Intervention de Jean-Christophe Fromantin

Séance en hémicycle du 4 mai 2015 à 16h00
Accord relatif au fonds de résolution unique — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Fromantin :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, comme cela a été rappelé, il s’agit d’un moment important qui échappera peut-être à la médiatisation et, de fait, au grand public, le processus engagé étant complexe et technique. Pour autant, cet accord représente un élément fondamental en termes de précaution et de sécurisation de notre système économique et bancaire ainsi que de l’épargne des Français. À cet égard, monsieur le ministre, le texte que nous examinons ce soir revêt une importance particulière.

Le point de départ du Fonds de résolution unique remonte à une double crise : celle de la dette privée – avec la crise des subprimes –, et celle de la dette publique, qui perdure depuis 2011. Ces crises successives ont fait apparaître une série de dysfonctionnements dans le système financier, notamment le dysfonctionnement lié au surendettement privé, quand celui-ci est porté par les banques. Or nous ne sommes pas complètement à l’abri d’un risque de contagion, d’emballement lié à l’offre commerciale bancaire, fortement concurrentielle. Nous ne sommes pas totalement prémunis.

Dans la crise, les banques ont appelé le système public à l’aide. Pour protéger les populations, leur épargne, l’acteur public – on le sait – sera toujours aux côtés des acteurs bancaires quels que soient les mécanismes mis en place. C’est une obligation quasi régalienne de venir au secours de l’épargne si celle-ci est menacée.

La limite des capacités du système bancaire a aussi été mise en évidence avec les ratios sur fonds propres, lesquels diffèrent selon les configurations bancaires. Les banques ont des structures de risques différentes, en fonction de la structure de leur bilan et de leur clientèle. La comparaison est difficile dans ce domaine. Quant aux ratios, ils présentent de toute façon une certaine fragilité.

Il y a enfin le risque de financement des dettes souveraines. Il suffit de se reporter à l’actualité, enthousiasmante pour un certain nombre d’États, tentés de creuser leur dette, vu le niveau attractif des taux d’intérêt. Mais on sait que cette situation ne durera pas. La grande disponibilité actuelle de l’argent sur le marché mondial correspond à un cycle, lequel ne sera pas éternel. Les difficultés qui pourraient naître de la fin de ce cycle risquent de plonger des pays imprudents dans une situation de crise économique et financière.

Tout cela suscite de grands débats sur la rigueur, l’austérité, l’équilibre des économies, conséquence du bouleversement provoqué par les crises de 2008 et de 2011.

L’accord relatif au Fonds de résolution unique vise à gommer, autant que faire se peut, ces dysfonctionnements et de ramener, dans certains cas, les banques à la raison, en les rendant indépendantes du système public, en créant une solidarité de place au niveau européen et en appelant à la prudence avec la mise en place de ratios prudentiels, pour les assureurs comme pour les banques. Ces ratios sont là pour leur rappeler que l’argent de l’épargne n’est pas neutre et qu’on ne peut jouer avec, car il est nécessaire au financement de l’économie.

Comme cela a déjà été dit, le dispositif qui nous est proposé n’est pas dénué de risques et peut entraîner des dysfonctionnements.

Il a ses fragilités et ses faiblesses, liées à la complexité de sa mise en oeuvre. Nous raisonnons en fonction des crises que nous avons connues, mais nous ne savons rien des nouvelles crises qui pourront survenir. Le raisonnement à l’oeuvre vaut donc pour une nouvelle crise qui surviendrait selon des modalités que nous connaissons, mais il n’est pas certain que ce mode de résolution unique fonctionnera pour des crises futures. Nous devons donc être très vigilants quant à la mise en oeuvre de cet accord complexe et à son application en cas de nouvelle crise financière.

Il existe une asymétrie entre la contribution des banques françaises et leur poids dans le système bancaire européen – on pourrait en discuter pendant des heures, car une Sparkasse allemande n’est pas comparable à une grande banque française à réseau international. La différence même de construction entre les banques européennes, qui rend le système très complexe, nous incite donc à une grande vigilance. Nous pouvons en effet nous interroger légitimement sur la contribution des banques françaises, qui est de 15 milliards d’euros, soit 27 % du total du Fonds de résolution, alors qu’en intégrant le risque pondéré, cette participation devrait être plutôt de l’ordre de 20 %. La vigilance s’impose donc, car les milliards d’euros de la contribution des banques françaises au Fonds de résolution seront des milliards en moins dans le système de financement de notre économie et de nos entreprises.

Nous devons ainsi nous interroger sur l’impact de ce mécanisme sur le financement des entreprises. On sait en effet que les besoins en financement des entreprises françaises, en particulier des PME, seront de plus en plus élevés. La concurrence est rude et les besoins de nos entreprises en investissement sont importants. Les ratios prudentiels auxquels les banques sont soumises, mais également cette contribution au Fonds de résolution nous incitent à être très attentifs face à l’évolution de ces montants, afin qu’elle ne déstabilise pas le système de financement de nos entreprises et de notre économie, et donc de l’ensemble de notre projet de croissance.

C’est là un sujet qui préoccupe le Gouvernement et l’ensemble de la représentation nationale, car l’emploi et la concurrence internationale exigent que nous mettions en permanence des moyens à la disposition des entreprises.

L’UDI votera elle aussi ce projet de loi autorisant la ratification de l’accord relatif au Fonds de résolution unique, gardant toutefois à l’esprit plusieurs idées sous-jacentes. Nous tenons en effet à rappeler que, pour éviter demain une nouvelle crise financière à l’échelle de l’Europe, la maîtrise de nos déficits et la trajectoire du pacte de stabilité restent une priorité à laquelle nous devons collectivement être attentifs et pour laquelle nous devons nous impliquer. Si nous ne réduisons pas l’exposition de nos pays à la dette, nous serons demain, d’une manière ou d’une autre, en situation de risque face à une crise financière potentielle.

Nous devons également être très vigilants face au risque de nouvelles bulles spéculatives autour des valeurs tant mobilières qu’immobilières. On sait en effet que la faible coordination des politiques publiques au niveau européen et les effets euphorisants de certaines dispositions risquent à tout moment de créer des bulles spéculatives susceptibles d’avoir des effets collatéraux sous forme de crise financière et économique. Étant donné qu’il est très difficile de prévoir d’où pourraient naître ces bulles spéculatives, le système reste fragile et nous devons tous nous appliquer à mener des politiques de moyen terme et de long terme, car les politiques de court terme, à la petite semaine, guidées par des décisions erratiques, sont sans doute le meilleur moyen de nous exposer à nouveau, demain, à des crises économiques ou financières.

Enfin, nous devons considérer le Fonds de résolution unique comme une étape dans une intégration économique européenne plus que jamais nécessaire, avec une vraie politique budgétaire européenne, une vraie politique d’investissement européenne et une vraie politique fiscale européenne. Ce serait sans doute l’un des meilleurs remèdes pour éviter la dispersion des efforts et des risques et pour obtenir demain la réelle convergence économique que l’Europe doit encore construire.

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