Monsieur Robinet, je ne faisais que compatir, tout à l’heure ! Car parfois, il faut laisser passer un peu de sentiment. Nous traitons d’affaires juridiques, d’affaires industrielles, de démocratie… Mais cela recouvre aussi des patients, des victimes d’accidents sanitaires ! J’ai cité la lettre d’une victime du DES – ou Distilbène, un de ses noms commerciaux : cette personne, parce que sa mère avait consommé cette substance pendant la grossesse, s’est trouvée avec de lourdes séquelles, dont je rappelle d’ailleurs qu’elles peuvent passer de génération en génération par mécanisme épigénétique.
Voilà pourquoi, depuis deux ans, je m’intéresse à cette difficulté que peuvent rencontrer les victimes d’accidents sanitaires à faire reconnaître la responsabilité pour risque de développement d’une entreprise lorsque le risque n’était pas connu au moment du dépôt et de l’obtention de l’autorisation de mise sur le marché, ou qu’il n’était pas indiqué sur la notice d’information.
Je peux citer le cas du Requip, un antiparkinsonien, pour lequel une victime a pu se faire indemniser parce qu’un cadre de l’entreprise, sans doute pour se venger de son licenciement, a fait passer à son avocat un document établissant que ce médicament était en fait responsable de l’addiction au sexe et au jeu dont elle avait été victime, entraînant la perte de son emploi et de sa maison et la menant au divorce.
Autre exemple : m’asseyant un jour à côté d’une de nos collègues, je lui ai montré un document sur les conséquences de la prise de médicaments pendant la grossesse. Il s’agissait en l’occurrence de l’acide valproïque, couramment commercialisé sous le nom de Depakine ou de Depakote, qui peut avoir des conséquences graves pour les nouveaux nés, connues sous le terme de « syndrome d’embryofoetopathie ». Je m’étais assis à côté d’elle par hasard – enfin, pas complètement, parce qu’elle travaille beaucoup ici ! – et, en y jetant un oeil, elle s’est rendu compte que l’une de ses parentes, qui a deux enfants présentant tous les signes de ce syndrome épileptique, avait pris ce médicament pendant la grossesse ! Sa parente ne connaissait pas l’origine du handicap de ses deux enfants de neuf et dix ans, et notre collègue va l’en informer. Et pourtant, cela fait plus de dix ans qu’une association se bat pour simplement obtenir que la mention des troubles possibles et donc des précautions à prendre en matière de prescription de ce produit soit inscrite sur la notice !