Intervention de Mathieu Gallet

Réunion du 8 avril 2015 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Mathieu Gallet, président-directeur général de Radio France :

Dans ce cas, je commencerai par le thème de la dernière question, qui me touche d'autant plus qu'elle m'est posée par une élue du département où je suis né, et où mes parents vivent encore.

Le réseau France Bleu est l'une des plus belles richesses de Radio France, pour plusieurs raisons. Nous sommes les seuls à disposer de cet étroit maillage territorial. Assurément, certaines zones y échappent encore : le Sud-Ouest, la région lyonnaise, une partie du Nord-Est – je songe à la région Lorraine. C'est précisément l'une de mes ambitions que d'achever la couverture du territoire. Car outre l'information, le divertissement, la musique, les émissions culinaires qui font partie de l'identité culturelle de nos territoires, France Bleu apporte du lien social. Je me rends toutes les quatre ou cinq semaines dans les stations du réseau et je peux vous assurer qu'il s'agit d'un très beau modèle pour toute la Maison de la radio. On y travaille au sein de petites équipes très dévouées et très proches de leurs auditeurs et du tissu associatif, culturel, politique local.

Je souhaite donc que nous continuions à développer le réseau France Bleu, si nous en avons les moyens financiers et humains, évidemment – et si nous disposons de suffisamment de fréquences. En effet, notre absence du grand Sud-Ouest s'explique par le fait que nous n'avons qu'une seule fréquence à Toulouse. C'est France Bleu Toulouse qui est reprise en Lot-et-Garonne, où il n'existe aucun reporter en résidence. Mais France Bleu Périgord, c'est une formidable audience ! L'attachement au réseau est donc très puissant. Par conséquent, nous devrions pouvoir le développer – tout en tenant compte des contraintes qui pèsent sur nous et des efforts à consentir, d'où des problèmes complexes de redéploiement qui sont traités au niveau humain, au plus près des cinq « micro-locales » concernées. Nombre d'élus, députés et sénateurs m'ont d'ailleurs écrit à propos du projet de redimensionnement du réseau et des micro-locales. La direction des ressources humaines, avec Christian Mettot, comme la direction du réseau France Bleu, avec Anne Allard-Petit qui en est l'administratrice, ont procédé personne par personne pour qu'aucun ne reste sur le bord de la route, pour redéployer le réseau en respectant les contraintes humaines, familiales, personnelles des collaborateurs.

En ce qui concerne la question de Mme Claudine Schmid sur l'international, je ne l'ai peut-être pas assez montré dans mon dossier, mais cette dimension fait véritablement partie de mes ambitions. Pour la développer, nous pouvons tirer profit du numérique, ainsi que du fait que notre modèle économique repose sur la production interne, ce qui nous évite les problèmes de droits auxquels est confrontée la télévision – et qui empêchent par exemple de regarder depuis l'étranger les programmes rediffusés sur le site Pluzz. Voilà pourquoi 40 % de l'audience des podcasts de France Culture se trouve hors de France ; je ne dispose pas de tous les chiffres de l'audience, mais en voilà un que je puis déjà vous donner.

Je l'ai écrit – en quelques brèves lignes qui devront être développées dans le COM –, je souhaite que nous réfléchissions à la création d'une chaîne Radio France à destination des francophones et des francophiles, qui, comme nous l'avons fait lors de la Journée de la langue française, le 16 mars dernier, programmerait le meilleur de toutes nos chaînes à l'intention de ce bassin incroyablement riche – on parle de 700 millions de locuteurs francophones d'ici à 2050. En la matière, Radio France peut jouer un rôle très différent de celui de Radio France Internationale pour faire rayonner dans le monde l'excellence de la production radiophonique française. Cela ne coûte pas nécessairement très cher puisque la production est déjà faite : il s'agit simplement de repenser l'offre éditoriale de toutes les chaînes pour en proposer une qui diffuse en streaming, mais où l'on puisse également réécouter les programmes.

