Intervention de Jérôme Chartier

Séance en hémicycle du 4 mai 2015 à 16h00
Accord relatif au fonds de résolution unique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJérôme Chartier :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, je salue les interventions des deux présidentes dont le propos a été complémentaire. J’ai noté que la présidente de la commission des affaires européennes était très pushy, volontariste devrais-je dire en bon français, en matière de régulation bancaire et financière. L’ambition est belle, mais nous n’en sommes pas encore là et je crains qu’il nous faille attendre quelque peu avant de parvenir à une régulation bancaire et financière parfaite en Europe. Toujours est-il qu’il faut la souhaiter.

Le point de départ du texte que nous nous apprêtons à voter remonte à la crise des dettes souveraines de juillet 2011. Les établissements bancaires en grande difficulté pour honorer leurs échéances ont alors eu besoin de la couverture des États.

C’est en juin 2012, quelques semaines après l’arrivée d’un nouveau gouvernement aux responsabilités au mois de mai, que le mécanisme de résolution unique a été porté sur les fonts baptismaux. Après avoir fait l’objet de négociations, il arrive aujourd’hui devant la représentation nationale afin d’être adopté.

Tout en ayant le grand mérite d’exister, il présente cependant trois faiblesses. La première – rappelée tant par Mme Guigou que par Mme Auroi –, est la résolution d’une crise en quarante-huit heures au moyen d’un plan de résolution sollicité de chaque établissement bancaire. Pour l’un des deux établissements dits systémiques – au-delà du seuil de 7,5 % de fonds propres – le plan de résolution comporte 1 800 pages. Mettre en application 1 800 pages en un seul week-end, cela ferait quand même beaucoup de travail !

Chacun aura noté l’aspect purement théorique de cette affaire. Comment les choses se sont-elles passées au coeur de la crise financière ? Le Président de la République de l’époque a réuni les responsables des établissements bancaires afin de trouver des solutions visant à les sortir d’une situation extraordinairement délicate.

Résoudre efficacement une crise bancaire et financière, M. le ministre le sait fort bien, passe par l’efficacité des dirigeants, des dispositions suffisamment souples et des parlements réactifs. Pour ma part, je me souviens avoir voté des projets de loi de finances rectificative en moins de quarante-huit heures. C’est ainsi que l’on résout des crises financières majeures, et jamais dans le cadre d’un plan purement théorique à l’instar de celui-ci.

La deuxième faiblesse porte sur le montant des fonds mobilisés – 1 % des dépôts, 55 milliards d’euros – extrêmement faible par rapport aux enjeux d’une crise bancaire pour n’importe quel établissement systémique qui viendrait à faire défaillance et se verrait dans l’obligation d’honorer ses dépôts. Les 55 milliards d’euros du Fonds de résolution unique arriveraient à peine à couvrir les dépôts des plus grands établissements bancaires européens.

Cela me rappelle une histoire un peu plus ancienne, celle de la crise de garantie des dépôts. Pendant des années, une caisse de garantie des banques couvrait les défaillances possibles des établissements bancaires. Elle n’a de fait couvert qu’un seul établissement, le Crédit martiniquais, lequel, finalement, n’a pas eu besoin du Fonds de garantie des dépôts, un certain nombre d’établissements s’étant mis d’accord pour reprendre ses actifs et passifs.

S’agissant de ce fonds doté d’un milliard d’euros, chacun a pu prendre la mesure, au moment où la crise financière est survenue, qu’un milliard d’euros était un montant faible au regard de l’enjeu financier.

Aussi 55 milliards d’euros, c’est bien, mais cela reste modeste en cas de crise. Là où le ministre n’a pas raison, c’est d’avoir laissé croire à la fin de son intervention – ne pouvant sans doute s’empêcher de terminer par une pique partisane – que l’intervention des États en cas de défaillance d’établissements bancaires, appartenait au passé. Non, monsieur le ministre, cela fait partie du présent et cela fera partie de l’avenir. Les établissements bancaires assurent en effet le financement de l’économie, du crédit et de l’investissement. Il y va donc d’une responsabilité majeure pour chaque État. C’est la raison pour laquelle les États doivent être aux côtés des établissements bancaires en cas de défaillance.

La troisième faiblesse concerne le calcul des contributions financières au Fonds de résolution, notamment celles des établissements français, les deux présidentes l’ont rappelé. La présidente de la commission des affaires étrangères a souligné qu’un effort avait été fait. Dont acte. Chacun peut se féliciter.

Je note au passage que si la contribution des banques françaises est élevée, ce n’est pas du tout à cause de la faiblesse de leurs dépôts. Cela tient au principe français de l’intermédiation versus la financiarisation. Ainsi les établissements bancaires français ne financent-ils que très peu sur le marché leurs crédits par rapport aux fonds propres ou aux dépôts dont ils disposent, contrairement à ce qui se passe dans d’autres modèles culturels bancaires, notamment anglo-saxon, et britannique en particulier.

C’est la raison pour laquelle les banques françaises interviennent à un niveau aussi élevé, à parité d’ailleurs avec les banques allemandes, même si celles-ci sont pour partie financiarisées et appliquent pour partie le principe de l’intermédiation financière, bref présentent les caractéristiques mixtes du modèle français et du modèle anglo-saxon.

En tout état de cause, pour les établissements bancaires français, le financement du Fonds de résolution unique représente un effort important. On aurait pu espérer trouver une solution meilleure, car ce coût important pour eux aura un impact sur les conditions de délivrance du crédit sur le territoire national, par conséquent sur nos concitoyens, ainsi que sur l’investissement.

Si nous avions pu réduire de manière significative la participation des établissements bancaires français au Fonds de résolution, cela n’aurait été que bénéfique pour la France. Je note cependant l’effort qui a été fait en abaissant de 2 milliards la contribution acquittée par les établissements français, laquelle s’élève tout de même à 27 % du montant total estimé de 55 milliards d’euros.

Bien que conscient de ces trois faiblesses, le groupe UMP soutiendra l’accord concernant le transfert et la mutualisation des contributions au Fonds de résolution unique. Il reste cependant prudent quant à la capacité de ce modèle – extrêmement théorique – à faire face à une crise financière. On verra, dans la pratique, si les choses peuvent évoluer.

Grâce à la récente loi bancaire, les conseils d’administration des établissements systémiques font désormais l’objet d’une régulation par le biais de l’ACPR, l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, peut-être davantage dans un proche avenir. C’est un plus car cela permet au régulateur de siéger dans les conseils d’administration des établissements bancaires, d’assister aux prises de décision et de voir comment ces conseils veillent à réduire le plus possible les risques pour les établissements bancaires, afin d’être en mesure de faire face en cas de défaillance de la manière la plus simple, la plus rapide et la moins pénalisante pour l’économie.

Des marges de progression sont encore possibles en matière de régulation bancaire, de prévention des crises bancaires et de résolution des défaillances. Pour ma part, je pense que nous irons au-delà de ce mécanisme de résolution.

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