À ceux qui doutent de la nécessité d'un service public, cette grève révèle au moins, au grand jour, la singularité de Radio France. C'est pourquoi beaucoup d'entre nous sont en manque de cette radio d'offre qui doit proposer à ses publics des émissions dont ils ne savent pas encore qu'ils en ont envie, et qui n'est pas une radio marketing dont l'objectif est de donner au public ce qu'il veut entendre. Oui, les valeurs de la radio publique, c'est la quête de sens, loin d'une offre banalisée et aseptisée, c'est oser des choses qu'on n'entend pas ailleurs – et parfois c'est raté mais parfois la magie fonctionne. Oui, le fil rouge du service public, c'est une autre gestion du temps – l'humour, le ton, la distance, la créativité, les idées décalées. La radio publique est aussi indispensable que l'eau et le gaz, disait Jean Vilar.
Dire cela n'est pas faire injure aux radios privées, comme le croyait hier un de nos collègues du groupe UMP, mal inspiré, en posant une question à la ministre de la culture et de la communication. Maintenir cette spécificité en période d'austérité demande plus que jamais une vision, une volonté attendues et qui tardent peut-être à jaillir et dont l'absence explique pour l'essentiel la grève.
Le projet de l'entreprise ne peut se résumer à la restauration de son équilibre financier, même si cela est indispensable. Et si vous n'êtes pas responsable, monsieur le président, du manque de moyens correspondant à votre volonté de garantir l'existence d'un grand service public, si, pour une grande part, vous n'êtes pas responsable du coût du chantier, gouffre financier sans fond, si vous n'êtes pas responsable d'un contexte budgétaire contraint, vous êtes redevable – et vous le savez mieux que quiconque – d'une ambition, d'un projet à partager avec l'ensemble des acteurs de cette entreprise. La position de la tutelle devrait vous permettre de disposer de moyens supplémentaires pour réaliser ce souhait – le vôtre, le nôtre – puisque la dotation de 80 millions d'euros, qui va vous être octroyée, doit vous permettre d'avancer.
Où en est-on de la convention collective ? Où en est-on du COM ? Pouvez-vous définir un peu plus nettement ce que sera votre politique musicale ? Nous avons compris qu'il n'y aurait pas de fusion des orchestres, mais vous savez mieux que quiconque la frustration des musiciens qui ont le sentiment qu'on peut faire mieux en matière de communication, alors que même la billetterie ne fonctionne pas. La politique musicale n'est pas assez bien définie, elle est mal comprise, comment allez-vous l'améliorer ?
Vous avez dit un mot du tournant numérique dont vous nous avez fait tous rêver mais qui n'avance peut-être pas au rythme souhaité.
La syndication des radios locales est sans doute nécessaire mais saurez-vous préserver l'identité régionale ?
Tout en sachant bien le travail important que votre équipe et vous-même êtes en train de mener, trop souvent nous avons eu le sentiment, ces derniers temps, que vous lanciez des ballons d'essai sans que nous puissions déterminer si vous aviez la volonté politique d'aboutir.
Moderniser l'entreprise ? Trois fois oui. Mais conserver cet artisanat d'excellence dans un projet partagé, voilà le pari qu'il vous faut réussir, que nous allons réussir puisque, comme le disait le président de la commission, nous avons la volonté d'être utile, de ne pas nous tourner vers le passé mais de préparer l'avenir et de réussir ensemble. Bonne chance à Radio France !