Bref, je n'oublie pas du tout l'international ni ce que Radio France peut apporter au soft power français en donnant à entendre ce que nous produisons de meilleur tous les jours : des documentaires, des fictions, des grands magazines, des émissions musicales.

Plus généralement, à vous écouter, je perçois l'attente que suscitent le projet, les contenus. Voici quelques mots de ces derniers puisque je n'en ai pas beaucoup parlé, me dit-on. La grève qui dure depuis trois semaines fait oublier un peu vite que, depuis la rentrée de septembre, les antennes de Radio France accumulent les succès d'audience. Cela m'aide considérablement à tenir bon, en raison de ce que cela signifie des choix faits par les directeurs et directrices que j'ai nommés.

En effet, entré en fonction le 12 mai, j'ai immédiatement entrepris, avec Frédéric Schlesinger et les directeurs que nous avons désignés, de repenser nos grilles, ce qu'il fallait faire avant début juillet. Ainsi, en six semaines, un travail formidable a été abattu par ces hommes et ces femmes, avec leurs équipes, pour proposer d'importants repositionnements. D'abord à France Info, pour, dès septembre, revenir à l'actualité « chaude », à l'ADN de la chaîne : l'information en continu. Qu'aurait fait France Info en janvier si nous n'avions pas renoué avec ce modèle réactif qui, aujourd'hui, retrouve son public ? À France Inter ensuite, où ont été opérés des changements radicaux dont certains m'ont été reprochés. C'est vrai, j'ai fait partir, en soutenant Laurence Bloch, directrice de France Inter, qui me l'avait proposé, un certain nombre de producteurs. Aujourd'hui, je me le reprends en plein visage, parce qu'il y a des symboles. J'assume. Je soutiens mes équipes. Je ne suis pas directeur des programmes et des antennes de Radio France, ce n'est pas mon job. En revanche, il y a des hommes et des femmes dont c'est le métier et qui ont le courage de faire bouger les lignes. C'est aussi le cas à France Musique : ce n'était pas évident non plus pour Marie-Pierre de Surville de faire partir une grosse dizaine de producteurs historiques pour en apporter de nouveaux et repenser la programmation de la chaîne. À Mouv', que tant de parlementaires m'ont conseillé de fermer à cause de son coût et au motif que le secteur commercial proposait déjà des radios jeunes – alors qu'il suffit d'écouter la chaîne pour mesurer ce qui l'en sépare –, je suis fier du boulot qui a été fait pendant six mois par Bruno Laforestrie et ses équipes pour concevoir une chaîne du service public qui s'adresse aux jeunes, notamment à ceux qui ne viennent pas du milieu auquel appartiennent habituellement les auditeurs du service public, une chaîne pour tous, dédiée aux cultures urbaines et périurbaines mais aussi aux jeunes des zones rurales. J'ai bien connu cela : vous savez, à quinze ans, à Villeneuve-sur-Lot, on n'a pas beaucoup de radios à écouter et on ne se tourne pas naturellement vers France Musique ! Cela vient plus tard ; ce fut ma chance. Aujourd'hui, je souhaite un service public qui s'adresse à toute la société française.

Ce travail sur les contenus, accompli en très peu de temps, est aujourd'hui source de succès. Il me tarde de connaître les prochains chiffres de l'audience qui seront disponibles le 15 avril, car sans enfreindre l'interdiction qui m'est faite de les révéler, je peux vous dire que, malgré les trois semaines de grève, j'ai lieu d'être assez fier de nos résultats intermédiaires. Toutes nos chaînes ont vu leur audience progresser, de France Bleu à France Musique, en passant par France Culture dont les scores sont incroyables : 2,2 points d'audience, 1,2 million d'auditeurs par jour, pour un niveau d'exigence inégalé dans le monde ! Voilà qui confirme qu'il n'y a pas à opposer excellence et audience : Radio France est capable des deux. Mon but est d'accroître le nombre d'auditeurs : qu'à la fin de mon mandat il n'y en ait pas 14 millions, mais plus encore. Pour y parvenir, il faut repenser notre gamme de programmes. J'aimerais aussi que FIP passe de 10 à 150 fréquences. Je comprends que mes concurrents du privé n'en aient pas du tout envie ! Imaginez seulement : si cette chaîne incroyable, qui fait découvrir tous les types de musique, sans publicité, couvrait 150 villes, on ferait un malheur !

