Cette proposition de loi, disait madame la rapporteure, crée un droit et répond à un besoin. Mais comment en est-on arrivé à l'expression d'un tel besoin ? Le fait qu'il faille légiférer pour obliger les chefs d'entreprise à informer leurs salariés de leur intention de vendre leur affaire en dit long sur leur défiance envers leurs personnels.
La question de la pérennité des entreprises est essentielle. Or, plus on attend pour réaliser la cession, qui est l'acte de gestion le plus délicat, plus le risque de perte de substance est grand. Pour qu'une transmission soit réussie, elle doit, selon moi, comprendre celle du savoir, celle du pouvoir et celle de la propriété. Dans le cadre du droit de préemption, ces trois phases se trouvent rassemblées en une seule et unique opération, la préemption, ce qui créera inévitablement des difficultés.
Par ailleurs, le droit de préemption est, avez-vous dit madame la rapporteure, la suite du droit d'information. Or, il existe plusieurs exceptions à ce droit, qui n'est pas applicable en cas de succession, de liquidation du régime matrimonial ou de cession au conjoint, aux ascendants et aux descendants.
Ensuite, les chefs d'entreprise, lorsqu'ils font le choix d'un statut social, peuvent, par exemple, prévenir l'immixtion brutale de tiers dans le contrat de société en prévoyant que l'agrément des associés est toujours nécessaire. Je crains donc que les chefs d'entreprise n'anticipent la cession de leur entreprise en adaptant le statut de leur société de façon à ce que le droit de préemption ne puisse pas s'exercer.
Enfin, il est prévu, afin d'encourager la création de sociétés coopératives, que des salariés regroupés pourront reprendre l'entreprise. À cet égard, le délai de deux mois paraît toutefois très court pour permettre aux salariés de se mettre d'accord sur une proposition collective, de réunir les capitaux et de créer la société.
Pour ces différentes raisons, je crains que l'on ne parvienne pas à atteindre l'objectif assigné. Je ne suis pas opposé à cette proposition de loi, loin s'en faut, mais elle est à parfaire. C'est pourquoi j'envisage de m'abstenir, en souhaitant que nous puissions revenir plus précisément sur un certain nombre de points lors de l'examen du texte en séance publique.