Mes collègues et moi-même aujourd'hui présents représentons les CCI territoriales (CCIT) dans toute leur diversité, qu'elles soient métropolitaines, départementales ou infra-départementales. Échelon opérationnel de proximité, les CCI territoriales sont au coeur du système : elles accompagnent les entreprises de leur création jusqu'à leur transmission. Élus par ces dernières, leurs dirigeants sont représentatifs de l'économie territoriale. Le taux de participation aux élections est parfois regardé comme insuffisant, mais au Havre, par exemple, lors des dernières élections, les 26 % de votants représentaient 85 % du poids économique local.
Les CCI territoriales sont également l'échelon du développement concret des territoires, grâce à la gestion d'équipements structurants – ports et aéroports –, l'échelon de l'innovation et de l'expérimentation. Pour répondre à la demande des entreprises, qui souhaitent les voir participer à la coordination de l'action publique, elles contractualisent avec les communautés d'agglomération, les communes et les conseils généraux. C'est également à leur échelon que s'organisent la formation et l'apprentissage.
Les CCIT sont par ailleurs – et je voudrais insister sur ce point – particulièrement affectées par les coupes budgétaires votées pour 2014 et 2015. Le coup de marteau est trop fort et risque de casser l'outil. Celui-ci est pourtant utile aux territoires et aux entreprises, aux besoins desquelles elles ont toujours su répondre et s'adapter, et pour cause : les chefs d'entreprise, clients et élus, sont au coeur du système. Ainsi les chambres ont-elles investi dès le XIXe siècle dans la formation parce que les négociants avaient besoin de cadres parlant anglais et connaissant le commerce et la comptabilité plutôt que de diplômés maîtrisant le grec et le latin. De même, c'est à la demande des entreprises locales que la chambre de commerce a financé la construction des ponts de Normandie et de Tancarville. Si les écoles de commerce des chambres sont encore si performantes, c'est parce qu'à leurs conseils siègent des entrepreneurs qui relaient les besoins des entreprises.
Cette combinaison d'entrepreneurs chargés du pilotage et de collaborateurs professionnels chargés de la gestion représente une importante valeur ajoutée qui n'a guère d'équivalent dans le système français.
Par ailleurs, les CCI territoriales ont conscience de la nécessité pour elles de se réformer et de se réinventer. C'est pourquoi nous avons entrepris une réforme de l'organisation consulaire et créé un nouveau business model : « la CCI de demain ».
Contrairement à ce que l'on peut entendre, la réforme de l'organisation consulaire progresse rapidement. La fusion des CCIT permettra ainsi de ramener leur nombre de 170 à 80 en 2016. Les CCI régionales (CCIR) prennent bien leur place : elles mutualisent ce qui doit l'être, harmonisent et coordonnent les actions des CCIT. J'estime cependant, à titre personnel, qu'il faut veiller à ne pas tout régionaliser, afin de ne pas éloigner les centres de décision des entreprises et de maintenir la proximité. Laissons plutôt aux régions la liberté de s'organiser en fonction de leurs spécificités. Dans le Nord-Pas-de-Calais, par exemple, l'organisation est entièrement régionalisée, mais Lille occupe une position géographique centrale. En Normandie, en revanche, Cherbourg est à quatre heures de Dieppe. Enfin, au plan national, CCI France amplifie avec succès son rôle d'animation et de tête de réseau.
J'en viens maintenant à notre nouveau business model. Actuellement, nous vivons, non pas une crise, mais une période de mutation économique profonde liée à l'importance croissante du numérique, du développement durable et de la mondialisation. Les anciens modèles sont caducs et les nouveaux émergent à peine. Face à de telles transformations, le devoir des chambres est d'informer les entreprises qu'aucune d'entre elles n'est à l'abri de ces évolutions et de les aider à pénétrer l'économie collaborative de demain. Pour répondre à cette priorité, nous avons défini les nouvelles raisons d'être des CCI, qui peuvent se résumer en trois mots : « collectif » – apprendre aux territoires et aux entreprises à chasser en meute –, « territorial » – il s'agit d'être réactif, afin de répondre aux besoins de proximité grâce à une connaissance du tissu local – et « futur » : nous devons aider les entreprises à repenser leur avenir et à pénétrer l'économie de demain.
Ce projet « CCI de demain » a recueilli 95 % des voix lors d'une assemblée générale de CCI France qui s'est tenue début décembre.
Quelle sera la CCI de demain ? Elle doit tout d'abord être une e-CCI, en devenant l'opérateur majeur des services en ligne à destination des entreprises : formalités et accompagnement à distance, services pratiques en ligne. Elle doit être ensuite un accélérateur de business porté par des plateformes physiques CCI (« CCI campus »), en développant la transversalité, la gestion des flux et la mise en réseau des enseignants, des chercheurs et des étudiants et, ensuite, des incubateurs et des entreprises. Elle doit enfin favoriser la business intelligence, en organisant la collecte et la gestion des informations concernant les entreprises.
Grâce à ce projet, le réseau animé par CCI France a une vision de son avenir, exclusivement orienté vers le service des entreprises. Depuis six mois que nous travaillons sur ce dossier, qui a mobilisé 300 collaborateurs et de nombreux élus, nous constatons que le réseau, bien que pris sous la mitraille, se redresse et décide d'aller de l'avant. On peut en être fier et le saluer pour ce qu'il parvient à faire dans ces circonstances.
J'ajoute que le jacobinisme n'est plus du tout adapté à l'économie du futur, qui sera collaborative, réactive et connectée. Or, notre réseau présente de nombreux avantages à cet égard : les CCI territoriales assurent une présence de proximité et font preuve de réactivité tandis que CCI France apporte une cohérence globale.
En conclusion, nous progressons très vite mais, si la baisse de la fiscalité affectée se poursuit en 2016 et 2017 et si les fonds de roulement des chambres font l'objet de nouveaux prélèvements, les CCI disparaîtront. Si telle est la volonté du Gouvernement, qu'il nous le dise, par décence vis-à-vis des élus bénévoles et de leurs collaborateurs.