Voilà ce que je souhaite pour Radio France. En même temps, des contraintes s'imposent à moi. Ma faute est probablement de les avoir intégrées très tôt, lorsque nous avons découvert, dès septembre, que la dotation prévue pour les trois années à venir allait nous obliger à faire des choix, que le mode de fonctionnement qu'avait toujours connu Radio France – sur le thème « l'intendance suivra » – n'était plus envisageable. Si j'ai tenu compte de ces contraintes, c'est que je suis loyal envers mon actionnaire et non en confrontation avec lui, même si l'on peut débattre et ne pas être d'accord. Je ne dis pas qu'au cours des dernières semaines l'entente a été parfaitement cordiale, mais, en tout état de cause, l'État, qui n'est ni de droite ni de gauche, soutient Radio France.

Sur la dotation qui nous est aujourd'hui promise, je ne dispose d'aucune précision : je n'ai pas le chiffre de 80 millions que M. Michel Françaix a évoqué et je ne sais pas à quoi le montant qui sera alloué correspond. Or, si je me souviens bien de mes fonctions antérieures, une dotation en capital comme celle de 150 millions dont avait bénéficié France Télévisions en 2008, lors de l'annonce de la suppression de la publicité, doit être validée par les autorités de Bruxelles et ne peut financer que des dépenses de développement. Une telle dotation ne pourrait donc couvrir la fin du chantier.

Je demande par conséquent que le soutien apporté par l'État passe aussi par la contribution à l'audiovisuel public, dont l'assiette doit faire l'objet d'une réflexion. De l'augmentation qu'elle a connue depuis 2012 et que tous les Français constatent en recevant leur avis de taxe d'habitation, pas un euro supplémentaire n'est allé à Radio France. En effet, France Télévisions a bénéficié d'une fraction plus importante de la redevance pour compenser la baisse de la dotation budgétaire. Je peux ainsi témoigner du fait que l'on a retiré à l'INA 20 millions d'euros pour donner davantage à France Télévisions, notamment. L'enveloppe étant fermée, ce que l'on donne à certains doit en toute logique être retiré à d'autres.

Mes discussions actuelles avec l'État me confirment qu'il fera ce geste de soutien, mais j'ai besoin de pouvoir distinguer ce qui relèvera d'une dotation en capital de ce qui résultera d'une augmentation de la contribution à l'audiovisuel public d'investissement. Car leur effet sur nos comptes n'est pas le même, la première allant au bilan alors que la seconde passe par le compte de résultat, est donc reprise en produit exceptionnel et améliore ainsi notre compte d'exploitation. Je ne dispose pas encore de cette précision, mais je ne doute pas qu'elle me sera apportée au cours des jours à venir.

En ce qui concerne les orchestres et la politique musicale, le choix du redimensionnement n'était pas le mien – je ne m'en cache pas –, mais résulte d'une décision de la ministre de la culture et de la communication. En conséquence, mon équipe et moi-même travaillons à définir le projet artistique qui pourrait être mené à bien dans ce cadre. Ce qui compte, en effet, c'est le projet artistique : que l'on ne fasse pas de la musique pour faire de la musique, mais pour un public, ou plutôt des publics – ceux qui sont déjà amateurs de musique classique et que nous ferons venir, à n'en pas douter, dans notre magnifique auditorium ; mais aussi un nouveau public, un public jeune.

Cela suppose de concevoir nos concerts différemment, d'en décaler les horaires et les jours, car le public n'est pas le même à vingt heures en semaine, le samedi, ou encore le dimanche à onze heures. Vous le verrez le 16 avril prochain lors de la présentation de la saison 2015-2016 : nous avons tenu compte de toutes ces données sociologiques afin d'atteindre un public familial, qui ne se limite pas à celui du seizième arrondissement de Paris.

