Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 10 avril 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCécile Duflot :

Les élus que vous jugez trop nombreux sont les moins professionnels, madame ! En effet, l'immense majorité des élus locaux, notamment les conseillers municipaux, sont très peu indemnisés et continuent de travailler au cours de leur mandat. La limitation du nombre d'élus augmentera donc leur taux de professionnalisation.

Il existe une volonté d'insérer l'action politique dans une scénarisation, incarnée par le storytelling, l'organisation des séquences et la mise en scène des annonces – à ce titre, vos références aux séries américaines étaient intéressantes. Ces pratiques ne constituent pas une bonne réponse à la crise démocratique, et nous payons actuellement cette erreur d'appréciation. En effet, la génération que j'appelle « culture pub » peut aimer un spot publicitaire sans jamais acheter le produit qu'il promeut ; de même, elle pourra reconnaître le talent de communication d'un homme politique sans adhérer à ses idées et à ses propos. La scénarisation de la communication se trouve de plus en plus décodée dans l'instant, ce qui alimente une lassitude envers l'ensemble du système. Face à cette impasse, il faut privilégier l'honnêteté. Des chercheurs et des communicants américains ont montré que la politique s'inscrivait dans un cycle long ; l'identité des personnes politiques, leur action et le paysage qu'elles composent dans la durée possèdent une grande importance – le cas de Hillary Clinton étant à ce titre exemplaire.

La question de la place des cabinets ministériels pose celle du rôle des politiques. Nous souffrons de la transformation du responsable politique en chair à médias, mais les élus comme les journalistes sont comptables de cette situation. Cette évolution mine la représentation de la constance de l'engagement politique, ce dernier devant être porté par des convictions plutôt que par un simple talent. On touche là au choix de la démocratie représentative comme système institutionnel.

S'agissant du temps, il me semble que l'accélération et le ralentissement coexistent tous deux, et les plus conspués des hommes politiques peuvent, quelque temps après, devenir les plus sages aux yeux de l'opinion publique. La présence dans l'actualité et à la une des journaux peut s'arrêter aussi vite qu'elle est venue. Il est essentiel de penser les deux dimensions temporelles pour mieux appréhender le rôle des médias ; celui-ci étant primordial en démocratie, on ne peut pas occulter l'identité de leurs propriétaires. Celle-ci influe sur l'objectif poursuivi par le média et sur les intérêts qu'il défend ; l'existence de lignes éditoriales n'est pas en cause, mais cette situation instille le doute sur la volonté de certains médias de jouer leur rôle de contre-pouvoir face aux puissances économiques et politiques, et ce même si les journalistes font preuve d'une grande éthique.

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