Intervention de Joaquim Pueyo

Réunion du 1er avril 2015 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJoaquim Pueyo, co-rapporteur :

La Conférence interparlementaire semestrielle pour la Politique étrangère et de sécurité commune et la Politique de sécurité et de défense commune (CIP PESCPSDC) s'est tenue à Riga du 4 au 6 mars 2015. Outre vos rapporteurs, l'Assemblée nationale y était représentée par Guy-Michel Chauveau, au titre de la commission des Affaires étrangères.

La Conférence est intervenue dans un contexte géopolitique de crise aigüe aux frontières orientales et méridionales de l'Union européenne. L'ancien ministre suédois des affaires étrangères Carl Bildt a illustré cette situation en déplorant que l'Union européenne soit aujourd'hui entourée d'un « cercle de feu », alors que sa politique de voisinage est destinée à constituer un « cercle d'amitié ».

Il importe tout d'abord de souligner que l'organisation de cette CIP a été admirable, de la part d'un petit pays peuplé de seulement 2 millions d'habitants et État membre récent, qui exerce pour la première fois la présidence de l'Union européenne.

Sur le fond, l'ordre du jour s'est révélé parfaitement équilibré, d'une part entre questions diplomatiques et questions militaires, mais surtout entre polarité Est et polarité Sud du voisinage européen : dépassant son tropisme oriental, la Saeima a judicieusement réparti les sessions plénières et ateliers thématiques entre les enjeux divers, accordant une large place aux problématiques méditerranéennes.

Dans cette période marquée par tant de sujets internationaux préoccupants, cela traduit une cohésion encourageante entre les Vingt-huit, unanimement convaincus que leur intérêt commun dépasse et englobe leur intérêt particulier. Comme l'a indiqué la haute-représentant Federica Mogherini, la réussite de la politique étrangère européenne dépend en effet de la volonté de tous les États membres d'avoir « une vision européenne pour analyser les crises ».

Nous avons pris le parti, aujourd'hui, de ne pas rapporter dans le détail les débats concernant la situation en Ukraine. Ce sujet constitua évidemment le fil rouge de tous les échanges à Riga mais la Présidente Danielle Auroi l'a déjà traité dans sa communication spécifique de la semaine dernière, en analysant en profondeur les évolutions enregistrées depuis la signature de l'accord de Minsk 2.

La problématique de la Politique européenne de voisinage (PEV) a fait l'objet de la première session plénière et était au coeur de deux des quatre ateliers finaux, ceux consacrés à la préparation du sommet du Partenariat oriental de mai prochain et à l'instabilité au Sud de la Méditerranée et au Proche-Orient.

La PEV a été mise en place en 2004 dans le but de promouvoir la prospérité, la stabilité et la sécurité dans les pays limitrophes de l'Union européenne. Elle se décompose en deux volets géographiques : l'Union pour la Méditerranée, qui couvre dix pays du Maghreb, du Machrek et du Proche-Orient ; le Partenariat oriental, qui concerne six anciennes Républiques soviétiques, trois en Europe orientale, trois dans le Caucase Sud.

Elle implique un renforcement des relations bilatérales avec ces pays, en s'appuyant sur un engagement mutuel en faveur de valeurs communes : démocratie, droits de l'homme, État de droit, bonne gouvernance, économie de marché et développement durable. Elle ne se limite pas à la mise en place d'accords de coopération ou de commerce ; elle permet également une association politique, une intensification de l'intégration économique, une amélioration de la mobilité et un renforcement des contacts entre les peuples.

Doté d'un budget de 15,4 milliards d'euros pour la période 2014-2020, le nouvel Instrument européen de voisinage fournit l'essentiel du financement. Ceux qui souhaitent renforcer leurs relations avec l'Union européenne concluent à cet effet des plans d'action bilatéraux communs, qui prévoient un programme de réformes politiques et économiques pour une période de trois à cinq ans.

Eu égard aux bouleversements qu'ont connus les pays du voisinage, tant au Sud qu'à l'Est, depuis 2011, année du dernier réexamen de la PEV, il est devenu essentiel de procéder à une révision approfondie des principes sur lesquels elle repose, ainsi que de sa portée et de ses instruments.

Federica Mogherini et le commissaire Johannes Hahn doivent présenter, à l'automne 2015, une réforme du dispositif, actuellement préparée par un groupe de travail ad hoc. Une consultation publique vient d'être lancée à ce sujet ; notre commission, pour y répondre, m'a chargé, avec notre collègue Marie-Louise Fort, de préparer un rapport d'information, assorti d'une proposition de résolution européenne, en vue d'un examen ultérieur par la commission des Affaires étrangères.

Quatre orientations prioritaires ressortent des contributions au débat déjà rédigées par trois groupes d'États membres : la différenciation des formules de coopération ; la clarification des domaines partenariaux ; la flexibilité des instruments de soutien et de financement ; l'appropriation de la démarche par les pouvoirs publics et les sociétés civiles des pays bénéficiaires.

Voisinage et élargissement sont deux politiques différentes, qui ont parfois tendance à être mélangées, d'abord par esprit d'escalier administratif, parce qu'elles sont placées sous la responsabilité du même commissaire européen, mais aussi parce que, par le passé, la confusion a été entretenue politiquement. Cela pose surtout problème aujourd'hui pour le Partenariat oriental. La crise géorgienne de 2008 et plus encore le conflit ukrainien actuel invitent l'Union européenne à cesser d'agiter ce chiffon rouge à la face de la Russie. Il faut verbaliser le fait qu'un partenariat approfondi avec l'Union européenne n'équivaut pas à un passeport pour l'adhésion.

Le Président Juncker a d'ailleurs déclaré à plusieurs reprises qu'aucun nouvel élargissement n'interviendrait dans les cinq prochaines années. Parallèlement à la révision de la PEV, des actions s'imposent par conséquent pour maintenir la dynamique d'intégration de l'acquis communautaire enclenchée dans les pays des Balkans occidentaux officiellement candidats. L'enjeu est d'éviter de provoquer un rejet de l'Union européenne de la part des élites politiques et des opinions publiques locales, lassées par des négociations d'adhésion sans perspectives à court terme.

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