À mon tour je ne cache pas mon inquiétude face au mouvement social que connaît la Maison de la radio. Une telle mobilisation est historique et pose la question du dialogue social au sein de cette maison et de la gravité des crispations. Radio France est une fierté nationale, alors sachons, tous ensemble, la faire vivre. Les chiffres ne doivent pas faire oublier le projet éditorial de Radio France, projet qui doit être l'épine dorsale de toute réflexion, de toute décision, y compris budgétaire. Il est également essentiel que les partenaires sociaux soient associés aux réflexions en cours pour dessiner la radio publique de demain. Votre projet stratégique mentionne votre volonté de renforcer le dialogue social et d'accompagner les réformes mais l'idéal est d'associer les partenaires sociaux à la définition même des objectifs stratégiques et le futur COM devra être à la hauteur de ces attentes.
Je souhaite vous entendre plus précisément sur la situation financière. Certes les dérapages concernant le chantier ont commencé avant votre arrivée ; mais comment en est-on arrivé à une telle situation ? Alors que les moyens affectés à la production et la diffusion diminuent, plus de 400 millions d'euros non prévus ont été engloutis dans un chantier titanesque dont la finalité m'échappe. Pourquoi ne pas avoir tiré la sonnette d'alarme ? Les responsabilités doivent être clairement établies.
Sa situation financière menace l'avenir du groupe car au coût exorbitant du chantier s'ajoutent les diminutions des dotations de l'État. Il reste difficile de demander plus et mieux ou la même qualité avec moins de moyens. Ce système conduit à des situations où les pressions subies par les personnels deviennent intenables.
Nous devons également interroger l'État sur les 87 millions d'euros qui n'auraient pas été versés car, même en période de vaches maigres, il doit honorer ses engagements.
Cette situation est d'autant plus inquiétante que les nouvelles économies envisagées ne sont pas sans conséquences. C'est pourquoi, pour sortir la tête haute de cette situation sans amoindrir la qualité du service public, il conviendrait d'imaginer d'autres sources de financement.
Vous n'êtes pas sans connaître notre position sur la gratuité des podcasts ou sur la publicité. L'éthique de certaines publicités diffusées sur telle ou telle chaîne publique pose d'ailleurs problème et mériterait qu'on s'y intéresse de près. La décision d'augmenter le nombre d'annonceurs ne nous rassure pas.
D'autres pistes doivent être envisagées pour garantir des financements pérennes à la hauteur d'un service public digne de ce nom, comme l'élargissement de l'assiette de la redevance. Et si je ne suis pas opposée à une mutualisation des locaux – vous parliez de Maison de la culture – je préfère rappeler des évidences. Ainsi, la privatisation temporaire des moyens de Radio France ne doit jamais se faire au détriment de la production de cette maison ou des besoins des personnels. Dans ce contexte, monsieur Gallet, pouvez-vous préciser votre position sur la gratuité des podcasts, sur la publicité et sur les conditions de location des espaces de Radio France ?
J'y insiste : en aucun cas le manque de financement ne doit conduire à détériorer l'offre radiophonique publique. Je suis donc inquiète quand j'entends que pour faire des économies, la réponse est un plan de départs volontaires qui toucherait plus de 300 personnes. L'humain ne doit pas être la variable d'ajustement.
Mon inquiétude est la même quand j'entends que, pour les mêmes raisons, il pourrait être envisagé de s'en prendre aux orchestres symphoniques. Votre projet stratégique aborde désormais la question sous l'angle d'un redimensionnement des quatre formations. Pourriez-vous préciser ce dont il s'agit ?
En ce qui concerne votre volonté de développer l'offre de FIP et France Bleu, c'est une très bonne chose, sauf si cela se fait à moyens constants et je souhaite vous entendre également sur ce point.
J'aimerais que vous vous exprimiez sur la mutualisation des programmes de France Bleu, idée qui circule régulièrement. On s'éloignerait, si cette mutualisation était appliquée, de la mission de proximité de cette radio, mission à laquelle nous sommes très attachés. Ainsi, s'attaquer à la diffusion en langues régionales, comme cela est écrit noir sur blanc dans votre projet stratégique, serait une erreur.
Enfin, si le numérique – secteur où il est en effet possible d'innover – représente un défi pour Radio France, il ne doit pas être relevé aux dépens de l'offre existante et sans les personnels, cela afin que le numérique devienne une source d'enrichissement personnel.
Je m'interroge par ailleurs sur le sort de RF8, station absente de votre document stratégique, et je suis très heureuse de constater que la radio numérique terrestre (RTN) est mentionnée dans votre document mais, là aussi, j'attends des précisions.
Je conclurai sur les hypothèses formulées par la Cour des comptes. Elles reflètent une regrettable approche comptable, aux antipodes des missions de service public remplies par Radio France. À la lecture de votre document stratégique et des différents entretiens que vous avez accordés ces derniers jours, je comprends que vous partagez cette analyse, notamment lorsque vous réaffirmez le maintien du Mouv' ou de France Musique. Je souhaite néanmoins entendre de nouveau votre opposition claire à la fusion des rédactions de France Inter, France info et France Culture.