Intervention de Pascal Cherki

Réunion du 22 avril 2015 à 10h30
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPascal Cherki :

En 1953, les créanciers institutionnels réunis à Londres ont décidé d'effacer une partie de la dette ; selon les économistes, c'est de ce moment-là que date le décollage économique de l'Allemagne. Ce fut une décision de nature politique et non économique : on avait pris conscience de l'importance que revêtait la stabilité démocratique de l'Allemagne pour celle de l'Europe. Il est dommage que dans le débat européen actuel, beaucoup de responsables se comportent comme des conseillers en patrimoine – parfois médiocres – et non comme des dirigeants politiques à la hauteur de l'Histoire.

Certains points de la proposition de résolution mériteraient le débat tant ils renvoient au devenir de l'économie capitaliste financiarisée et au rôle prépondérant qu'y joue le capital fictif. Il en va ainsi de la contradiction qui caractérise la politique de la BCE, obligée de pratiquer le quantitative easing à court terme en injectant des liquidités sous peine de faire tarir les investissements, au risque, il est vrai, de reconstituer une nouvelle bulle spéculative. Cette contradiction majeure ne pouvant être réglée dans l'immédiat, je soutiens le choix de la banque centrale.

Au niveau institutionnel, la mutualisation des dettes pose la question de l'évolution de l'Europe vers un modèle plus fédéraliste. En effet, dans ce type de constructions – notamment aux États-Unis –, la dette est mutualisée au niveau de l'État fédéral, mais les États fédérés sont tenus à une forme de discipline budgétaire qui les conduit à l'équilibre. Paradoxe de la situation, nos collègues allemands – dont je condamne par ailleurs la vision ordo-libérale – tiennent sur cette question une position beaucoup plus claire et cohérente que nous, Français, que notre histoire a conduits à rester à mi-chemin, avec le concept nébuleux de fédération d'États-nations.

Enfin, le contenu politique de l'Union européenne – lié à la question du libre-échange et du partage des richesses – doit également faire l'objet de débat. Globalement, on produit de la richesse en Europe, mais la répartition de la plus-value et la pression de l'actionnaire pèsent sur notre capacité à dégager une croissance soutenable et durable. C'est en creux l'idée que porte cette proposition de résolution ; je n'en partage pas tous les termes – notamment la critique de la BCE –, mais j'inviterai nos collègues à la voter parce que son adoption marquerait la volonté des parlementaires que nous sommes de promouvoir ce débat indispensable.

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