Cela suppose également des activités pédagogiques du type de celles dans lesquelles nombre de nos musiciens sont déjà investis. Dans le cadre du projet de la Maison de la radio, nous avons déjà construit de formidables ateliers pédagogiques et je ne doute pas que nous pouvons encore enrichir cette offre. Nous avons ainsi signé un accord avec les trois rectorats de la région parisienne afin de faire venir les écoles. Vous le constaterez si vous passez à Radio France, c'est un plaisir de voir tous ces gosses découvrir la musique classique. J'étais hier soir à la Maîtrise de Radio France, à Bondy, avec la ministre de la culture et de la communication : c'était formidable d'entendre ces filles et ces garçons souvent issus de milieux très éloignés de la musique classique et qui choisissent, comme d'autres une section sportive, un cursus où leur emploi du temps inclut treize heures hebdomadaires d'enseignement musical. Cela fait partie de nos missions et c'est un sillon que je suis très heureux de continuer à creuser.

S'agissant des formations musicales, le statu quo n'est plus possible, la ministre l'a dit. Il s'agit de nourrir une ambition forte, notamment en matière de diffusion de nos concerts et de captation vidéo, à l'image de ce qui se fait déjà soit sur Culturebox, le site de France Télévisions, soit sur ARTE Concert. Avec ARTE, nous pouvons tout à fait imaginer d'assurer dans quelques années notre propre diffusion sur les sites internet de Radio France, sur le modèle de l'Orchestre philharmonique de Berlin. C'est un défi que de repenser la place des formations musicales dans le cadre d'un redimensionnement qui sera difficile : je ne me vois pas demander à l'un des deux orchestres d'abandonner le grand répertoire. Soyons clairs, en effet : si l'on redimensionne, ce n'est pas pour que les deux formations se ressemblent encore plus ! Il faudrait donc demander à l'une des deux de renoncer à ce qu'elle fait, attendre de l'Orchestre philharmonique qu'il troque Bruckner contre Stockhausen. Je ne suis pas sûr de me sentir prêt à porter ce projet.

Cela fait l'objet d'un débat. Pour ma part, j'avais proposé d'autres solutions, dont le cofinancement de l'Orchestre national de France avec la Caisse des dépôts et consignations, sur le modèle du Théâtre des Champs-Élysées dont Radio France est actionnaire à 34 %. Cette option me semblait préserver l'identité artistique de chacune des formations. Il aurait naturellement fallu maintenir le lien avec Radio France, par la diffusion des concerts ou la production de certains d'entre eux à la Maison de la radio. La proposition avait un autre mérite : maintenir l'emploi. Or, je l'ai dit, je ne porterai pas de plan de départs contraints à Radio France, ni au sein des formations musicales ni ailleurs. Nous avons donc un gros travail à faire pour rendre une identité artistique à chacun des deux orchestres dans le cadre d'un redimensionnement qui permettra aussi de faire porter une partie de l'effort sur les musiciens.

Car tous les corps de métiers, toute la Maison de la radio devront prendre leur part, à Paris, dans les régions, de manière équilibrée. Je n'entends pas sacrifier certains métiers ou missions pour en préserver d'autres. C'est toute la difficulté de l'exercice. On le constate à vous écouter, chacun ici est attaché aux missions du service public et à son périmètre, et tout le monde a compris qu'il fallait faire des économies ; mais où, s'il faut tenir compte de toutes vos observations ? À moins de me tourner vers l'État pour qu'il apporte à nouveau de l'argent. Ce serait oublier qu'aujourd'hui, il n'y a pas d'argent en plus. Nous devons donc nous réformer en respectant le sens de l'équilibre, de l'équité et des responsabilités – moi le premier, avec mon équipe.

