Intervention de Michel Vauzelle

Réunion du 31 mars 2015 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Vauzelle :

Le président de la mission d'information a prononcé sur l'Islam, la fécondité et les enfants camerounais des phrases que je ne comprends pas.

Peut-être que nous n'aurions pas dû intervenir en Libye – je dis « nous » car nous devons assumer la politique de la France au-delà de la couleur politique de ceux qui la décident à un moment donné. Mais à cause de cette erreur, qui était même une faute, fallait-il laisser tomber Bamako en deux ou trois jours ? Fallait-il abandonner un pays qui fait partie de nos amis, des amis qui sont très utiles pour notre politique d'influence et pour le développement de la francophonie ?

Il faut aussi éviter les propos simplistes sur les risques d'enlisement. Nous savons que les opérations coup de poing ne servent à rien. Le lendemain, tout est à nouveau comme avant. Il faut donc agir dans la durée. Le risque est que la crainte de l'enlisement fasse de la France une sorte de Suisse non interventionniste. Faut-il se retirer de l'Afrique et attendre de voir ce qui se passera ensuite chez nous ? Mais nous l'avons déjà vu à Paris il n'y a pas longtemps.

Le président de la mission a beaucoup critiqué la politique française, mais sans donner aucune solution. Il est trop facile de dire simplement que l'on risque l'enlisement. Fallait-il laisser prendre Bamako ? Chacun d'entre nous a son idée de la France et de son avenir et c'est la question que nous devons nous poser. Je voudrais enfin remercier le rapporteur, François Loncle, pour son travail.

Guy-Michel Chauveau. Pour ma part, je considère que les accords d'Alger ont été signés dans un esprit de réconciliation nationale. Il faut maintenant veiller à ce que le Mali dispose des outils de son développement. On peut voir le verre à moitié vide ou à moitié plein, c'est une question de point de vue.

Je ne peux accepter la remise en cause par notre collègue de l'intervention française de 2013. On peut certes se poser des questions sur l'efficacité de l'action de la MINUSMA, ou encore sur sa réactivité, mais c'est un autre sujet.

Je profite de cette occasion pour souligner que la Stratégie européenne de sécurité de 2003 est en cours de révision. Il faut veiller à ce que l'Afrique ne soit pas négligée. Il faut aider les pays européens à assurer la paix, la stabilité et l'état de droit sur ce continent. Il faut aussi rendre hommage aux acteurs de terrains, à toutes les ONG, associations de femmes, municipalités, qui avancent au niveau local. Ces avancées ne peuvent pas être passées par pertes et profits.

Ma dernière question porte sur la conférence des donateurs organisée à Bamako : que sont devenus les trois milliards qui avaient été annoncés ?

Kader Arif. A titre liminaire, il me semble qu'il faut éviter les caricatures sur l'Islam. Comme l'a rappelé Pouria Amirshahi, c'est principalement en raison du fort taux de pauvreté que le taux de natalité est élevé dans certains pays d'Afrique, et non en raison de la confession des populations concernées.

Ne fallait-il pas intervenir, alors que l'image de la France était en jeu, ne faut-il pas répondre à cette demande de France, en raison des valeurs qu'elle porte historiquement et de son savoir-faire militaire, dans un monde de plus en plus déstabilisé ? J'estime pour ma part que la France devait intervenir et rester sur le continent africain, ce qui n'est évidemment pas incompatible avec la recherche d'une nouvelle politique de développement.

La France est trop seule à l'échelle européenne. Comment sa parole pourrait-elle être relayée ? Par ailleurs, comment rééquilibrer nos partenariats économiques et commerciaux avec les pays d'Afrique, nous savons en effet que ces accords ont longtemps joué en leur défaveur.

En tout état de cause, le sujet mérite mieux que des caricatures.

François Loncle. Nous avons essayé l'un et l'autre de faire part de nos impressions, de nos informations mais également de nos divergences. S'agissant de l'Afrique, certains ont une attitude optimiste et d'autres sont pessimistes, différence qui n'est pas liée à l'appartenance à la majorité ou à l'opposition. Pour la qualité du débat démocratique, je ne cesserai de demander à Pierre Lellouche de me présenter les alternatives à la politique française actuelle dans la région.

