Intervention de Michel Sapin

Séance en hémicycle du 4 mai 2015 à 16h00
Accord relatif au fonds de résolution unique — Présentation

Michel Sapin, ministre des finances et des comptes publics :

Monsieur le président, madame la rapporteure et présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames et messieurs les députés, j’ai le plaisir de vous présenter aujourd’hui, au nom du Gouvernement, le projet de loi autorisant la ratification de l’accord intergouvernemental prévoyant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique.

Je voudrais vous remercier, madame la rapporteure et présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, ainsi que les membres de vos commissions respectives, pour vos travaux sur ce texte.

Bien que ce projet de loi soit, comme il est d’usage en pareil cas, d’une brièveté exemplaire, il permet à la France de prendre toute sa part à l’édification de l’Union bancaire, laquelle constitue, me semble-t-il, le progrès le plus important de l’intégration européenne depuis l’Union économique et monétaire.

Permettez-moi de rappeler tout d’abord les objectifs et la structure de l’Union bancaire, avant d’exposer le contenu et le rôle de cet accord intergouvernemental dans l’ensemble de textes qui créent le mécanisme de résolution unique.

La mise en oeuvre de l’union bancaire est un progrès dans l’intégration européenne qui préviendra à l’avenir la transformation des crises bancaires en crises souveraines, ce que nous avons connu ces dernières années.

Ce progrès repose sur un premier pilier, le mécanisme de supervision unique. Le projet d’union bancaire a été lancé par le Président de la République et ses collègues lors du Conseil européen de juin 2012. La crise financière de 2008 a souligné la nécessité de rompre la boucle négative liant le budget des États et les secteurs bancaires nationaux.

Jusqu’alors, en l’absence de mutualisation du soutien aux banques, et en cas de fortes tensions sur les marchés financiers, les États étaient contraints de financer seuls les plans de sauvetage bancaires. Ce qu’il est convenu d’appeler des bail-outs ont accru fortement l’endettement public, exposé un certain nombre d’États à une crises de leur dette souveraine et favorisé la fragmentation, encore perceptible aujourd’hui, des marchés financiers, les investisseurs évaluant la solidité des systèmes financiers en fonction des capacités respectives des États à soutenir leurs secteurs bancaires.

La création d’un mécanisme permettant de mutualiser les coûts liés à la gestion des crises bancaires est donc apparue comme une nécessité.

Toutefois, la possibilité de recapitaliser directement des banques par le biais du Mécanisme européen de stabilité ne pouvait être envisagée sans un renforcement et une unification préalable de la supervision des établissements bancaires. Parallèlement au renforcement des standards en matière prudentielle – conformément à la réglementation internationale sur ces sujets – les Européens ont donc pris la décision de confier à la Banque centrale européenne la responsabilité de la supervision, directe et indirecte, des banques de la zone euro. Ce mécanisme de supervision unique est entré en vigueur le 4 novembre dernier.

Depuis cette date, les cent trente principaux établissements bancaires européens sont soumis à la supervision directe de la BCE. S’agissant de la France, ce sont les dix principaux groupes bancaires qui y sont soumis, soit plus de 90 % des actifs bancaires français. Les autorités de résolution nationales restent, pour leur part, compétentes pour la supervision des établissements moins importants.

Le second pilier de cette union bancaire est le mécanisme de résolution unique. À peine l’accord sur le mécanisme de supervision unique était-il achevé qu’un second pilier était mis en chantier, corollaire obligatoire du premier : le mécanisme de résolution unique.

Ce mécanisme repose sur deux principes fondamentaux. Tout d’abord, les finances publiques ne devront plus être sollicitées pour financer le sauvetage des banques. C’est pourquoi le Fonds de résolution unique sera financé par des contributions versées par les banques elles-mêmes, et il interviendra après que les actionnaires et les créanciers auront supporté les premières pertes, jusqu’à 8 % du total de bilan.

Le deuxième principe fondamental est que le coût de la résolution ordonnée des banques devra être mutualisé pour éviter tout risque de fragmentation financière. C’est pourquoi tous les établissements de crédit des États participants contribueront au financement du fonds de résolution, et c’est pourquoi les ressources, affectées initialement à des compartiments nationaux, seront progressivement mutualisées sur une période de huit ans allant de 2016 à 2023. À cette date, ce fonds sera doté de 55 milliards d’euros environ, soit 1 % des dépôts couverts.

Le mécanisme de résolution unique représente donc une avancée décisive en ce qu’il permettra de réduire l’effet des chocs exogènes et de rompre la boucle négative qui liait jusqu’à présent risque bancaire et risque souverain.