MM. Christian Kert et Michel Herbillon demandent comment sortir de la situation actuelle. La durée de la grève en fait l'une des plus longues de notre histoire. À cela, plusieurs raisons. L'inquiétude, probablement. Ma personnalité, aussi ; je prends ma part de responsabilité : je ne suis pas quelqu'un de très expansif, ce qui ne veut pas dire que je ne serre pas la main de mes collaborateurs. Il faut arrêter de penser que je serais, en plus, malpoli ! On peut raconter tout ce que l'on veut, j'ai été convenablement élevé et je sais dire bonjour, y compris dans les ascenseurs. Cela étant, je dois sans doute moi aussi me remettre en question. Toutefois, le fond du problème, ce n'est pas moi. C'est le modèle économique de Radio France, les choix douloureux auxquels nous sommes aujourd'hui conduits, la détérioration de la situation, l'impossibilité, difficile à admettre, que l'on ne peut plus continuer comme avant.

J'entendais s'exprimer ce matin sur France Inter un ancien Premier ministre : c'est vrai, le monde des nouvelles technologies et des médias change si vite ! Qu'étaient Twitter il y a cinq ans, Facebook il y a sept ans ? Quand on pense que Google est né en 1998 ! Nous sommes un média ancien, puisqu'il date des années 1930, qui doit s'adapter à cette transformation de la technologie et de l'univers concurrentiel, à ce changement de société. Je n'ai pas envie que, dans cinq ans, l'âge moyen de l'auditeur de Radio France soit encore plus élevé qu'aujourd'hui ! Si le service public de la radio, payé par tous, ne s'adresse plus qu'aux personnes de soixante ans et au-delà, cela pose un problème.

Pour nous adresser aux nouveaux publics, nous devons consacrer des moyens au numérique, faire des propositions sur les plateformes de partage, bref aller les chercher là où ils vont, par habitude, parce que les habitudes sociales changent. Hier, le répétiteur de la Maîtrise a évoqué devant les enfants le son d'un vieux disque rayé, avant de réaliser qu'ils ne savaient pas ce que c'était. Moi-même, j'appartiens à une génération qui écoutait des vinyles et passait des quarante-cinq tours sur un mange-disque !

Tout cela a changé et ce sont ces transformations que je dois relayer, avec mon équipe, qui a toute ma confiance, dans une maison qui possède de formidables atouts mais qui est angoissée par cette situation à laquelle nous n'étions pas préparés. Les changements sont brutaux : la trésorerie est négative, nous avons pour la première fois voté un budget en déficit de 21 millions d'euros. Pour ma part, j'ai donné l'alarme dès le mois d'octobre en conseil d'administration, où vous avez un représentant en la personne de M. Michel Françaix, en avertissant que nous passions dans le rouge en 2014. Le chantier a pris beaucoup de retard, de sorte que, pendant un moment, nous n'avons pas décaissé la dotation de l'État destinée à le financer. Puis, tout à coup, il a avancé, l'auditorium et la partie qui abrite France Inter et France Info ont été livrés : de ce fait, l'argent est parti, et il ne rentre plus comme auparavant. Mme Aurélie Filippetti a raison : la dotation de Radio France a été stabilisée, ce qui n'allait pas de soi dans le contexte que connaît le ministère de la culture et de la communication ; dès l'époque où j'y travaillais, avant 2012, l'audiovisuel public et la presse écrite étaient les deux seuls secteurs plutôt épargnés par les baisses de crédits. Ce n'est plus le cas. Peut-être était-ce une erreur de ne pas apporter un avenant au COM comme on l'a fait à France Télévisions lorsque l'on a constaté que la trajectoire financière n'était plus soutenable. Mais nous n'allons pas refaire l'histoire : je suis là pour parler de l'avenir.

Deux mots de la campagne menée par le Canard enchaîné, qui me canarde depuis quatre semaines sans discontinuer. À propos du bureau, je me suis expliqué : ce n'est pas le mien, mais celui du président-directeur général et je n'emporterai pas le palissandre en quittant Radio France. C'est un bureau historique. Peut-être aurais-je dû différer ces travaux, coûteux du fait du lieu et de ce qu'il représente. De là à lire des allégations qui se rapportent à l'Institut national de l'audiovisuel, que j'ai quitté il y a un an, et qui concernent des contrats qui datent d'il y a quatre ans, voire, pour certains, du mandat d'Emmanuel Hoog, mon prédécesseur ! Le Canard, d'habitude assez bien informé, aurait dû savoir que le contrat Euro RSCG a été signé en 2008, avant mon arrivée à l'INA. Le journal doit avoir des sources très fiables pour ne pas se donner la peine de vérifier une information que l'on trouve sur Internet ! On me salit en racontant n'importe quoi. Je veux bien avoir le dos large, mais il y a un moment où il faut arrêter ! On ressort des histoires vieilles de quatre ans, on additionne des contrats qui n'ont rien à voir les uns avec les autres, du développement stratégique à la transformation RH en passant par la communication.

