Intervention de David Causse

Réunion du 31 mars 2015 à 10h00
Mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale

David Causse, coordinateur du pôle santé-social de la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif :

Je vous remercie d'associer la FEHAP à vos travaux. Il existe trois grandes fédérations hospitalières : la Fédération de l'hospitalisation privée (FHP), la Fédération hospitalière de France (FHF) pour les hôpitaux publics et la Fédération des établissements hospitaliers et d'assistance privés à but non lucratif (FEHAP). Cette dernière est la maison commune des associations, des fondations, des unions mutualistes mais aussi d'institutions de prévoyance et de retraite complémentaire telles Humanis ou PRO BTP, qui relèvent du livre IV du code de la mutualité. Toutes peuvent gérer des établissements relevant tant du champ sanitaire que du champ social et médico-social, parfois de manière mixte. Nous comptons 1 600 personnes morales adhérentes qui regroupent environ 4 000 établissements et services de tailles très diverses. La FEHAP peut ainsi rassembler des établissements de santé en tête de palmarès par la réputation de leurs équipes médicales, tels l'Institut Montsouris ou le centre chirurgical Marie Lannelongue, par exemple, mais également une association précieuse qui gère une petite équipe mobile de soins palliatifs et d'hospitalisation à domicile ainsi que des petites structures, plus modestes par leurs budgets et le nombre de leurs salariés, mais qui rendent des services importants de suite et de réadaptation, notamment dans le domaine gériatrique.

Il est évident que, du fait même de leur variété, toutes ces structures ne sont pas professionnellement armées de la même manière pour conduire les négociations, voire les renégociations, avec le système bancaire qui est toujours plus complexe. Si la plupart des grands établissements ont des directeurs financiers techniquement très affûtés et dont l'expérience professionnelle, acquise dans des cabinets de conseil d'expertise comptable notamment, a permis de se préserver de certains produits bancaires, d'autres adhérents étaient moins armés pour résister aux séductions auxquelles ils ont été exposés ces dix dernières années, mais également pour renégocier, alors même que ces produits bancaires toxiques, vous l'avez souligné, se caractérisent par une grande évolutivité : c'est leur dégradation récente, liée notamment à l'évolution de la parité du franc suisse, qui a conduit les pouvoirs publics à engager des programmes de soutien de plus grande ampleur qu'ils ne l'avaient envisagé. Mais le problème se pose également en termes de capacité de dialogue entre les emprunteurs et le système bancaire.

Les neuf dixièmes de nos établissements, à but non lucratif, exercent des missions de service public ; leurs relations avec les ARS (agences régionales de santé) sont donc à peu près de mêmes natures que celles des établissements du secteur public. Ils sont tenus de remettre leur plan global de financement pluriannuel (PGFP), qui donne l'évolution des grands équilibres de l'investissement ou leurs états des prévisions de recettes et de dépenses (EPRD), qui sont relatifs aux comptes d'exploitation et à leurs résultats. Les autres, pour des raisons historiques, ont conservé des relations de droit privé avec les autorités de contrôle, à l'instar des cliniques de droit commercial ; leur gestion relève alors d'une responsabilité institutionnelle et économique pleine et entière, sans rapport tutélaire avec les ARS.

Afin de bien mettre en proportion les chiffres que je vais donner, il faut garder à l'esprit que, dans le domaine sanitaire des soins de court séjour, à côté des deux grands ensembles publics et privés de statut commercial, nos établissements non lucratifs représentent 9 % de l'offre. Autrement dit, notre contribution est importante, parfois emblématique, mais demeure limitée même si elle représente aussi 13 % de l'offre de psychiatrie et 40 % de celle des soins de suite et de réadaptation.

Les établissements privés à but non lucratif ont été beaucoup moins exposés aux produits structurés et à l'endettement toxique que ceux du secteur public, ce qu'a montré la cartographie établie par la banque Dexia. Des renégociations ont certes eu lieu depuis mais, pour la sphère du secteur privé non lucratif, on atteint un montant total consolidé qui n'excède pas 100 millions d'euros. Reste que certains de nos adhérents ont été bel et bien exposés – il faut rappeler que certaines banques, dont Dexia, bénéficiaient d'une image quasi publique, tutélaire, du fait de leur présence auprès des collectivités territoriales.

L'endettement global consolidé des établissements privés à but non lucratif, en consolidé, s'élève à 1,6 milliard d'euros, ce qui représente un taux de dépendance financière très saine de 36 % seulement alors que les ratios prudentiels dans l'ensemble du secteur sont de l'ordre de 50 %. Cela étant, ces 36 % sont une moyenne et je suis prêt à vous fournir des éléments plus détaillés. Les emprunts toxiques ne représentent que 100 millions d'euros, dont une part a été renégociée depuis. Bien des adhérents de la FEHAP qui n'ont pas pris de risque éprouvent un sentiment d'injustice devant les dispositions de soutien aux établissements exposés aux emprunts structurés apportées par les pouvoirs publics aux seuls hôpitaux publics. « Pourquoi eux et pas nous ? » On peut y voir le réflexe classique de jalousie du petit frère vis-à-vis du grand frère qui fait l'objet de plus d'attention de la part des ARS et des pouvoirs publics, mais il n'empêche que cette différence de traitement ne se limite pas à l'aide aux établissements victimes d'emprunts toxiques : cela vaut aussi pour le soutien à l'investissement. Force est de constater que les capacités en fonds propres des fondations et des associations se sont singulièrement affaiblies. Il en va de même pour la dynamique de gestion de l'immobilier, de la cession d'actifs, particulièrement en ce qui concerne la modernisation du patrimoine ; les capacités d'investissement sont devenues très tendues et l'on remarque une progression inquiétante du taux de vétusté. Le taux d'aide publique aux opérations de restructuration en faveur de notre secteur est plus faible que celui du secteur public. Cette inégalité de traitement étonne nos adhérents puisque notre secteur est soumis à toutes les contraintes et obligations de service public – sinon plus, car nos praticiens hospitaliers n'ont pas d'activité libérale : ainsi mon président a-t-il coutume de dire qu'ils sont les vrais héritiers de la mission de service public originelle. Qui plus est, cette dissymétrie dans la distribution des aides publiques ne risque-t-elle pas précisément de favoriser une situation de surendettement ?

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