Nous débutons aujourd'hui l'examen en nouvelle lecture du projet de loi relatif à la transition énergétique et à la croissance verte par le titre Ier, qui fut l'objet de tant d'heures de discussion en notre Assemblée au mois d'octobre. Le débat s'était alors cristallisé sur la question de la place du nucléaire dans le mix électrique français. Nous avions confirmé la rédaction initiale du texte, à savoir un objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % en 2025. Le Sénat a fait le choix inverse : il a modifié certaines dispositions phares du projet de loi, notamment sur la question du nucléaire. Contrairement au titre V relatif aux énergies renouvelables, dont j'ai aussi la charge, cette nouvelle rédaction du titre Ier n'est pas le fruit du consensus que l'on aurait pu espérer pour ce projet de loi si structurant pour l'avenir énergétique de notre pays.
Premièrement, les sénateurs ont tenu à renforcer la place de la dimension économique dans les grands objectifs de politique énergétique, en saupoudrant les alinéas de l'article 1er de références à la préservation de la compétitivité : dans l'intitulé du titre, à l'alinéa 15 ou encore à l'alinéa 34. Ils ont également placé la compétitivité au premier rang des objectifs de politique énergétique énoncés à l'article L. 100-1 du code de l'énergie, ce qui présente un intérêt assez mineur, car l'ordre de présentation de ces objectifs ne traduit pas un ordre de priorité – comme nous n'avons cessé de le dire en première lecture.
Deuxièmement, ils ont introduit une hiérarchie entre les grands objectifs chiffrés de l'article L. 100-4 du code de l'énergie, en plaçant la réduction des émissions de gaz à effet de serre au 1er rang et en reléguant les autres enjeux – diversification du mix, sécurisation de l'approvisionnement, rénovation thermique, etc. – au rang de sous-objectifs.
Troisièmement, ils ont considérablement affaibli les termes de l'objectif de diminution de la consommation d'énergie finale. Alors que l'Assemblée nationale s'était prononcée de manière claire pour une réduction de 20 % en 2030 et de 50 % en 2050 par rapport à l'année de référence 2012, le Sénat a préféré les termes suivants : « porter le rythme annuel de baisse de l'intensité énergétique finale à 2,5 % d'ici à 2030, en poursuivant un objectif de réduction de la consommation énergétique finale de 50 % en 2050 ». L'objectif intermédiaire de moins 20 % en 2030 a purement et simplement disparu. Enfin, l'objectif emblématique de diminution de la part du nucléaire dans le mix électrique a été vidé de sa substance. Selon les termes du Sénat, la France devra désormais viser, « à terme, un objectif de réduction de cette part à 50 % », ce qui met fin à toute idée d'un échéancier. Le message envoyé par la Haute assemblée est clair : elle ne souhaite pas le rééquilibrage du mix électrique, préférant en rester à notre situation actuelle de dépendance à l'atome.
Certaines modifications opérées par le Sénat apparaissent toutefois très positives : l'affirmation de l'importance de la politique énergétique pour atteindre les objectifs du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques ; l'introduction d'une définition de la « croissance verte » et l'amélioration de celle des « territoires à énergie positive » (TEPOS) ; la modulation de l'objectif de réduction de la consommation des énergies fossiles en fonction du facteur d'émission de gaz à effet de serre de chacune de ces énergies – mieux vaut réduire en priorité le charbon et le fioul que le gaz ; la déclinaison de l'objectif d'augmentation de la part des renouvelables dans le mix énergétique à 32 % en 2030, les EnR devant représenter 40 % du mix électrique, 38 % de la consommation de chaleur, 15 % de la consommation de carburants et 10 % de la consommation de gaz ; l'introduction d'un objectif chiffré pour la chaleur et le froid renouvelables délivrés par des réseaux.
Les amendements que je soumets au vote de la Commission se déduisent de ces remarques. D'une part, il me semble nécessaire de conserver les améliorations notables apportées par le Sénat, dans un esprit de co-construction législative. D'autre part, en tant que garante de l'équilibre du texte adopté par l'Assemblée, je vous proposerai de revenir au texte que nous avions adopté en première lecture en supprimant la hiérarchisation des objectifs chiffrés énoncés à l'article L. 100-4 du code de l'énergie – la réduction des émissions de gaz à effet de serre n'est pas l'alpha et l'oméga de la politique énergétique française –, en réintroduisant un objectif intermédiaire de réduction de la consommation d'énergie finale de 20 % d'ici à 2030 et en rétablissant l'objectif de baisse de la part du nucléaire dans le mix électrique à 50 % d'ici à 2025.