Quand on parle de mes dépenses de communication, on a l'impression que j'ai dépensé, en quatre ans, un million d'euros en coiffure et make-up ! Il s'agissait de faire travailler des consultants pour une entreprise. Je comprends que certains dirigeants disent que les consultants, ce n'est pas leur truc, mais je défends pour ma part l'idée que l'on a besoin d'expertises externes. Et c'est en y recourant que, pendant quatre ans, à l'INA, j'ai rendu des comptes positifs, présenté une croissance du chiffre d'affaires – Frédéric Schlesinger, alors directeur des contenus, chargé de leur valorisation, peut en témoigner –, relancé l'activité de formation professionnelle, ouvert l'Institut à l'international. Nous y sommes parvenus en adjoignant ponctuellement à nos propres compétences celles de consultants extérieurs : où est le problème ? Il y a là aussi quelque chose qui m'agace, et je profite de l'occasion pour le dire.

J'en viens au cahier des charges de Radio France, qui date de 1987, une époque où le périmètre des entreprises publiques n'était pas exactement le même qu'aujourd'hui. On pouvait peut-être même encore faire de la publicité pour la Compagnie de Suez ou pour la Banque de Paris et des Pays-Bas ! Ce périmètre s'est restreint et je ne peux pas laisser les recettes publicitaires de Radio France exposées au risque, sans parler de la répétitivité des annonces, qui portent toujours sur telle banque ou mutuelle et dont les auditeurs sont nombreux à se lasser, nous disent-ils. Cela devient un problème éditorial. Je me satisfais donc de la décision prise par la ministre de la culture et de la communication d'étendre le champ des annonceurs. De notre côté, nous nous engagerons, par une charte annexée soit au cahier des charges soit au COM, à écarter certains annonceurs, en nous inspirant de France Télévisions.

En ce qui concerne les ondes moyennes et les ondes longues, il s'agit de types de diffusion qui, sans jouer sur les mots, viennent de loin. Les bulletins de météo marine sont diffusés sur les ondes moyennes, mais le numérique devrait permettre de proposer d'autres solutions. Il en va de même de la messe, qui, à Lyon, est diffusée sur ondes moyennes, ou des émissions en langue régionale. L'idée n'est pas d'abandonner ces missions, mais de faire différemment grâce aux moyens technologiques dont nous disposons aujourd'hui.

Au total, 13 millions d'euros d'économies sont attendus de cette modernisation du cahier des charges. Nous en avons besoin.

On me dit qu'il n'y a rien de nouveau dans le projet. C'est que je suis quelqu'un d'assez constant, animé de convictions fortes – celles qui m'ont décidé, fin 2013, à candidater à la présidence de Radio France et à travailler sur ce projet en janvier 2014. Ces convictions, je ne les ai pas perdues. Ce sont celles d'un auditeur, évidemment, d'un responsable d'entreprise aussi – c'est ainsi que je me suis présenté et je ne vais pas me changer –, mais qui fait le choix du service public. J'aurais pu rester dans le secteur commercial ; j'ai fait une carrière sympathique à Canal Plus. J'ai choisi le service public, sans être haut fonctionnaire, par conviction, parce que cela a un sens. C'est bien pour cela que l'on travaille à Radio France ; tous les collaborateurs de la maison en seront d'accord. On a le sentiment d'apporter quelque chose à ses concitoyens, et même à la civilisation, tous les jours, par le décryptage, l'enrichissement, le partage de la culture sous ses formes diverses. Je peux écouter, sur Mouv', un jeune DJ français comme Madeon, puis, sur France Culture, de jeunes philosophes, avant d'entendre Raphaël Pichon sur France Musique. C'est cette richesse qui donne envie de rejoindre le service public, c'est pour porter ce projet que j'ai souhaité venir à Radio France.

