Intervention de Isabelle Bruneau

Réunion du 1er avril 2015 à 16h30
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIsabelle Bruneau, rapporteure :

Je voudrais préciser que les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) échappent à l'imposition et payent vingt-deux fois moins d'impôt qu'elle ne le devraient.

Les grands groupes du numérique échappent à l'imposition, ce qui représenterait en moyenne le PIB hollandais. Elles payent vingt-deux fois moins qu'elles le devraient. Pour la France, le manque à gagner annuel a été évalué à 800 millions d'euros.

À la suite des États-Unis et de l'OCDE, l'Union européenne s'est lancée – enfin – dans la lutte contre l'optimisation et l'évasion fiscales. La Commission Juncker en a fait l'une de ses priorités politiques et nous nous en félicitons.

Pointés du doigt dans un rapport de l'OCDE publié le 12 février 2013, le Luxembourg, les Pays-Bas et l'Irlande, où se sont rendus vos rapporteurs, sont au centre de circuits organisés d'optimisation et d'évasion fiscale.

L'intérêt nouvellement porté par la Commission européenne à la question des rescrits fiscaux est fondamental : depuis 2013, la Commission s'interroge sur la compatibilité entre les décisions fiscales anticipées – ou rescrits – et les règles en matière d'aides d'État. Les rescrits ne posent pas problème en tant que tels, puisqu'ils ont pour but de garantir la sécurité juridique des entreprises. Toutefois, ils peuvent fausser la concurrence lorsqu'ils sont utilisés pour octroyer des avantages fiscaux sélectifs à une entreprise par rapport à ses concurrents. Les revenus économisés peuvent par exemple être investis dans la recherche et l'innovation.

De surcroit, les rescrits fiscaux qui conduisent à un faible niveau d'imposition dans un État membre peuvent inciter les entreprises à transférer artificiellement leurs bénéfices dans cet État membre. Cette pratique non seulement érode l'assiette fiscale des autres États membres, mais encourage l'optimisation fiscale agressive et l'évasion fiscale.

Les transactions reposent également souvent sur une manipulation des prix de transfert entre les sociétés-mères et leurs filiales, la surfacturation de certaines prestations au-dessus du prix de marché permettant de redistribuer les bénéfices vers des États où ils ne seront pas ou peu imposés. C'est l'exemple du « sandwich hollandais » où en utilisant les mécanismes destinés à éviter le doubles impositions des sociétés arrivent à éviter toute imposition.

Nous nous réjouissons des initiatives prises par la Commission européenne. En réaction aux pratiques fiscales agressives, elle a, depuis juin 2014, ouvert des enquêtes en vertu des règles en matière d'aides d'État. Son objectif est de déterminer si les avantages fiscaux sélectifs engendrent des distorsions de concurrence au sein du marché intérieur. De surcroit, dans le cadre de son agenda contre l'évasion fiscale des sociétés, la Commission a également présenté, le 18 mars dernier, un ensemble de mesures en faveur de la transparence fiscale.

Au nombre de cinq, ces mesures ne revêtent pas toutes la même importance. L'élément clé de ce « paquet de transparence fiscale » est sans nul doute la proposition de directive visant à introduire l'échange automatique et régulier, entre les États membres, de leurs rescrits fiscaux. Pour une mise en oeuvre rapide de cette disposition, la Commission européenne propose qu'elle soit intégrée dans le cadre législatif existant, au moyen d'une modification de la directive relative à la coopération administrative, dont la dernière révision date de décembre 2014. Ceci lui permettrait de disposer des procédures et processus déjà en place.

La transparence encouragée par la Commission européenne est un moyen de lutter contre la planification fiscale agressive, rendu possible par le manque d'information dont disposent les États membres sur les pratiques fiscales de leurs partenaires. Cette proposition ouvre aussi la voie à des mesures de répression, qui ne sont pas mises en avant par la Commission européenne. Cet aspect est particulièrement intéressant pour la France. Un échange d'informations sur les rescrits entre États membres offrirait des éléments matériels, permettant de qualifier d'abus de droit les pratiques fiscales des entreprises. Il serait, en effet, plus facile de démontrer que, comme le dispose l'article 64 du livre des procédures fiscales, « la pratique d'une entreprise n'a pas eu d'autre motif que celui d'atténuer ou d'éluder la charge fiscale qu'elle aurait normalement dû supporter eu égard à sa situation et à ses activités réelles ».

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion