Ce n'est pas la première fois que la question nous est posée, puisque nous avons participé sur ce sujet aux travaux de la Cour des comptes, du Sénat, de la commission Gissler, ainsi que de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale, conduite par MM. Claude Bartolone et Jean-Pierre Gorges.
Chez Finance active, tout est tracé : à chaque fois qu'un directeur financier appelle son consultant pour l'interroger sur un nouvel emprunt ou un réaménagement, la demande est immédiatement enregistrée dans notre système de gestion ainsi que la réponse. Je peux donc vous fournir des éléments statistiques : sur la période 2004-2008, nous avons reçu de l'ensemble de nos clients – collectivités locales et secteur public de santé – 8 000 propositions de réaménagement et 7 000 propositions de nouveaux financements comportant des produits structurés ! En l'espace d'environ cinq ans, ce sont donc 15 000 propositions bancaires de ce type qui ont été adressées à nos clients du secteur public.
Autrement dit, le marché commercial était guidé par les banques – dont certaines comportaient des équipes de plus de 300 commerciaux – et, toute la journée, les directeurs financiers des collectivités locales et des établissements publics de santé étaient sollicités pour réaliser ce type de produit. Il n'y a donc aucune ambiguïté ; le marché était parfaitement organisé par les banques à l'époque : Dexia en tête, Caisse d'Épargne, Crédit Agricole, Royal Bank of Scotland (RBS), etc.
Cela étant, sur ces 15 000 propositions, à peine 500 ont été souscrites par nos clients. Nous estimons donc que notre travail n'a pas été inutile : nous en avons arrêté un grand nombre, la grande majorité. Les choses auraient pu être pires. Certes, une partie a été souscrite, et elle n'est pas neutre. Mais à l'époque, de grands plans d'investissement, notamment Hôpital 2007, avaient amené les hôpitaux à chercher des financements – et certains financements ont comporté un volet « produit structuré ». D'ailleurs, les hôpitaux ont été les premiers à se voir accorder des financements sans marge – de mémoire, Crédit Agricole Indosuez a été le premier à proposer du « Euribor + 0 % » –, mais avec possibilité pour le directeur financier de changer d'index, de réaménager le prêt comme il le souhaitait, sans passer par une délibération : tout était prévu dans le contrat dès le départ. Dans tous les cas, la politique commerciale des banques était claire : il s'agissait de remporter l'appel d'offres sur le financement et donc l'encours, si bien qu'elles étaient prêtes à casser les prix. Les commerciaux ont annoncé aux hôpitaux avoir « mieux » à leur proposer que du « Euribor trois mois sans marge », à savoir des produits structurés dont certains se sont révélés très toxiques. C'est ainsi que les choses sont arrivées.
Dans nos publications, dont nous venons de vous distribuer un exemplaire daté de 2006, vous constaterez que nous avons lancé des alertes à destination de nos clients, intitulées par exemple « Rejetez les propositions liées (multi-index + structuré) » ou encore « Les dangers des indexations conditionnées au change eurofranc suisse ». Nous nous sommes efforcés de sensibiliser nos clients, par des événements, des formations, des publications. Il n'en reste pas moins que nous avions en face de nous des banquiers pas mauvais qui trouvaient les arguments pour convaincre le directeur financier, par exemple, de ne pas prendre l'indexation fixe ou variable, que conseillait Finance active, mais plutôt de panacher avec du franc suisse… Pour avoir travaillé sur des financements hospitaliers, je me souviens que nous avions élaboré un mélange parfait entre le taux fixe et le taux variable, mais la banque est ensuite passée voir le directeur financier et ils ont tout modifié… C'est un des établissements aujourd'hui touché.