Depuis, j'ai dû y intégrer les contraintes émanant de l'État, dont votre présence et vos questions montrent que vous êtes conscients. Je vais continuer de défendre ce projet, je le mettrai en place avec mes collaborateurs. Nous ne l'avons probablement pas assez partagé, diffusé ; tout le monde doit pouvoir se l'approprier. C'est difficile dès lors qu'il comporte un volet destiné à réaliser des économies et à repenser entièrement le modèle. Mais nous devons tous nous retrousser les manches. Je suis convaincu que les salariés de Radio France y sont favorables, dans leur grande majorité. Je reçois d'ailleurs beaucoup de messages qui m'aident à résister dans la tempête, notamment des collaborateurs de France Bleu, qui me font part de leur attachement au service public, de leur conscience de la nécessité de réformer, du fait que France Bleu incarne un modèle différent de celui des autres chaînes, et qui me disent : « tenez bon ! ». Ce ne sont pas ceux qui viennent en assemblée générale, ils ne sont pas animés du même état d'esprit, mais leurs témoignages me renforcent dans ma conviction qu'il faut transformer le service public pour qu'il continue d'exercer ses missions, à destination du plus grand nombre.

Voilà ce qui doit nous guider. Nous sommes une radio de l'offre, mais nous devons aussi aller à la rencontre de notre public, sans quoi notre légitimité sera remise en question. Voyez ce qui s'est passé au Portugal où la chaîne de télévision culturelle a été fermée, en Grèce – un sujet que j'ai bien connu – où on a fait de même, du jour au lendemain, pour le service public de la télévision qui, a-t-on dit, n'avait plus assez d'audience. Cette rencontre avec le public aura lieu sur les plateformes numériques que nous allons enrichir à cette fin par des services de webradios, mais aussi sur les antennes hertziennes. Voilà pourquoi je souhaite que l'on repense tout le plan des fréquences de Radio France, qui doit être complété, pour le réseau France Bleu, pour France Info qui ne couvre pas bien certaines zones, notamment la Bretagne, pour Mouv' et FIP, véritables pépites qui nous permettront de nous adresser à d'autres publics.

Je dois sans doute, en effet, fendre l'armure pour faire valoir cette conviction auprès des salariés, leur dire que nous devons prendre notre avenir en main, sous peine que d'autres s'en chargent. Or ce n'est pas à la Cour des comptes de définir la stratégie de Radio France ! La Cour dresse un bilan, pose des diagnostics, formule des propositions. La Cour des comptes, c'est la Cour des comptes ; Radio France, c'est Radio France ! Avec les collaborateurs de Radio France, nous défendrons ce projet dans un climat d'angoisse, certes, mais sans oublier que nous avons de formidables atouts – je dois le leur rappeler. C'est ainsi que nous allons promouvoir notre grande mission de service public et la transformer, pour être plus forts dans cinq ans. Si cette grève peut servir à quelque chose, c'est à cela : à nous faire prendre conscience des enjeux, des difficultés du dialogue social, qu'il nous appartient, à Christian Mettot et moi-même, de renouer. Peut-être aurons-nous besoin d'une intervention extérieure pour nous y aider.

Avant tout, cependant, revenons au projet, à nos atouts, à ce que nous savons faire, c'est-à-dire de la radio : je n'ai pas prévu de changer Radio France en autre chose qu'un groupe de radio, qui se consacre aussi à la production musicale et la diffuse dans un lieu exceptionnel, la Maison de la radio. Le chantier est compliqué mais, le jour où il sera fini, on verra que l'on avait eu raison de le lancer : nous serons un lieu de culture, où viendront des publics très variés, car tel est le sens de notre mission.

J'ai encore quatre ans de mandat et je peux vous dire que, pendant ces quatre ans, je ne lâcherai rien de ces convictions.

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