Intervention de Odile Saugues

Réunion du 31 mars 2015 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOdile Saugues, vice-présidente :

onsieur le président, monsieur le rapporteur, vous nous avez chacun livré votre sentiment. Je souhaitais poser une question à notre rapporteur. Vous avez parlé de la croissance démographique galopante et incontrôlée ainsi que de l'islamisation préoccupante des sociétés et de la progression de l'islamisme wahhabite. Est-ce que vous liez les deux phénomènes ?

Jean-Paul Dupré. Il convient de noter que cette région, qui s'étend de la Mauritanie au Tchad, représente une fois et demie, voire deux fois, la superficie de l'Europe. Elle est peuplée de centaines de millions d'habitants. Pour m'être rendu à plusieurs reprises dans certains pays de la région, je constate qu'il y a une forte attente d'aide financière ou budgétaire de la part de l'Europe ou de la communauté internationale. L'aide est considérée comme insuffisante. A l'inverse, nous observons aujourd'hui une arrivée massive de capitaux d'Arabie Saoudite et du Qatar : ils construisent des mosquées et facilitent l'islamisation des sociétés. Certes, les situations sont différentes d'un pays à l'autre.

Pour ce qui est du Burkina Faso, il n'y a pas eu d'affrontements ethniques depuis bien longtemps. Quelle est la situation de ce pays depuis le départ de Blaise Compaoré ? Quelles sont les perspectives des expatriés, assez nombreux au Burkina Faso, et notamment présents dans les activités qui relèvent du commerce et des PME ?

Enfin, l'aide financière de la France et de l'Europe, si modeste soit-elle, est-elle fléchée et sommes-nous en mesure de nous assurer de la bonne utilisation de ces fonds ?

François Rochebloine. Je tiens à remercier le président et le rapporteur de leur intervention. J'ai noté l'inquiétude de notre président au sujet de la situation dans la région. Il semblerait que les accords d'Alger ont peu de chances d'aboutir, ce qui compromettrait la réconciliation du pays. Je souhaiterais avoir des explications plus précises sur ce sujet et sur la mise en application de l'accord plus exactement.

Avec Philippe Baumel, nous nous sommes rendus il y a un an au Cameroun où nous avions rencontré le Président de la République, M. Paul Biya, qui était inquiet au sujet de Boko Haram. Quelle est la situation au Cameroun aujourd'hui ? Le pays est-il menacé ?

Je connais une congrégation nigérienne, celle des soeurs de Gethsémani, dont les églises ont été complètement détruites, avec beaucoup de violence. Je sais bien que l'on ne peut pas être les gendarmes du monde. Nous sommes tout seuls mais combien de temps cela peut-il durer ? Cela n'est pas possible, ne serait-ce que pour des raisons financières.

Il y a vingt ans, la présence française était appréciée. Qu'en est-il aujourd'hui et qu'en sera-t-il demain ?

Noël Mamère. Je me retrouve pleinement dans ce que vient de nous expliquer le président de cette mission, Pierre Lellouche. Cela rejoint ce que je disais de manière très minoritaire au moment où le Président de la République a décidé d'envoyer des troupes au Mali. J'avais alerté dès cette époque sur les risques d'enlisement et j'avais parlé de cavalerie, même si le terme ne convient pas parfaitement à la situation.

Nous sommes intervenus au Mali sans véritablement mettre un terme au terrorisme. Comment avons-nous pu imaginer que nous pourrions mettre fin à l'irrédentisme touareg ? En Mauritanie, Nous avons le même problème entre les musulmans et les anciens esclaves. Par la suite, nous sommes allés en Centrafrique. Nous sommes devenus les obligés du régime tchadien, régime qui a été soutenu par l'ancien président de la République et l'ancienne majorité au moment où il avait besoin de l'aide de l'armée française pour se maintenir au pouvoir. On ne peut pas dire que M. Idriss Déby soit un grand démocrate et son armée est connue pour sa violence et sa brutalité qui sont extrêmes en Afrique. Comme l'a très bien expliqué Pierre Lellouche, nous sommes également les obligés du régime algérien, du régime des généraux, qui abrite depuis très longtemps des terroristes qui sont pour beaucoup d'origine algérienne et qui ont contribué à déstabiliser la région saharienne. Désormais, voilà que nous voudrions nous transporter au Nord du Nigeria où sévit Boko Haram. Effectivement, lorsque l'on connaît cette région du monde et le cas singulier du Nigeria, on est en droit de se dire que l'on n'a rien à faire dans ce pays. M. Paul Biya, qui, je crois, ne passe que la moitié de l'année dans son pays, ne fait pas partie des présidents africains qui soient respectables. Je pense que nous n'arrivons pas à nous défaire d'un comportement que je qualifierais de néocolonial.

Nous avons par le passé établi des frontières qui ne correspondaient pas du tout aux contours des ethnies et aux systèmes politiques qui préexistaient. Cela s'avère destructeur. Je suis accablé de voir, en tant que membre de la majorité, que c'est un gouvernement socialiste qui devient aujourd'hui le gouvernement le plus interventionniste en Afrique. Celui qui s'imagine que, par l'intervention militaire, nous allons non seulement sauver les peuples mais également des régimes peu recommandables et que nous allons arrêter le terrorisme se trompe. Nous ne faisons que nourrir encore un peu plus le terrorisme.

Philippe Baumel. On doit abandonner les populations au terrorisme ?

Noël Mamère. Il ne s'agit pas de les abandonner au terrorisme. Je vous rappelle que nous avons l'Agence Française de développement (AFD). Parmi les dix pays lus plus pauvres du monde, certains ne figurent même pas dans les objectifs de l'AFD. Remettons en cause ce qu'a été et ce qu'est notre politique d'aide au développement. Regardons les conséquences des politiques d'ajustement structurel du Fonds monétaire internationale (FMI) et de la Banque mondiale. Par la suite, nous verrons comment apporter une aide à ces peuples et non pas un soutien à des régimes qui profitent de ces peuples.

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