La communication sur l'Union de l'énergie marque un moment important de la politique énergie-climat de l'Europe.
Trois changements importants doivent être soulignés.
D'abord, pour la première fois, le diagnostic porté sur la situation économique du secteur est lucide. Sont soulignés les importants dysfonctionnements actuels : la forte dépendance énergétique de l'Europe, avec une facture énergétique de 400 milliards d'euros par an ; des infrastructures vieillissantes alors les perspectives d'investissement sont très lourdes – environ 1 000 milliards d'euros dans une première étape – ; la crise des marchés, notamment électriques, en situation paradoxale : les prix de gros sont bas et les prix de détail élevés, car grevés par des taxes qui financent des politiques devenues coûteuses, notamment en faveur des énergies renouvelables (EnR) non rentables ; et, de ce fait, des problèmes majeurs de compétitivité.
Deuxièmement, alors que le traité de Lisbonne a fait de l'énergie une politique communautaire de plein exercice, pour la première fois, la Commission présente une politique cohérente et globale, articulée autour des cinq dimensions déjà évoquées. Il semble y avoir une marque de fabrique de la Commission Juncker et, derrière, un nombre raisonnable de projets prioritaires, que leurs promoteurs entendent mener à bien dans le délai de la mandature.
Troisièmement, la philosophie de ce programme d'action va dans le sens de l'intérêt à long terme de l'Europe, à savoir décarboner l'économie européenne à un coût maîtrisé, de manière à desserrer la contrainte de compétitivité liée à la dépendance en hydrocarbures. C'est une bonne orientation. Nous savons qu'un certain nombre de pays, notamment en Amérique du Nord, vont devenir pratiquement autosuffisants en hydrocarbures d'ici 2030, tandis que nous en importerons de plus en plus de pays de moins en moins nombreux qui nous feront payer de plus en plus cher. Nous n'avons qu'une stratégie gagnante : la décarbonation compétitive.
À long terme, il nous faudra affronter la concurrence mondiale avec un bouquet aussi peu dépendant que possible des importations, à coût raisonnable, ce qui suppose de suivre une trajectoire comprimant les coûts.
Pour toutes ces raisons, il y a lieu de bien accueillir le projet d'Union de l'énergie. La France a d'ailleurs pris les devants en décarbonant son électricité à plus de 90 % – qui est l'objectif de l'Union européenne pour 2050 !
Le groupe EDF que je représente ici entend apporter une contribution importante. Il est en effet aujourd'hui le leader européen de l'électricité bas carbone compétitif. Leader puisque premier producteur d'électricité renouvelable et premier producteur d'électricité nucléaire, ainsi que premier opérateur de recherche et développement (R&D). Il est présent dans 15 des 28 États membres, où il investit 10 milliards d'euros par an. Bas carbone, en émettant quatre fois moins que la moyenne communautaire, il est compétitif avec des prix pour les industriels et les ménages parmi les plus bas de l'Union européenne.
Bien entendu, dans le programme détaillé de la communication, des points appellent notre vigilance. La France devra peser dans la mise en oeuvre pour que des aspects essentiels de son modèle, parfois critiqués dans d'autres États membres, soient préservés. Je pense notamment à trois points, dont les deux premiers sont particulièrement importants.
D'abord, l'Union de l'énergie doit recréer les conditions de l'investissement productif dans le secteur électrique. Mais le diable est dans les détails. Il faudra vérifier, pour chaque mesure affectant l'organisation du marché ou les trois objectifs que sont les émissions, les EnR et l'efficacité, qu'on va dans le bon sens.
Deuxièmement, la contribution du nucléaire à la sécurité énergétique de l'Europe doit être encore mieux reconnue.
Troisièmement, la garantie de la sécurité d'alimentation électrique est apportée par un mécanisme de capacité bien conçu : nous devons veiller à ce que celui-ci soit préservé.
Cela étant, nous pouvons voir dans l'Union de l'énergie une opportunité pour défendre une politique climatique ambitieuse, avant et après la COP21, faire avancer une intégration européenne ouvrant des marchés à nos entreprises et obtenir des soutiens à l'innovation dans la production, les services et l'intelligence des systèmes.