Intervention de Germinal Peiro

Réunion du 15 avril 2015 à 9h30
Commission spéciale pour l'examen du projet de loi relatif à la transition énergétique pour la croissance verte

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGerminal Peiro :

Je ne pensais pas que nous rouvririons ce débat ce matin, mais, puisque mes collègues le souhaitent, je vais y apporter ma contribution.

La servitude de marchepied s'applique uniquement en bordure du domaine public. Autrement dit, sur les centaines de milliers de kilomètres de rivières que compte notre pays, ne sont concernées que les rivières domaniales, c'est-à-dire dont le lit appartient à l'État. Il s'agit de nos plus grands cours d'eau : la Seine, la Garonne, le Rhône, la Loire, la Dordogne, la Sèvre, ainsi que le Gave de Pau sur certaines portions très délimitées, qui prennent fin dès que l'on va vers l'amont et vers le chevelu.

Cette servitude était initialement réservée à ceux que l'on appelle les usagers de la rivière au sens de la navigation. Elle a d'ailleurs souvent remplacé une servitude dite de halage, qui a duré pendant des siècles. Il s'agissait de permettre aux agents de l'administration ainsi qu'aux usagers de la rivière de cheminer le long du cours d'eau. Dans les années soixante, la servitude a été étendue aux pêcheurs, toujours au bord du domaine public. En 2006, alors que M. Dominique Bussereau, à qui je tiens à rendre hommage, était ministre de l'agriculture, le Parlement a voté son extension aux piétons.

Dans l'intervalle, aucun problème particulier ne s'est posé, sinon dans quelques cas, dont celui de l'Erdre, cité par M. Aubert et que je connais bien. Depuis plusieurs années, les associations de randonneurs, favorables à la servitude car ils veulent pouvoir marcher quelque part, s'y heurtent à des propriétaires privés qui ont privatisé le bord du domaine public, ce qu'ils n'ont pas le droit de faire puisqu'ils sont tenus de respecter une distance de 3,25 mètres : ils ont construit des murs jusqu'à ras de la rivière, des pontons, des ports, des entrées dans leurs terres. Ce sont eux qui, depuis dix ans, bataillent pour faire annuler l'extension aux piétons de la servitude de marchepied.

Il est totalement faux de dire que la version du Sénat est consensuelle. Toutes les fédérations de randonneurs s'y opposent, car elle remet entièrement en cause ce que nous avons voté en 2006. Lisez plutôt : « Les piétons, les publics non motorisés et les véhicules d'entretien et de services peuvent user de l'emprise de la servitude de marchepied lorsque celle-ci figure sur des itinéraires inscrits au plan défini à l'article L. 361-1 du code de l'environnement. » Autrement dit, on ne peut utiliser cette servitude que si elle figure dans un plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée (PDIPR), de compétence départementale depuis 1983. Cela signifie la fin de la servitude de marchepied. Voilà ce qu'a voté le Sénat ; si, comme vous le dites, cela fait consensus, c'est que les gens ne l'ont pas lu ! En réalité, le Sénat s'est conformé au souhait des propriétaires qui veulent que personne ne passe au fond de leur propriété. La réalité, la voilà !

Si je suis par ailleurs sensible aux arguments avancés par Mme Geneviève Gaillard concernant la biodiversité, je refuse que l'on fasse passer tous les randonneurs pour Attila et ses troupes. Certains défendent une vision de l'environnement qui interdit d'aller ramasser un champignon dans la forêt sous peine de porter atteinte à la biodiversité : ils sanctuarisent la nature au point d'en interdire l'accès aux hommes. Si on les avait suivis, aurait-on créé des pistes de ski de fond, des stations de ski, ou permis aux kayaks de naviguer sur les rivières ?

Pourquoi ai-je redéposé cet amendement dans le cadre du projet de loi relatif à la transition énergétique ? Je vous renvoie au libellé du titre III : « Développer les transports propres pour améliorer la qualité de l'air et protéger la santé ». Nous avons adopté des mesures destinées à favoriser les déplacements à vélo, et nous dirions maintenant qu'il ne faut surtout pas randonner au bord du domaine public ? C'est tout de même un peu fort de café ! La cohérence exige que nous nous inscrivions dans le droit-fil de ce qu'ont fait des gouvernements de droite, avec Dominique Bussereau puis Bruno Le Maire. Depuis 2006, il n'y a eu de problèmes que sur les rives de l'Erdre, une rivière qui se jette dans la Loire au niveau de l'agglomération de Nantes, parce que la bourgeoisie nantaise, à laquelle appartiennent les villas qui la bordent, ne veut pas que les randonneurs passent devant chez elle !

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