Merci Madame la Présidente et merci de la liberté avec laquelle vous avez laissé les députés travailler, aussi bien pour M. Loncle et moi-même sur la situation sécuritaire, que pour nos collègues. Je vous invite à conserver la même liberté dans la publication des rapports. Je pense que notre pays a besoin de vérité sur ces sujets.
Ce matin, des informations entendues à la radio, j'ai retenu d'un côté que la disparition d'Alcatel risquait d'entraîner des pertes d'emplois, que des ouvriers d'une usine de plasturgie essayaient de se mobiliser afin de sauver leur entreprise qui est rapatriée en Allemagne, et de l'autre côté que 700 immigrés étaient morts dans des radeaux qui arrivent d'Afrique. On prévoit l'arrivée d'un million d'immigrés clandestins en Europe au cours de l'année. Ces arrivées sont gérées dans un désordre absolu entre la France et l'Italie sur les responsabilités en matière de contrôle et de rétention. C'est dire si ces sujets africains sur lesquels nous avons beaucoup travaillé depuis deux ou trois ans sont fondamentaux. Je voudrai dire mon estime et ma reconnaissance à nos deux collègues d'avoir dit les choses avec beaucoup d'honnêteté. Nous nous retrouvons tous, au-delà des clivages politiques, sur ces sujets.
J'ai donné cette semaine une interview au quotidien l'Opinion dans laquelle je critiquais la militarisation de la politique française en Afrique et ses résultats peu convaincants. Je constate que mes collègues arrivent aux mêmes conclusions. Notre politique est dispendieuse en moyens et elle ne cible pas les besoins du continent. Michel Vauzelle m'en a voulu lorsque j'ai soulevé il y a quelques temps la question de la démographie africaine. Or il y a là un vrai combat à mener. Est-il raisonnable alors que ces pays doublent de population tous les vingt ans d'avoir une politique de sécurisation et qui consiste à maintenir au pouvoir les mêmes hommes politiques comme Paul Biya ? Nous sommes en train de recréer dans ces pays la même situation que celle qui existait dans le monde arabe avant la grande explosion.
Nous avons un devoir de vérité vis-à-vis de nos concitoyens et notre pays a besoin de s'interroger sur sa politique africaine. J'ai un doute sur l'idée de création d'un ministère mais cette proposition a l'avantage d'ouvrir le débat.
La réalité du terrain est à mille lieux de l'afro-optimisme que nous vendait Lionel Zinsou lorsqu'il s'est exprimé devant notre commission. Lorsque 80% des enfants ne sont pas du tout scolarisés, les chances qu'ils s'en sortent ne sont pas terribles sauf à se diriger vers l'immigration ou à être recrutés par des milices.
Un point qui manque dans le rapport, et qui pourrait être utile, est un comparatif avec l'Afrique non-francophone. Je constate qu'il existe des pays et des régions qui évoluent, le Ghana ça marche et de même une partie de l'Afrique lusophone commence à décoller très fort comme au Mozambique. Aussi, la façade africaine à l'Est marche sans parler du Sud. Evidemment, il existe des pays où la situation est très difficile, l'héritage belge est une catastrophe et l'Afrique du Sud est dans une situation très compliquée. Nous devons nous interroger par rapport à ces pays qui décollent. C'est un devoir de salubrité publique que de dire ces choses et de le dire avec des arguments très fondés comme vous le faites, sur une base bipartisane, et de nous inviter à travailler sur comment en sortir.
Il faut avoir le courage de remettre en cause certaines mauvaises habitudes que l'on a appelé la France-Afrique. La France-Afrique c'est plus complexe que le simple copinage politique. La France-Afrique ce sont également des habitudes bureaucratiques, des fléchages d'argent au mauvais endroit à la suite de la demande de lobbies. A l'arrivée, les résultats sont mauvais. Notre incapacité à réaliser un travail de pédagogie sur la question démographique par exemple, y compris au niveau des chefs d'Etat est un vrai problème. Lorsque l'on dit aux chefs d'Etat que leur politique démographique n'est pas tenable, ils affirment qu'ils le savent mais qu'ils n'ont pas le courage de la faire évoluer. Le combat, si nous ne le menons pas, personne ne le fera. Il se réglera sur les radeaux de l'immigration ou dans le terrorisme.
Donc un grand merci et un grand encouragement pour que l'on continue. J'espère qu'il y aura d'ici la fin de la législature une vraie phase de débat sur les options pour l'Afrique. Il s'agit d'un vrai sujet stratégique pour notre pays. Merci à notre présidente d'avoir ouvert ce débat en toute liberté et il faut maintenant le prolonger sur la place publique. Nous sommes l'Assemblée nationale et nous ne devons pas avoir peur de prendre position. Nous ferons progresser les esprits si nous avons le courage de dire ces choses-là devant les Français.