Ne pensez-vous pas, madame Muhlmann, que les hommes politiques cherchent déjà à ne pas subir le règne des émotions promu par les médias en s'entourant d'un nombre de communicants de plus en plus élevé ?
Tous les conseils départementaux et les entreprises de taille moyenne emploient davantage de personnes dans leur service de communication que la rédaction d'un quotidien national ne compte de salariés. La politique ne se déploie pas dans la neutralisation des émotions, mais dans la conquête de temporalités dépassionnées, comme celles de la négociation, de la délibération et de la réflexion ne faisant pas appel aux sentiments.
La démocratie implique certes la présence de sentiments dans l'espace public, mais le séquençage des émotions ne fait-il pas perdre cette dimension sensible ? On nous présente des mises en scène censées nous émouvoir, mais cette instrumentalisation nous fige dans nos identités bien plus qu'elle ne nous transforme et nous met en mouvement.
On ne peut pas analyser le rôle des chaînes d'information en continu sans rappeler la franchise de ce dirigeant de chaîne de télévision, qui avait affirmé que les programmes visaient à vendre du « temps de cerveau disponible » pour la publicité. Les émotions ne seraient-elles pas suscitées pour manipuler les individus ? Je ne suis pas certain que la réduction du nombre d'élus – et de journalistes – soit la bonne réponse à l'emprise de la communication.
Face aux injonctions d'une certaine presse à la rapidité et à l'accélération, les hommes politiques devraient laisser le système médiatique s'épuiser, car, fort heureusement, de plus en plus de citoyens expriment le désir d'une décélération. Certaines chaînes de télévision continuent de dominer le système actuel, mais elles ont perdu toute autorité puisque les gens ne leur font plus confiance. La temporalité des médias échoue à formater totalement les individus ; laissons-la s'évanouir dans sa vacuité !