S'agissant de la sécurité, si on parle de changement de paradigme, il faut l'appliquer à tous les secteurs, autrement dit aussi au secteur gazier et non, seulement, à l'électricité. Aujourd'hui, la discussion se résume principalement aux fournisseurs. Partons plutôt de la demande : de combien de gaz avons-nous besoin ? De combien disposons-nous déjà ? Où est-il dans l'Union et comment au sein de celle-ci l'amener d'un endroit à un autre ? L'accord franco-espagnol, sous l'impulsion forte du président de la Commission européenne, est à cet égard une très bonne chose.
Concernant la Russie, il faut, au-delà de la question du gaz, une approche stratégique, intégrant le problème de la sécurité. Ce pays est aussi en effet un enjeu pour le charbon, l'uranium, le pétrole et les technologies. Dans le corridor gazier sud-européen, il n'y a presque plus de compagnie européenne active et l'Azerbaïdjan est en train de contrôler massivement tout un conduit gazier de l'approvisionnement et du transport, via la Turquie, et de la distribution jusqu'en Grèce. Les Russes, eux, sont en train de développer leurs activités.
Quant à la compétitivité, elle comporte deux faces : l'investissement et le coût. Trois questions se posent à cet égard : pourquoi payer, sachant qu'il y a le signal prix de l'énergie et celui du carbone, qui ne fonctionne pas ? Il ne faut ni dogme ni tabou : la taxation du carbone apporte beaucoup de réponses à cet égard, même si cet enjeu est évité au niveau européen pour des raisons de souveraineté nationale. Deuxièmement, combien cela coûte-t-il ? Cela renvoie à la transparence sur le coût des modèles économiques industriels concernant les ressources et les systèmes. Troisièmement, comment fait-on et qui paye, sachant qu'on est confronté à une fragmentation en la matière ? Si on regarde par exemple l'innovation, non seulement elle consiste majoritairement à développer des technologies matures, mais elle est fragmentée au niveau national et, en son sein, entre public et privé et à l'intérieur des institutions de ces secteurs. Nous réclamons une « European Valley » au sein de l'Union européenne pour avoir une force de masse critique décisive.
Au-delà de la fragmentation des investissements, il y a une fragmentation du système. Alors que l'Europe finance 400 milliards d'euros par an d'importations d'hydrocarbures, le développement de la voiture électrique est essentiel. Mais il doit s'inscrire dans un système électrique plus large, ce qui renvoie encore à l'idée d'« European Valley ».
Monsieur Lequiller, si l'Europe recule, peut-être est-ce pour mieux sauter ! Il n'y aura pas une seule solution révolutionnaire, mais un ensemble de mesures, sachant que le temps presse.
Quant à la méthode à retenir, nous sommes pour la compétition qui stimule – ce qui suppose un cadre européen permettant une construction saine et créatrice de richesses redistribuées de façon équitable – et la coopération qui renforce. On ne peut adopter au niveau européen des mesures constamment mises en oeuvre au niveau national pour des raisons d'indépendance énergétique nationale allant à l'encontre du principe essentiel du projet européen. Or cette coopération ne se fera pas à 28, mais dans un certain nombre de cadres régionaux. La France, plaque tournante du système, a un rôle essentiel à jouer à cet égard.
Enfin, nous sommes pour la solidarité qui unit les Européens entre eux : le fait d'avoir des intérêts différents n'exclut pas de soutenir ceux qui le souhaitent d'avancer dans une voie ou une autre, ce qui suppose une volonté politique. La Commission européenne a un rôle à jouer à cet égard en tant qu'institution indépendante garante de l'ordre communautaire.