J'ai beaucoup apprécié l'anecdote sur Michel Rocard croyant au scrutin majoritaire comme il avait pu croire à l'autogestion yougoslave…
Il n'est pas interdit d'être inventif en matière de modes de scrutin. On peut répondre à l'objection de l'absence de majorité qu'impliquerait la proportionnelle en prenant l'exemple de deux scrutins très stables et très compréhensibles : les scrutins municipal et régional actuels, à savoir des scrutins proportionnels à deux tours avec prime majoritaire. J'ai été assez séduite par la proposition de Bastien François en la matière, mais on peut répondre à la question posée sur les alliances par la possibilité de fusion de listes entre les deux tours. La lisibilité du périmètre de la coalition est ainsi assurée, et la prime majoritaire permet la stabilité de l'assemblée considérée.
Marie-George Buffet a très bien dit à quel point le quinquennat et l'inversion du calendrier électoral font des députés les obligés de fait du Président de la République. Si on leur dit que, dans l'hypothèse où ils n'accorderaient pas dans leur majorité la confiance au Gouvernement, la conséquence en serait la dissolution de l'Assemblée, on rend explicite leur soumission totale aux décisions du Président de la République. Il serait plus logique de supprimer le vote de confiance : si les députés n'ont pas les moyens de refuser la confiance à un Gouvernement, autant ne pas procéder à ce vote. La question est moins, ici, celle du mode de scrutin que celle, je le répète, de la sujétion des députés au résultat de l'élection présidentielle.
J'en viens à un autre point touchant à l'exercice du mandat de député, point peu évoqué mais important compte tenu de l'instabilité politique, de la difficile perception de certains débats. Je vous invite à faire le tour des députés les plus anciens ; vous constaterez que tous donnent le même conseil à un jeune parlementaire : « Pendant ton premier mandat, ne fais que de la circonscription ; pose des questions orales sans débat concernant ta circo et envoie-les à ta presse locale ; et essaie de te mettre dans l'angle des caméras lors des questions au Gouvernement. Et c'est tout. » Voilà, ne donnons pas dans la langue de bois, ce qui est suggéré. En effet, le mode de scrutin actuel pousse à la fragilisation du travail parlementaire. En gros, un député qui consacrerait l'essentiel de son temps au travail législatif serait de fait électoralement fragilisé.
Enfin, l'objection selon laquelle les élus à la proportionnelle seraient des créatures du parti, des apparatchiks, est vaine, sans rapport avec la réalité. Il se trouve que j'ai été pendant longtemps responsable d'un parti et je vous assure que les désignations de candidats procèdent essentiellement, même pour les circonscriptions dans le cadre du scrutin uninominal, d'une logique de parti très forte : la détention de l'étiquette est essentielle. Ainsi, très marquant est ce qui s'est passé en 2007 après la création de l'UMP : des députés centristes, parfois élus depuis trois ou quatre mandats, se sont fait balayer dans la foulée de l'élection présidentielle par des apparatchiks inconnus, souvent parachutés, mais qui bénéficiaient de l'étiquette UMP.