Concernant la diversité des politiques nationales, je rejoins ce qu'a dit Mme Houtman : elle constitue plus un atout qu'un problème. Nous avons en effet besoin d'un mix de production électrique, où il y aura des filières bas carbone disponibles à chaque instant, beaucoup de ressources autochtones pour réduire notre dépendance – ce qui suppose des EnR – et un minimum d'énergies fossiles. Or si les tendances nationales se poursuivent dans les quinze ou vingt années à venir, on aura environ 40 % d'EnR dans l'électricité pour obtenir 27 % d'EnR toutes énergies confondues. Les États nucléaires demeureront nucléaires et on aura un quart de production nucléaire dans l'Union européenne, 10 % d'hydraulique et plus de 30 % de sources renouvelables nouvelles, comme la biomasse, l'éolien et le solaire, soit en tout près de 70 %. Cela veut dire que nous aurons décarboné le mix européen à environ 70 % à cette échéance – ce qui sera unique au monde – et obtenu l'équilibre dont nous avons besoin entre la production électrique disponible à chaque instant et les ressources autochtones nécessaires pour assurer la sécurité d'approvisionnement.
Pour que cet équilibre fonctionne, il faut pouvoir mélanger les productions, ce qui suppose une véritable intégration régionale des marchés. Cela veut dire qu'il faut qu'ils soient couplés – ce qui est de plus en plus le cas – et qu'il y ait quelques interconnexions entre des États membres. Le projet franco-espagnol inauguré il y a quelques semaines en est une bonne illustration : aux heures où il y a trop de vent en Espagne, au lieu de couper les éoliennes espagnoles, on vend de l'énergie espagnole en France, et aux heures où il n'y a pas assez de vent, l'Espagne peut importer de l'énergie nucléaire française.
Par ailleurs, il faut décarboner. Nous le devons à nos enfants, pour des raisons morales, mais aussi économiques : nous ne pouvons pas devenir complètement dépendants d'importations fossiles dans trente ou quarante ans, d'autant que le gaz sera probablement cher à l'horizon 2040. À un moment où les prix de l'énergie et du carbone sont anormalement bas, il nous faut faire des investissements que nous ne regretterons pas. Or si nous investissons dans des centrales brûlant des combustibles importés, elles marcheront pendant quarante ou soixante ans, ce que nous regretterons. Il convient de trouver aussi des formules de plus en plus compétitives pour acheter plus tôt, parmi les bonnes technologies, celles qui ne sont pas trop chères – à savoir l'éolien là où il y a suffisamment de vent, le photovoltaïque là où il y a du soleil, le nucléaire et, peut-être d'ici 2030, le charbon avec captation du CO2.
Enfin, je ne crois pas qu'il faille casser le système de quotas européens, qui est une des deux solutions – avec la taxation – permettant d'avoir dans la durée une boussole pour faire les bons choix d'investissement. Or, alors que les traités européens nous permettent de décider d'un système de quotas à la majorité qualifiée, une taxe harmonisée nécessite l'unanimité, qui n'est pas possible à obtenir. Il faut donc améliorer le système de quotas, sans le supprimer, car il dirige efficacement les investissements.