Cette communication s'inscrit dans un processus d'élaboration d'une politique européenne de l'énergie, qui a commencé dans les années 1990 avec les premières directives pour la libéralisation des marchés du gaz et de l'électricité, a ensuite intégré dans les années 2000 les questions de sécurité d'approvisionnement – avec les différentes tensions entre la Russie et l'Ukraine en 2006, 2009 et 2014 – et les questions environnementales, lesquelles ont surtout été portées par le paquet énergie-climat en 2009 et la nouvelle communication de 2014. La politique énergétique européenne s'est donc construite progressivement durant ces trois dernières décennies autour des objectifs de sécurité d'approvisionnement, de soutenabilité et de compétitivité.
Je rappelle que l'Union de l'énergie a été initiée par la Pologne en plein conflit Russie-Ukraine, avec pour objectif d'avoir une approche plus politique des dossiers énergétiques. Elle vise aussi à répondre à de nombreuses critiques formulées à l'égard de la politique énergétique européenne, au regard de son manque d'ambition et de cohérence, notamment pour concilier ses différents objectifs, en imposant parfois des contraintes lourdes aux États membres au détriment de la compétitivité.
Une des premières défaillances de la politique énergétique est qu'elle n'a pas tenu compte suffisamment du contexte géopolitique énergétique mondial, avec le développement des gaz puis pétroles de schiste américains, qui a totalement bouleversé le paysage et a eu un impact fort sur la compétitivité industrielle de l'Europe. Autre exemple : la demande asiatique gazière en très forte augmentation, notamment après l'accident de Fukushima, qui a eu un impact important sur l'attractivité du marché gazier européen. Aujourd'hui encore, le contexte change, avec la baisse des prix du pétrole et ses effets sur le marché européen – le gaz naturel liquéfié revient d'ailleurs en Europe alors qu'il se dirigeait vers l'Asie ces dernières années, avec des prix bien plus attractifs. La politique européenne n'a en fait pas été assez réactive.
Il faut rappeler les cinq caractéristiques principales de l'Europe. D'abord, à la différence des États-Unis, ses ressources énergétiques sont insuffisantes pour répondre à ses besoins. Sa production est en déclin, même si on fait appel au gaz de schiste.
Deuxièmement, l'Europe a de moins en moins d'influence sur le marché énergétique international : sa demande pèse de moins en moins lourd. Si les prix du pétrole ont baissé, c'est surtout en raison du fléchissement de la demande asiatique et d'une surcapacité au niveau mondial.
Par ailleurs, nous sommes à un tournant dans les relations avec la Russie. Si l'Union souhaite diversifier ses ressources, ce pays adopte une nouvelle stratégie, se tournant vers le marché asiatique pour le pétrole et le gaz, et se retire progressivement des actifs gaziers en Europe – contrairement à ce qu'il a fait ces dernières années.
En outre, l'Europe a toujours souhaité avoir un rôle moteur dans les négociations climatiques, notamment avec l'adoption du paquet énergie-climat en 2009. Si ce ne fut pas vraiment le cas lors des discussions de la COP à Copenhague, où elle s'est retrouvée mise à l'écart dans les dernières étapes de la négociation, cela ne doit pas se reproduire à Paris.
Enfin, la dimension externe de la sécurité énergétique européenne – notamment les relations avec les fournisseurs – a toujours été traitée à un niveau national. L'Union de l'énergie vise justement à répondre à ce problème. De même, il y a peu de coordination entre les États membres sur la transition énergétique.
Qu'apporte alors cette communication sur l'Union de l'énergie ? Pour la première fois, on parle d'une vision européenne et on a réuni dans un seul document différentes politiques annoncées durant ces trois dernières décennies. La volonté de cohérence est donc bien là ; on évoque désormais cinq dimensions mutuellement interconnectées.
Pour la première fois aussi, on a l'impression d'une approche plus politique pour traiter des sujets énergétiques.
Un autre élément positif à saluer concerne la mise en oeuvre d'un dialogue régulier avec le marché et d'une revue annuelle par la Commission européenne auprès du Parlement européen et du Conseil, permettant d'espérer une approche plus dynamique de la politique énergétique européenne et de répondre aux mutations mondiales.
Sur le fond, la communication met l'accent sur les mesures concernant la demande. Pour la sécurité de l'approvisionnement gazier, beaucoup de choses étaient déjà lancées, mais ce texte alerte sur cette sécurité en matière d'électricité. Ce texte propose aussi une approche régionale, même s'il faut aller plus loin.
En matière de gouvernance, il est très attendu, alors que peu de mesures ont été avancées.
En outre, peu de propositions ont été formulées pour améliorer la compétitivité, même si on mise sur le développement du marché carbone. C'est le cas pour l'industrie du raffinage et de la pétrochimie, qui connaît aujourd'hui une bouffée d'air avec la baisse des prix du pétrole mais pose des problèmes sur le long terme.
Enfin, pour la COP, il est nécessaire de définir des priorités communes au niveau européen et d'identifier des mesures sur lesquelles les États membres pourraient se mettre d'accord.