Intervention de Élisabeth Guigou

Séance en hémicycle du 4 mai 2015 à 16h00
Accord relatif au fonds de résolution unique — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉlisabeth Guigou, rapporteure de la commission des affaires étrangères :

Monsieur le ministre, vous venez de rappeler pourquoi et comment l’Union européenne a pris des mesures visant à faire face à la succession des crises bancaires intervenues dans le sillage de la crise financière. Les Européens ont engagé des réformes, d’abord pour aider les États en difficulté, puis pour couper le lien entre les dettes bancaires et les dettes souveraines.

Comme vous venez de le rappeler, monsieur le ministre, deux mécanismes centralisés de prévention, de détection et de résolution des crises bancaires ont été créés pour la zone euro : le mécanisme de supervision unique des banques, déjà entré en vigueur, et le mécanisme de résolution unique des défaillances bancaires, pour la création duquel le projet de loi que nous examinons constitue un élément très important.

Le mécanisme de résolution résulte de trois textes. Le premier est une directive relative au redressement des banques et à la résolution de leurs défaillances, applicable dans l’ensemble de l’Union européenne. Le deuxième est un règlement instituant un mécanisme de résolution unique et un fonds de résolution unique, au moins pour la zone euro. Le troisième est un accord intergouvernemental qui fixe les modalités de transfert et de mutualisation des contributions bancaires à ce fonds.

La directive prévoit la mise en place, dans chaque État de l’Union européenne, d’une autorité chargée de la résolution des défaillances bancaires. L’objectif est de limiter autant que possible l’utilisation des fonds publics, grâce à un mécanisme de renflouement interne faisant d’abord porter les pertes par les actionnaires et les créanciers privés. La directive prévoit également la création de fonds de résolution nationaux, alimentés par les banques, qui peuvent intervenir, dans la limite de 5 % du passif, après un renflouement interne à hauteur d’au moins 8 % de ce passif – vous l’avez rappelé, monsieur le ministre. Ces fonds nationaux doivent atteindre 1 % du total des dépôts au bout de dix ans.

Le règlement du 15 juillet 2014 crée un mécanisme se substituant pour partie aux dispositifs nationaux et reposant sur un fonds unique. Ce dernier doit être abondé dès janvier 2016, sur une période transitoire de huit ans, et atteindre un montant cible d’environ 55 milliards d’euros. Il se caractérise par une mutualisation progressive des contributions, dans la mesure où les compartiments nationaux se réduisent chaque année.

Le mécanisme de résolution unique a compétence sur toutes les banques sous supervision directe de la Banque centrale européenne. La liste des 120 établissements concernés a été publiée le 4 septembre 2014 et couvre 85 % de l’ensemble des actifs. Le mécanisme est également compétent pour les autres banques transfrontalières et pour tout établissement faisant appel aux ressources du fonds de résolution unique. Un Conseil de résolution unique est créé : il jouit des prérogatives de l’autorité de résolution définies par la directive et respecte les mêmes règles, s’agissant notamment des conditions de renflouement interne et externe. Comme le ministre l’a rappelé, cette gouvernance est complexe, mais il faut souligner que la procédure de décision doit permettre d’intervenir en urgence et de résoudre une crise en un week-end.

L’accord du 21 mai 2014, signé par l’ensemble des États membres de l’Union européenne à l’exception du Royaume-Uni et de la Suède, a un objet beaucoup plus circonscrit. Il s’applique aux États parties aux mécanismes de supervision et de résolution uniques, c’est-à-dire, à ce jour, aux dix-neuf États dont la monnaie est l’euro puisqu’aucun autre État n’a signé d’accord avec la Banque centrale européenne. Évidemment, l’Allemagne a beaucoup insisté sur la nécessité d’un accord intergouvernemental : elle en a même fait une condition, soutenant que la faculté de transfert de contributions relevait de la compétence des États, et a souhaité soumettre à l’approbation de son Parlement un élément clé du dispositif général. Notre assemblée ne se plaindra pas d’avoir à se prononcer sur ce texte important ! La ratification de cet accord conditionne l’utilisation du Fonds de résolution unique : c’est dire l’importance, malgré des dehors très techniques, du texte qui nous est soumis !