Nous savons que la région dispose d'atouts formidables mais qu'elle est également frappée par des malheurs terribles. Néanmoins, au bout du compte, il est impossible de baisser les bras, surtout lorsqu'il s'agit de poser les bases d'une nouvelle relation entre l'Afrique et la France, relation qu'évoquait à juste titre Kader Arif.

Il a été largement question de démographie et l'intervention de Michel Vauzelle a pu éclaircir, madame la présidente, vos interrogations à ce sujet. La démographie est déterminée par de multiples phénomènes. Lorsque j'évoquais la question il y a plusieurs années avec des chefs d'Etat, ceux-ci m'affirmaient que le phénomène était d'ordre culturel et non pas religieux. Mais, il est certain que le radicalisme religieux peut jouer un rôle. Ce qui a fait mon désaccord avec Pierre, dont je respecte les positions, est son absence de nuances. Les questions que nous avons abordées méritent beaucoup de pointillisme surtout lorsqu'il s'agit de crises sécuritaires et militaires.

Michel Vauzelle a également mentionné les conséquences de l'opération libyenne sur la région. Il existe une grande différence entre l'opération libyenne et l'opération malienne. L'opération libyenne, déclenchée après le vote d'une résolution, a été approuvée par une grande partie de l'hémicycle, par la gauche et par la droite. Personnellement, je ne l'ai pas soutenue, nous étions huit dans mon groupe à ne pas le faire. Mais, ce qui a choqué par la suite, et notamment les Africains, c'est la transgression de cette résolution 1973 des Nations Unies. Elle nous donnait la mission de libérer Benghazi et non pas de « libérer » ce pays jusqu'à tuer son chef d'Etat que personne ne respectait par ailleurs. C'est cette transgression qui a entraîné l'énorme colère des Russes et des Chinois qui avaient voté cette résolution. Cela a eu des conséquences sur les résolutions suivantes.

Néanmoins, concernant l'intervention au Mali, je demande à Noël Mamère de nous décrire ce qu'aurait été la situation du Mali et de l'Ouest africain si nous n'étions pas intervenus avec une grande efficacité et une grande rapidité. Nous aurions vu des républiques islamiques se constituer au Mali, au Niger et au Burkina Faso. Il ne faut jamais oublier cela. Il est inexact de parler d'enlisement. Il n'y a pas d'enlisement. Je rappelle mes conclusions : la France doit être attentive, prudente par rapport à toute demande d'accroissement de son engagement. Il ne s'agit pas de tout accepter. La deuxième conclusion, vous l'avez tous dit, est qu'il faut impérativement associer les Européens à ce chantier. Il faut cesser de considérer que la France doit le faire seul. L'hypocrisie européenne est terrible. Je souhaite que la Haute Représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Federica Mogherini, vienne devant cette commission, ce que Madame Ashton avait toujours refusé de faire.

François Rochebloine a évoqué les accords d'Alger tout comme Guy-Michel Chauveau. Il y a un contenu dans ces accords et il a été difficile pour le pouvoir de Bamako de les signer. Il faut leur adjoindre une déclaration interprétative et en assurer une application stricte sous contrôle international afin de mettre en oeuvre le développement économique des régions du Nord. Si, par blocage, calcul ou terreur, certains groupes ne veulent pas signer, il faudra se lancer dans l'application de ces accords avec ceux qui ont signé.

L'efficacité de l'aide est une question importante. Les systèmes de santé et systèmes éducatifs de ces trois pays sont catastrophiques malgré l'aide multilatérale, l'aide de la coopération décentralisée et l'aide de l'AFD et alors que toutes les institutions considèrent ces secteurs comme étant important. Comment se fait-il que l'aide soit si peu efficace ? Pourquoi n'y a-t-il pas plus d'écoles ou d'hôpitaux ? S'agissant des 3,2 milliards promis lors de la Conférence des donateurs de 2013, il faut noter que l'aide de première nécessité, qu'elle soit humanitaire, alimentaire ou sécuritaire en a absorbé une grande partie.

Enfin, comment imaginer que la Grande-Bretagne, qui était la puissance colonisatrice du Nigéria, et aujourd'hui troisième grande puissance d'Europe, soit complètement absente sur le dossier Boko Haram ? Il faut dire notre incompréhension lorsque nous rencontrerons des responsables britanniques.

Odile Saugues. Merci monsieur le rapporteur. Je voudrais simplement préciser que Madame Mogherini a déjà été invitée par Madame la présidente Elisabeth Guigou.

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