Intervention de François Rochebloine

Réunion du 31 mars 2015 à 17h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois Rochebloine, rapporteur :

L'Union européenne connaît de l'outre-mer selon deux statuts.

Le premier est celui de région ultrapériphérique ou RUP. Les RUP font partie intégrante de l'Union européenne et sont assujetties au droit de l'Union européenne au même titre que les autres régions européennes.

Elles bénéficient d'un statut particulier prévu par l'article 349 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. Celui-ci leur ouvre la possibilité d'un traitement différencié dans l'application du droit européen, de manière à prendre en compte leurs caractéristiques et contraintes particulières résultant notamment de leur éloignement, leur insularité, leur climat, leur faible superficie et leur dépendance économique vis-à-vis d'un nombre limité de produits.

Le second statut est celui de pays et territoire d'outre-mer (PTOM). Les PTOM ne font pas partie du territoire de l'Union européenne, mais bénéficient d'un régime d'association.

Ce régime est fixé par la quatrième partie du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et par les décisions d'association du Conseil.

Son but est d'assurer « la promotion du développement économique et social des pays et territoires, et l'établissement de relations économiques étroites entre eux et l'Union dans son ensemble ».

Contrairement aux RUP, les PTOM ne font donc pas partie de l'Union européenne et son droit ne leur est, par conséquent, pas applicable.

Pour l'essentiel, l'Union fournit un soutien financier à la stratégie de développement des PTOM dans le cadre du Fonds européen de développement. Les PTOM peuvent également participer à certains programmes horizontaux de l'Union.

Le Traité de Lisbonne, en vigueur depuis le 1er décembre 2009, a inséré dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, au 6 de l'article 355, une clause dite « clause passerelle » facilitant l'évolution institutionnelle des régions et territoires européens ultrapériphériques.

Le Conseil européen peut ainsi, sur initiative de l'Etat membre concerné, adopter une décision modifiant le statut d'un pays ou territoire, RUP ou PTOM, en statuant à l'unanimité, après consultation de la Commission, sans modification du Traité.

Deux des territoires français ultramarins ont ainsi engagé un tel processus d'évolution institutionnelle.

A la demande des autorités françaises, le Conseil européen a décidé, le 27 octobre 2010, d'octroyer le statut de PTOM à Saint-Barthélemy à compter du 1er janvier 2012. De même, à la suite de la saisine, par la France, du Conseil européen, le 26 octobre 2011, Mayotte, auparavant PTOM, est devenue RUP à compter du 1er janvier 2014.

Le passage du statut de RUP à celui de PTOM de la collectivité territoriale de Saint-Barthélemy entraîne ipso facto la fin de l'application du droit européen.

Je rappellerai que l'île, dont la superficie est de 21 kilomètres carrés, avec en outre 4 kilomètres carrés répartis dans ses îlets, a une population de l'ordre de 9.000 habitants, et un PIB par tête élevé de 35.700 euros par habitant en 2010. Son économie est essentiellement orientée vers le tourisme très haut de gamme, notamment nord-américain, et le BTP. Elle a une fiscalité spécifique, orientée vers l'impôt indirect, avec notamment un droit de quai de 5% sur les tous les produits. Cela lui assure néanmoins une très forte autonomie, car elle se finance à 88% par ses propres impôts.

En contrepartie de son accord au changement de statut de Saint-Barthélemy, le Conseil européen a souhaité que les intérêts de l'Union soient préservés à l'occasion de cette évolution.

Par conséquent, la France s'est engagée à conclure les accords nécessaires.

Le premier accord vise à préserver l'euro comme monnaie unique et à garantir le maintien du droit de l'Union dans les domaines essentiels au fonctionnement de l'Union économique et monétaire. Il a déjà été ratifié.

Le second, dont il est maintenant demandé à l'Assemblée d'autoriser la ratification, a pour objectif d'assurer le maintien de la coopération administrative en matière fiscale, et plus précisément de l'application de la directive « épargne » et de celle de 1977 auparavant, et 2012 maintenant, sur la coopération administrative entre Etats membres dans le domaine de la fiscalité.

Sur le fond, sa ratification est indispensable pour éviter que l'île ne puisse injustement faire l'objet d'une quelconque qualification de « paradis fiscal », ce qui ne manquerait pas de risquer d'entamer, de manière totalement infondée, la réputation de la France, à la pointe de la lutte contre ce phénomène depuis le sommet de l'Arche, lequel a lancé, en 1990, les premières mesures de lutte contre le blanchiment de capitaux.

Un tel accord est indispensable car depuis que Saint-Barthélemy a été détachée de la Guadeloupe et est devenue une collectivité d'outre-mer, elle dispose de la compétence fiscale.

Mais ce n'est pas un accord entre Saint-Barthélemy et l'Union européenne ou ses Etats membres, car la loi organique de 2007, qui a fixé le statut et les compétences de la collectivité d'outre-mer, ne lui a pas conféré la compétence en matière de coopération fiscale internationale.

Par conséquent, c'est l'Etat et, en pratique, la direction générale des finances publique qui va exercer la compétence, et l'accord garantit donc que ni la France ni Saint-Barthélemy ne prendront de mesures contrariant la coopération fiscale.

Sur le reste de ces dispositions, cet accord à durée indéterminée est très classique, à une exception près : son article 2 indique que l'accord couvre non seulement les textes actuels des deux directives européennes, mais aussi leurs modifications et amendements à venir.

En, et c'est ma dernière remarque, l'accord dont la ratification est proposé par le Gouvernement est complété au niveau national par un accord de coopération fiscale entre l'Etat et la collectivité de Saint-Barthélemy.

Dans cette perspective, nous pouvons sans difficulté ni réserve donner notre autorisation pour approuver cet accord.

Suivant l'avis du rapporteur, la commission adopte sans modification le projet de loi (n° 2550).

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