Cet accord fait obligation aux États de transférer les contributions au Fonds de résolution unique au plus tard le 30 juin de chaque année. En 2016, les États devront également transférer les contributions perçues en 2015, au plus tard un mois après l’entrée en vigueur de l’accord. Si une partie des ressources du fonds est utilisée d’ici là dans le cadre d’une résolution, les États s’engagent à reconstituer le montant cible au moyen de contributions supplémentaires.

L’accord détaille surtout les conditions de la mutualisation progressive des compartiments nationaux. Pour l’imputation des coûts d’une résolution, il est prévu que les compartiments des États de l’établissement concerné soient mis à contribution selon un rythme décroissant au fur et à mesure des années. Si c’est insuffisant, les ressources de la partie mutualisée du fonds seront utilisées. Si c’est toujours insuffisant, les sommes restant sur les compartiments nationaux des États de l’établissement concerné seront mobilisées. Si le compte n’y est toujours pas, ces mêmes États transféreront au fonds des contributions ex post extraordinaires. Tant que ces dernières ne sont pas immédiatement mobilisables, l’accord prévoit que le Conseil de résolution unique peut mobiliser des ressources supplémentaires provisoires en procédant à des transferts temporaires entre compartiments, en exerçant son pouvoir de contracter des emprunts ou en activant d’autres formes de soutien.

Il est prévu que l’accord entre en vigueur le deuxième jour du deuxième mois suivant la date à laquelle les États signataires participant au mécanisme et représentant au moins 90 % du total des votes pondérés auront déposé leurs instruments de ratification. L’absence de ratification par les États en dehors de la zone euro n’est pas bloquante. Afin que l’accord puisse entrer en vigueur le 1er janvier 2016, les notifications de ratification sont attendues avant la fin du mois de novembre. Le processus de ratification est déjà achevé en Finlande, en Allemagne et en Lettonie.

Si certaines ratifications ont tardé, c’est qu’après l’accord sur le mécanisme et le fonds de résolution ont eu lieu des discussions portant sur le calcul des contributions des banques – vous y avez fait référence, monsieur le ministre. En effet, ce calcul a été renvoyé à un acte d’exécution du Conseil, à combiner avec un acte délégué de la Commission prévu par la directive.

En France, les parlementaires se sont mobilisés pour appuyer le Gouvernement dans la négociation, notamment face à l’Allemagne dont le Parlement était aussi très offensif. Évidemment, chacun était soucieux de la préservation de ses intérêts ! Vous l’avez rappelé : selon le schéma initial, les banques françaises risquaient de devoir assumer plus de 31 % des contributions. En effet, elles ont un profil singulier, caractérisé par des passifs importants mais des dépôts faibles, et elles risquaient de voir le montant à leur charge passer de 11,5 milliards d’euros dans un système purement national à 17,5 milliards d’euros dans le système initialement prévu.

Finalement, un accord a été trouvé. Il fait contribuer à égalité les banques allemandes et françaises, à hauteur de 15 milliards d’euros pour chacun des deux pays. Il se traduit par des aménagements techniques et, surtout, par l’introduction progressive de la cible de financement européenne en lieu et place de la cible de financement nationale, afin de limiter les variations liées au passage du régime national au régime européen. Il est également prévu qu’une fraction des contributions comprise entre 15 % et 30 % pourra être acquittée en engagements de paiement hors bilan, ce qui est important pour les banques françaises. L’Allemagne a obtenu, pour sa part, une participation forfaitaire des petites banques, nombreuses dans ce pays.

Malgré ces avancées obtenues dans la négociation, dont il faut vous savoir gré, monsieur le ministre, ainsi qu’à vos services,…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion