Intervention de Jean-Claude Guibal

Réunion du 15 avril 2015 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Claude Guibal, président de la mission :

Je commencerai par répondre de manière générale aux différentes remarques et questions. Je dresserai ce constat rustique que l'Afrique est notre sud et que l'Afrique est une bombe. C'est une bombe d'une part sur le plan démographique, car la croissance économique n'arrivera jamais à y contenir la croissance démographique, avec toutes les conséquences que l'on sait en termes d'immigration, c'est une bombe d'autre part sur le plan de la pauvreté qui ne va cesser d'y croître et d'y créer de l'instabilité. Concernant la démographie, je me souviens de telle anthropologue pour qui les sociétés africaines ont une habitude historique de la vulnérabilité et luttent contre cette vulnérabilité par la fécondité. L'Islam radical se greffe sur ce substrat traditionnel et rajoute ses préceptes religieux.

Dans nos relations avec l'Afrique, la conception du pouvoir me semble jouer un rôle central. La colonisation, les organisations de l'après-guerre, ont développé une conception du pouvoir dur (« hard power »), alors qu'on pourrait se trouver d'avantage dans une approche d'influence (« soft power »), faite de dialogue avec les sociétés civiles en même temps que de relations d'Etat à Etat. J'ai par ailleurs le sentiment qu'il existe en Afrique francophone un système de double pouvoir : celui mis en place pour répondre aux attentes des bailleurs de fonds avec des institutions et des élections, et un pouvoir plus traditionnel qui dispose d'une vraie légitimité. La colonisation comme la période plus récente n'ont pas posé la problématique entre pouvoirs formels et pouvoirs réels. Nous aurions, je crois, intérêt à faire davantage appel aux africanistes, aux chercheurs et en particulier aux anthropologues, pour asseoir nos stratégies sur une meilleure compréhension de l'Afrique.

Beaucoup d'entre vous ont formulé des objections sur la proposition de limiter le rôle des interventions militaires dans nos relations avec l'Afrique. Il est clair que les pouvoirs africains ont laissé s'aggraver la paupérisation de leurs armées. De ce fait, mettre sur pied des forces africaines efficaces est souhaitable mais difficilement réalisable. Sur le court terme, l'intervention militaire est donc souvent indispensable.

Nous n'avons pas fait de comparaison entre une Afrique anglophone qui réussirait et l'Afrique francophone. Nous nous sommes contentés d'analyser si la francophonie et l'influence française expliquaient des différences de développement et il nous a semblé que non. Ce qui compte le plus dans les différences de performances c'est l'appartenance à des aires géographiques plus ou moins bien loties. Cela étant, le comportement de l'ancien colonisateur a eu une influence. La conception française de l'Etat protecteur a été mise en oeuvre dans ces Etats mais de manière biaisée, compte tenu de ces doubles pouvoirs dont je parlais, où l'État est plus un paravent plus qu'une réalité.

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