. Bpifrance fait partie de nos investisseurs français, à hauteur de 10 %.

Le troisième axe de confiance, c'est la relation avec les pouvoirs publics. Les sociétés dont nous prenons le contrôle ont besoin de contacts avec les élus locaux. Nous rencontrons régulièrement des élus très impliqués et responsabilisés quant au devenir de sociétés qui sont des employeurs importants de leurs régions. Il y a ensuite les services de l'État, tels que les comités interministériels de restructuration industrielle (CIRI) et les comités départementaux d'examen des difficultés de financement des entreprises (CODEFI), les commissaires au redressement productif, les commissions départementales des chefs des services financiers (CCSF), ainsi que les représentants des directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DREAL) et des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE). Quand une entreprise est en difficulté, elle ne peut pas toujours, par exemple, mettre son site aux normes environnementales dans les délais impartis ; nous sommes alors amenés à rencontrer les représentants de la DREAL afin d'expliquer que nous apportons des moyens et qu'il convient de prévoir un engagement compatible avec la problématique de l'entreprise.

Malheureusement, les acteurs français équivalents à Perceva, ne sont pas assez nombreux en France, alors qu'il existe un véritable besoin de fonds de retournement professionnels et modernes. Il y a au contraire beaucoup trop de fonds anglo-saxons, bénéficiant d'effets de taille et de volume, qui prennent le contrôle de très grandes entreprises en raison du manque de solutions françaises alternatives. Perceva peut représenter cette alternative ; c'est en tout cas notre ambition.

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