Les mécanismes de garantie des dépôts resteront en revanche nationaux, l’idée d’un troisième pilier de l’Union bancaire fondé sur la garantie des dépôts, poussée par la France – je sais que vous y étiez très attentive, madame la présidente de la commission des affaires étrangères – n’étant pas consensuelle à ce stade. Mais cela ne nous empêche pas de continuer à y travailler.

L’accord intergouvernemental participe à la création du cadre juridique du mécanisme de résolution unique. En effet, plusieurs textes régissent le nouveau régime de résolution applicable aux établissements bancaires.

Rappelons tout d’abord que le droit applicable en matière de résolution est harmonisé pour les vingt-huit membres de l’Union européenne par la directive relative au rétablissement et à la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement – dite « directive BRRD » – dont vous avez habilité le Gouvernement à transposer les dispositions par ordonnance dans la loi DADDUE publiée fin décembre 2014. Ce sera fait au cours des prochains mois.

Deux textes distincts créent le mécanisme de résolution unique à proprement parler : un règlement européen – dit « règlement MRU » – et un accord intergouvernemental – dit AIG. Le projet de loi qui vous est présenté aujourd’hui a pour objet d’autoriser la ratification de cet accord intergouvernemental. Celui-ci a été négocié à la demande de certains de nos partenaires qui estimaient que le traité offrait une base trop peu solide pour un progrès de l’intégration de l’ampleur du mécanisme de résolution unique.

Cet accord intergouvernemental couvre principalement trois aspects.

Premier aspect, l’engagement des parties contractantes à transférer les contributions des établissements assujettis de chaque État participant vers le Fonds de résolution unique. L’entrée en vigueur de l’accord conditionne le versement des contributions des établissements de crédit des États membres au FRU, et donc le fonctionnement du mécanisme de résolution unique. Cela doit permettre le versement des premières contributions au fonds au titre de l’année 2015 avant le 31 janvier 2016.

Les modalités de calcul des contributions ont été détaillées dans un règlement délégué de la Commission et un règlement d’exécution du Conseil. Ces textes ont fait l’objet d’un accord au conseil ECOFIN de décembre dernier. Pour avoir passé de nombreuses heures et de nombreuses nuits sur la discussion de cet accord, je sais que cela n’a pas été simple. Mais au bout du compte, je crois que c’est à la fois juste et efficace.

La France a tenu à ce que les banques françaises ne soient pas défavorisées du fait de la faible teneur en dépôts de leur bilan, ce qui aurait pu conduire à ce qu’elles contribuent à hauteur de plus de 32 % au Fonds de résolution unique. Nous avons obtenu qu’un mécanisme d’ajustement ramène cette part à 27 %, une part en ligne avec le poids relatif des banques françaises dans le total des actifs bancaires de la zone euro. Au final, le montant total des contributions des banques françaises devrait être légèrement inférieur à 15 milliards d’euros, dont une fraction comprise entre un minimum de 15 % et 30 %, à la discrétion de l’autorité européenne de résolution, pourra être acquittée sous forme d’engagements de paiement qui n’auront pas d’impact sur le compte de résultat des banques.

Le deuxième aspect couvert par cet accord concerne le rythme de mutualisation des ressources des compartiments nationaux : 40 % des ressources seront mutualisées dès la première année, 60 % la seconde année, puis la mutualisation progressera à un rythme linéaire jusqu’à la fin de la période transitoire pour permettre une mutualisation complète à la fin de l’année 2023.

Troisième et dernier aspect couvert par cet accord, la possibilité de recourir à des financements complémentaires des contributions collectées ex ante, comme les transferts entre les compartiments nationaux ou la collecte de contributions ex post.

Pour sa part, le règlement MRU, d’application directe, crée le Conseil de résolution unique, compétent pour gérer et actionner ce Fonds de résolution unique. Le Conseil de résolution unique est composé de six personnalités qualifiées et d’un représentant par autorité nationale de résolution.

Le règlement MRU prévoit également le partage des compétences entre le Conseil de résolution unique et les autorités de résolution nationales.

Mesdames et messieurs les députés, la ratification de l’accord intergouvernemental par la France constituera une étape absolument décisive de la mise en place du mécanisme de résolution unique, et donc du parachèvement de l’oeuvre que constitue l’Union bancaire. Je souhaite donc que le projet de loi autorisant cette ratification recueille le plus large assentiment de votre assemblée. Nous sommes en train de construire une oeuvre importante, je l’ai dit au début de cette intervention : depuis le lancement de la monnaie unique, je ne connais pas d’ouvrage aussi important, aussi lourd et aussi complexe que cette union bancaire. Nous n’entendrons plus, à l’avenir, le reproche que nous avons beaucoup entendu, et souvent de manière justifiée : « Pour sauver les banques, on est prêt à payer, que reste-t-il ensuite des dettes ? » C’est le résultat d’une manière de faire du passé à laquelle l’ensemble des États membres de la zone euro veut aujourd’hui mettre fin.

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