Intervention de François Chérèque

Réunion du 18 mars 2015 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

François Chérèque, inspecteur général des affaires sociales, président de l'Agence du service civique :

Je vous remercie de votre invitation, madame la présidente. Je ferai une présentation synthétique de ce rapport, que j'ai établi avec deux autres collègues de l'Inspection générale des affaires sociales (IGAS).

Lorsque le Gouvernement a adopté le plan pluriannuel contre la pauvreté, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault m'a demandé, par lettre de mission, de rédiger un rapport annuel, non seulement pour s'assurer de la bonne mise en oeuvre du plan, mais aussi dans un souci d'objectivité et de transparence à l'égard du monde associatif, qui s'était engagé dans ce cadre. Le Premier ministre actuel, Manuel Valls, a souhaité poursuivre selon la même méthode. Celle-ci me paraît originale : on met en place une politique publique, puis on commande un rapport que l'on soumet à la discussion, au vu de laquelle on adapte le plan initial – ce que vient de faire le Premier ministre. La lettre de mission, je le rappelle, me chargeait de réaliser une évaluation de la mise en oeuvre du plan et de définir, à cette fin, des indicateurs de suivi.

Vous avez soulevé le problème des indicateurs, madame la présidente : ils ne sont en effet pas toujours sexués. Surtout, il n'est pas encore possible de mesurer l'impact du plan au regard de ces indicateurs, car les derniers chiffres relatifs à la pauvreté dont nous disposons concernent l'année 2012, laquelle est antérieure au lancement du plan, au début de l'année 2013. Nous n'aurons donc d'éléments plus précis sur la mise en oeuvre du plan qu'à la fin de cette année.

J'ai élaboré le rapport d'évaluation de la première année de mise en oeuvre du plan avec mon collègue de l'IGAS Simon Vanackere, qui avait travaillé sur le RSA activité et la PPE avec M. Sirugue. Notre mission était double : outre la rédaction du rapport, nous devions présenter le plan dans l'ensemble des régions et veiller à sa mise en oeuvre au niveau territorial. Nous avions ainsi tenu trente réunions régionales, y compris dans les départements d'outre-mer, en présence des préfets de région, qui avaient souvent suivi l'intégralité des débats. Nous avions rassemblé au total 6 000 personnes, ce qui avait créé une dynamique assez forte autour du plan.

À l'issue de cette première année de mise en oeuvre, l'animation territoriale a été transférée à la direction générale de la cohésion sociale (DGCS). Or celle-ci a tardé à adresser ses instructions aux préfets pour la deuxième année de mise en oeuvre. Dans notre premier rapport, nous avions proposé un pilotage territorial à deux niveaux, avec un comité stratégique placé sous l'autorité du préfet de région, en lien avec les présidents de conseils généraux, et un comité opérationnel dans chaque département. La circulaire relative au dispositif de gouvernance et de suivi territorial n'a été diffusée aux préfets qu'au mois de juillet 2014, leur demandant un retour dès le 31 octobre suivant. Bien sûr, cela ne signifie pas que les préfets étaient restés sans rien faire entre-temps.

Pour la troisième année de mise en oeuvre du plan, nous avons recommandé que l'animation territoriale soit confiée à une personnalité qui suive le travail des préfets de région, lesquels sont très impliqués depuis l'origine. Il est en effet un peu dommage qu'il y ait eu une certaine perte de dynamisme.

Dans chacun de nos deux rapports, nous avons évalué les sept volets du plan : accès aux droits et aux biens essentiels ; emploi, travail et formation professionnelle ; logement et hébergement ; santé et accès aux soins ; famille, enfance et réussite éducative ; inclusion bancaire et lutte contre le surendettement ; gouvernance des politiques de solidarité.

Commençons par un bilan global de la mise en oeuvre du plan. Notre analyse est plutôt positive : dans l'ensemble, le Gouvernement respecte sa feuille de route, même si l'on peut toujours estimer que celle-ci est insuffisante ou qu'il faut l'approfondir, ce que le Premier ministre vient d'ailleurs de faire. Conformément aux engagements pris, les minima sociaux ont tous été revalorisés : non seulement le RSA et l'allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), mais aussi le complément familial et l'allocation de soutien familial (ASF), que de nombreuses familles monoparentales touchent. De même, les grandes mesures symboliques du plan ont toutes été mises en place : rendez-vous des droits, garantie jeunes, financement de l'insertion par l'activité économique, accompagnement des personnes vers et dans l'emploi, accès au compte. Plusieurs textes législatifs ont été adoptés à cet égard, en particulier la loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

En revanche, nous avons émis des critiques concernant un certain nombre de retards, outre celui que j'ai déjà mentionné concernant la mobilisation au niveau territorial. Ainsi, les États généraux du travail social, étape importante de réflexion avec les travailleurs sociaux sur le terrain, qui doit notamment déboucher sur une refonte de leur formation, ont avancé moins vite que prévu. D'autres chantiers ont été mis en attente ou modifiés, en particulier celui du dossier simplifié.

Cette idée, avancée par M. Ayrault, était généreuse : les demandeurs devaient pouvoir solliciter le bénéfice de plusieurs prestations au moyen d'un seul dossier. Cependant, l'expérimentation en Seine-et-Marne et en Loire-Atlantique a montré qu'il n'était guère possible de simplifier sans harmoniser au préalable les critères d'attribution des différentes prestations. Le dossier auquel on a abouti n'était, en réalité, qu'une compilation des dossiers préexistants : il comportait trente pages pour six ou sept prestations ! Il y aurait un travail législatif considérable à accomplir pour déterminer les ressources – professionnelles ou autres, individuelles ou familiales – à prendre en compte. C'est d'ailleurs un des aspects du débat sur la fusion du RSA activité et de la PPE.

Deux mesures ont été décidées pour remplacer le dossier simplifié. D'une part, un simulateur des droits en ligne va être mis en place. Il est prêt et a été testé avec des personnes en situation de pauvreté.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion