Intervention de Élisabeth Guigou

Réunion du 15 avril 2015 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, présidente :

Merci chers collègues pour ce travail considérable, très fouillé.

Nous voyons bien qu'à travers votre rapport et les travaux que nous ont rendu nos autres collègues, en dernier lieu ceux de MM. François Loncle et de Pierre Lellouche, qu'il existe des interrogations extrêmement profondes sur l'évolution du continent africain.

Il est important de sortir des effets de mode mais il faut également veiller à ne pas tomber d'un excès dans l'autre. Il est vrai que nous avons entendu ces derniers temps des expressions d'afro-optimisme sans doute excessives mais il ne faut pas non plus négliger l'extraordinaire potentiel de ce continent qui change le regard que le monde porte sur ces pays, notamment sur les pays francophones. Vous avez également raison d'affirmer, comme l'ont fait d'autres de nos collègues, que le problème de la croissance démographique est un sujet absolument majeur.

Vos analyses sur les systèmes de santé et d'éducation sont pertinentes, il est incompréhensible et insupportable que nous en soyons là. Vous avez analysé les causes de ces dysfonctionnements. Les politiques dites d'ajustement structurel imposées par les institutions internationales pour réduire la dette de ces pays ont leur part de responsabilité. Mais, vous avez également eu raison d'insister sur la mal gouvernance, pour employer un terme pudique, de mettre des mots sur la réalité et de parler de corruption.

Nous devons porter un regard et une analyse lucide sur les dégâts que ces politiques ont générés vis-à-vis d'une jeunesse confrontée à la prolifération de la propagande et de l'intégrisme islamiste.

Votre rapport souligne que la démocratie est loin d'être enracinée en Afrique. C'est un processus qui demande du temps surtout dans les pays confrontés aux difficultés économiques et sociales que vous avez abondamment présentées. La France doit avoir un discours équilibré sur ce sujet, un discours qui ne soit ni complaisant, ni sentencieux. Il faut saisir toutes les subtilités des situations sans jamais renoncer bien sûr à nos valeurs.

Vous affirmez qu'une réforme de notre politique d'aide au développement est nécessaire et que les crédits doivent être réorientés vers la santé et l'éducation et si possible accrus. Naturellement, sur la gouvernance, je partage entièrement votre point de vue. Nous insistons sur ces sujets depuis un certain temps auprès des ministres et lors des débats budgétaires.

Mais, faut-il pour autant créer un ministère de plein exercice chargé de l'aide au développement comme vous le recommandez ? Très franchement, j'ai des doutes là-dessus. J'entends les avantages que représenterait un rehaussement de notre représentation et le bénéfice pour nous d'avoir un interlocuteur plus régulier pour le Parlement. Mais, il faudrait en réalité que votre politique d'aide au développement soit véritablement intégrée comme une des toutes premières priorités de notre politique étrangère. Je ne suis pas persuadée qu'en tronçonnant notre politique nous ayons plus d'efficacité sur le terrain. Les impulsions données et l'action de nos ambassadeurs sont primordiales et au Mali notre ambassadeur s'est vraiment investi. Aussi, notre attention doit se porter sur les mécanismes que nous mettons en place afin de mesurer l'efficacité de notre aide au développement et les absences de déperdition. Je suis donc sceptique sur cette proposition de création d'un ministère d'aide au développement.

Le rapport insiste beaucoup sur les problèmes liés à ce que vous appelez la militarisation de la politique africaine. Evidemment, il faut absolument que notre politique africaine ait pour but de permettre aux pays africains de se prendre en charge à tout point de vue, même s'il s'agit d'une politique à moyen ou long terme. Ces pays doivent prendre en charge leur développement, compte tenu des richesses qui existent, et gérer leur propre problème de sécurité. Il serait utile, et la France a beaucoup insisté là-dessus et continue à le faire, de mettre sur place une force d'intervention militaire africaine. On a l'impression que ce sujet évolue dans le bon sens et l'Organisation de l'unité africaine a pris de bonnes décisions. Il faudrait encourager, engager et même demander à nos partenaires de l'Union européenne de pouvoir à la fois, comme cela se fait au Mali, aider au financement de cette force et à sa formation. Même si elle est mise en place, et il faut agir en ce sens de manière résolue, la France restera pendant longtemps un recours et nous ne pouvons pas échapper à cette réalité.

Au Mali, la recherche d'une réconciliation est importante. Les accords d'Alger ont-ils été bouclés trop rapidement ? Il existe des débats sur ce point mais je pense que ces accords sont un acquis. Pour la première fois existe la perspective de voir certaines tribus du Nord entrer dans un processus de pacification.

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