Vous auriez effectivement pu reprendre mon expression favorite, madame la présidente, et souligner que cette proposition de loi, dans son état initial, aurait pu devenir un couteau sans manche qui aurait perdu sa lame… Il s'agit donc, en examinant ce texte, d'éviter une telle situation.
L'objectif de cette proposition de loi est double : il s'agit non seulement, sur le fond, d'assurer l'entretien et le renouvellement du réseau des lignes téléphoniques fixes, afin de ne pas « couper le fil », mais aussi, quant à la forme, de ne pas couper le « fil citoyen ». C'est ce qui nous a conduits à adopter une démarche participative pour rédiger notre texte.
Nous sommes partis du constat que dans de nombreux départements, non seulement dans ma circonscription mais également en Lozère, dans le Cantal ou dans l'Aveyron, les populations étaient très mécontentes des problèmes de réseau auxquelles elles étaient confrontées, à tel point que des maires avaient interpellé leur député et qu'une pétition avait été lancée à l'initiative d'élus locaux, réunissant 2 500 signatures. Ce mécontentement grandissant et les interventions faites auprès d'Orange nous ont alors amenés à élaborer une proposition de loi en suivant une démarche citoyenne. Que le texte que nous avons déposé soit le fruit d'un travail collectif mené avec des citoyens et des élus dans le cadre de la démocratie participative peut expliquer son caractère perfectible, mais je n'en suis pas moins fier que sa rédaction ait associé plus de cent personnes !
Une fois la proposition de loi déposée sur le bureau de notre assemblée, j'en ai demandé l'inscription à l'ordre du jour de la séance d'initiative parlementaire de mon groupe le 7 mai prochain. Conscient cependant que le texte n'était pas parfait, j'ai souhaité recourir à la faculté, très peu utilisée, qui nous est offerte de soumettre au Conseil d'État les propositions de loi, en formant le voeu que sa réflexion puisse éventuellement déboucher sur la réécriture de certains articles du texte. Le président de l'Assemblée nationale ayant donné suite à ma demande, le Conseil d'État a procédé à une analyse complète de cette proposition de loi. Au terme de plusieurs réunions de travail, je tiens donc à remercier le rapporteur de la section des travaux publics du Conseil d'État, M. Frédéric Tiberghien, le président de ladite section, M. Philippe Martin, le vice-président du Conseil d'État, M. Jean-Marc Sauvé et l'ensemble des conseillers d'État qui ont travaillé sur ce texte. Les amendements que je vais vous présenter visent à prendre en compte leurs observations. J'espère ainsi que cette proposition de loi sera adoptée à l'unanimité, dans la mesure où elle concerne les citoyens des territoires ruraux.
La privation de ligne téléphonique, dans certains hameaux voire dans des communes entières, pendant des jours si ce n'est des semaines, entraîne des conséquences de plusieurs ordres. D'ordre économique tout d'abord, notamment pour les petites entreprises de travaux publics ou de l'hôtellerie-restauration. D'ordre social, ensuite, car les populations isolées, vieillissantes, ont d'autant plus besoin de leur ligne fixe que le réseau mobile y est défaillant et qu'elles sont quelquefois équipées d'un système de téléalarme. Elles se trouvent donc dans l'angoisse face à cette privation. Enfin, il y a là une nécessité politique, celle du symbole fort de l'égalité entre les citoyens sur tout le territoire national. Comment peut-on admettre que les habitants de territoires entiers voient leur besoin de raccordement au réseau téléphonique complètement méprisé ? Je le souligne avec gravité : la cassure existant dans le monde rural entre la classe politique et des populations qui se considèrent comme délaissées s'alimente en partie de ce type de situation.
Plusieurs réactions se sont fait entendre. Orange est d'autant moins restée les bras croisés qu'une enquête administrative a été ouverte par l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) le 27 mai 2014. L'entreprise a donc annoncé en novembre dernier le lancement d'un vaste plan d'amélioration de la qualité du service rendu – point qui nous a été rappelé par M. Stéphane Richard, son président-directeur général, lors de son audition par notre Commission la semaine dernière. Cependant, un blocage récurrent demeure. En 1996, en effet, l'entreprise France Télécom, depuis devenue Orange, s'est vu retirer, par le biais d'un amendement voté par notre assemblée, la servitude d'élagage qui lui permettait auparavant d'intervenir directement dans les propriétés privées pour assurer l'entretien des réseaux. Faute d'entretien, les fils et les poteaux de certaines lignes téléphoniques sont donc aujourd'hui à terre.
Si l'on suit l'analyse du Conseil d'État, la présente proposition de loi, qui comportait initialement neuf articles, va aujourd'hui être élaguée pour n'en plus compter que cinq. Je vous propose en effet, d'une part, de supprimer les articles du texte qui sont redondants avec le droit en vigueur, et, d'autre part, de réécrire intégralement les autres. Je précise que l'élaboration des amendements que je vous proposerai à cet effet a donné lieu aux auditions de représentants d'Orange, de l'ARCEP, de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR), de l'Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l'audiovisuel (AVICCA) et du Gouvernement.
Il vous est proposé de diviser la proposition de loi en deux chapitres, le premier traitant de l'entretien des abords des réseaux, le second de l'information et des sanctions applicables. Nous avons travaillé ce dernier chapitre en lien avec l'ARCEP, autorité concernée au premier chef par la question. Une fois amendé, le texte, plus équilibré, permettra qu'en maintenant le fil téléphonique dans nos territoires ruraux, on maintienne également le fil citoyen.