Intervention de Françoise Dumas

Réunion du 14 avril 2015 à 17h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançoise Dumas :

Cette proposition de loi a un objectif somme toute assez simple : mettre l'enfant au coeur du sujet et s'assurer du respect de son intérêt supérieur, c'est-à-dire garantir sa protection et la prévention contre les maltraitances, les carences sociales, éducatives ou affectives qu'il peut subir.

Pendant longtemps, la protection de l'enfance a été pensée à travers le prisme du droit des familles, des parents, avec une trop grande prévalence du maintien du lien familial biologique, souvent chaotique et déstructurant pour les enfants. Nous avons su évoluer, prendre en compte la notion d'environnement affectif stable, continu, bâtir pour chaque enfant un parcours sécurisé, c'est-à-dire replacer son bien-être et son épanouissement au coeur de l'action publique, et ce dans la durée.

Depuis les lois de décentralisation, qui ont fait des départements les chefs de file de la politique en faveur de l'enfance, de la prévention et de la protection de l'enfance, les conseils départementaux doivent s'adapter aux évolutions sociales, familiales, médico-sociales, en lien avec les autres politiques publiques. Il est de notre devoir de les accompagner dans cette évolution.

Malgré un texte globalement reconnu de bonne qualité, il était néanmoins nécessaire d'aller plus loin, pour pallier la multiplicité des intervenants, le cloisonnement des services, les ruptures et les incohérences de prise en charge. Dans ce contexte, on peut, d'une certaine manière, parler de « maltraitances institutionnelles », auxquelles s'ajoutent des disparités territoriales, qui peuvent certes parfois s'expliquer, mais qu'il convient de limiter pour ne pas rompre le principe d'équité.

Sur la base de ce constat, et pour y répondre, la proposition de loi issue des travaux de nos collègues sénatrices Meunier et Dini se donne trois objectifs nouveaux : améliorer la gouvernance nationale et locale de la protection de l'enfant ; sécuriser le parcours de l'enfant protégé dans un environnement familial ; adapter le statut de l'enfant placé sur le long terme.

Outre les modalités d'une harmonisation territoriale, le texte contient un certain nombre de mesures de nature à faire évoluer notre droit, à commencer par l'article 1er qui proposait de créer un Conseil national de la protection de l'enfance. Je pense également notamment aux articles 5 et 6, qui précisent, respectivement, le contenu du projet pour l'enfant et la définition des actes usuels de l'autorité parentale, compte tenu de l'actuel flou juridique préjudiciable.

En plus d'un déficit de gouvernance nationale, on observe une faiblesse de la coopération au niveau local : la coordination des services départementaux est pour le moins perfectible. Par ailleurs, les mesures concrètes du quotidien que sont la prévention, le repérage, la prise en charge, c'est-à-dire le coeur du système, appellent des améliorations. Il nous faut aussi sécuriser davantage le parcours de l'enfant confié, par la reconnaissance de garanties et de droits nouveaux qui seront tout autant profitables à l'enfant qu'aux adultes qui l'entourent.

Deux objectifs majeurs de la proposition de loi initiale répondent au besoin de stabilisation du parcours de vie des enfants protégés : faciliter l'identification du délaissement de l'enfant protégé ; favoriser l'adoption simple des enfants confiés pour lesquels un retour dans leur famille est improbable, en évitant le parcours difficile, voire douloureux, qui passe par la déclaration judiciaire d'abandon, puis l'admission en qualité de pupille de l'État.

Grandir et s'épanouir dans une famille requièrent stabilité et sécurité. Conformément à cet impératif, l'esprit initial de la proposition de loi est donc un rééquilibrage du texte de 2007. Le succès de ce rééquilibrage passe par une conception résolument recentrée sur l'enfant. L'intérêt supérieur de l'enfant est une fin en soi, un devoir, qui peut appeler, selon les cas, une distance réfléchie vis-à-vis de la famille naturelle.

La proposition de loi a été adoptée à l'unanimité au Sénat ; nous pouvons nous en réjouir. Mais ce résultat ne doit pas nous faire oublier que le texte ainsi adopté a subi de nombreuses suppressions, notamment d'articles structurants. D'un texte « non révolutionnaire », de l'aveu même de Michelle Meunier, mais tout de même porteur de mesures nécessaires, il est devenu un texte qui doit être fortement amendé pour retrouver tout son sens.

C'est pourquoi le groupe SRC portera, madame la secrétaire d'État, de nombreux amendements de rétablissement. Je sais que vous ne manquerez pas de le faire vous-même.

Pouvez-vous nous détailler la façon dont vous appréhendez, en particulier, la question de la gouvernance nationale avec la création d'un conseil national de la protection de l'enfance, qui permettra une réelle impulsion nationale de pilotage et d'harmonisation ?

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