Intervention de Géraldine Muhlmann

Réunion du 10 avril 2015 à 9h00
Groupe de travail sur l'avenir des institutions

Géraldine Muhlmann :

Je reconnais, bien entendu, que les médias ne se comportent pas bien. Le zapping et le séquençage formatent, et créent de la violence. La vitesse, le temps court et la séquence écrasent de très nombreux problèmes, qui ne peuvent se faire une place dans l'information diffusée par les médias. Si je parlais devant des patrons de presse, je leur enjoindrais de se réformer. Les médias ne seront capables d'évoluer que s'ils subissent une pression en ce sens. Cette dernière viendra de la lassitude des gens qui ne supportent plus la violence de la vitesse. Les journalistes sont mal perçus, presque plus mal que vous, les élus ! Ces deux fonctions ne vont pas bien et évoluent dans un rapport de dépendance l'une envers l'autre.

Les enfants habitués à l'Internet ne peuvent plus voir une émission de télévision et d'ailleurs, ce n'est plus regardable ! On trouve des contenus bien plus passionnants sur l'Internet, qui peuvent habituer les spectateurs à l'intelligence et donc les conduire à en exiger à la télévision.

Les responsables politiques disposent de grandes marges de manoeuvre pour accroître la pression sur les médias. En comprenant le fonctionnement de ces derniers, les élus ne seront pas contraints d'attendre un hypothétique changement pour y imposer la prise en compte du temps long. Ils doivent utiliser les armes des médias pour nourrir à la fois les journalistes qui s'intéressent à l'événement et ceux qui souhaitent se pencher sur le long terme.

Les communicants apprennent aux gens à répondre à une interview de sept minutes à la radio en utilisant un langage très formaté. Les hommes politiques ne véhiculent ainsi aucune émotion et échouent à rendre la politique plus sensible. Le rapport personnel des élus avec les gens enraye le système régi par la communication, car il leur permet d'être entendus quand celle-ci les rend inaudibles.

Seule la déprofessionnalisation stimulera l'inventivité en politique, car elle permettra d'avoir des élus moins formatés. Vous pouvez attendre longtemps cette évolution si vous posez comme condition l'effondrement du système médiatique. Il convient de déployer une nouvelle scénarisation du temps long. Les temps court et long s'articulent, et, plutôt que d'en privilégier l'un par rapport à l'autre – je suis assez dubitative sur l'opportunité de créer une commission du temps long –, les responsables politiques devraient penser leur combinaison car le système médiatique est au fond un peu perdu.

L'homme politique doit utiliser une parole plus simple qui le rendra plus audible et doit, pour ce faire, articuler les dimensions temporelle et spatiale. Le temps politique est saturé par le trop grand nombre d'élections et d'élus qui multiplient les espaces. On ne peut pas demander aux citoyens de comprendre le fonctionnement simultané de l'ensemble de ces espaces. Madame Buffet, le PCF a accompli un travail considérable d'éducation politique, mais cette période est terminée. Aucun parti n'est en mesure de réaliser une tâche comparable aujourd'hui. On voit ce que donne cette absence dans les classes populaires, car d'autres formes de proximité ont remplacé le Parti communiste et son maillage social. La présence de permanents est certes nécessaire et peut permettre d'avoir des élus venant de milieux populaires, mais les responsables politiques présentent aujourd'hui une forte homogénéité sociale. Un seul parti tente aujourd'hui de récupérer cet héritage et de s'adresser directement aux gens, mais son succès est très inquiétant. Quelque chose est à bout de souffle, notamment dans les partis : ce constat est dur à entendre, mais il ne faut pas l'éluder.

La défiance à l'égard des responsables politiques condamne toute réforme institutionnelle qui conduirait à donner la primauté au Parlement. Il y a lieu de simplifier les rapports entre l'exécutif et le législatif, quitte à les durcir. La conflictualité institutionnelle est moins dangereuse que l'indifférence envers la politique dans un monde où tous semblent d'accord et où les vrais conflits paraissent ne plus exister.

Je suis assez désespérée par les médias, la politique et les institutions. Je ne suis pas certaine que la classe politique soutienne mes propositions ; dire qu'il faut mettre en oeuvre des changements radicaux peut énerver, mais l'heure est assez grave.

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